Conditions d'exercice du mandat : les propositions des maires des petites villes
A quelques jours de la Convention nationale de la démocratie locale, organisée le 7 novembre par le gouvernement, l'Association des petites villes de France (APVF) formule une trentaine de propositions pour « améliorer l'attractivité des mandats locaux », favoriser l'engagement dans la vie publique et prévenir une crise des vocations.
Soutenir les maires engagés dans leur mandat, éviter une crise des vocations en donnant envie, notamment aux jeunes, de s’investir dans la vie publique locale, et diversifier le profil des élus : tels sont les objectifs de l’Association des petites villes de France (APVF, représentant les élus des communes de 2 500 à 25 000 habitants) qui a publié, le 25 octobre, une «contribution pour améliorer l’attractivité des mandats locaux ». Protection des élus, revalorisation de leurs indemnités de fonction, conciliation de l’exercice du mandat avec une activité professionnelle, formation, sécurisation de leur action…, cette contribution prend la forme d’une proposition de loi que l’APVF «va adresser à l’ensemble des parlementaires et verser aux débats pour l’enrichir », selon son président, Christophe Bouillon, maire de Barentin (76), qui insiste sur «le caractère transpartisan de ces travaux, loin des clivages politiques, car il y a un consensus sur le sujet et un caractère d’urgence ».
Augmenter les indemnités de fonction
L’APVF pointe en effet le grand nombre de démissions d’élus depuis 2020 qu’elle impute en partie à la dégradation des conditions d’exercice du mandat (violences faites aux élus, rémunération sans commune mesure avec la complexité et le caractère chronophage du mandat, exposition permanente au risque juridique…). «Il faut mettre le statut de l’élu à niveau et cesser de voter des dispositions parcellaires dans divers textes de loi comme c’est le cas depuis vingt ans », a résumé Christophe Bouillon.
Dans sa contribution, l’APVF formule une trentaine de propositions. Concernant les indemnités de fonction, l’association souligne qu’aujourd’hui, «un maire d’une ville de 9 000 habitants perçoit 1 900 euros mensuels nets, soit moins que le revenu médian des Français et moins qu’un conseiller départemental sans responsabilité exécutive ». Elle propose de «prévoir un montant fixe d’indemnités de fonction » pour le maire «sans possibilité de dérogation », et de «garantir aux maires, dans les communes de plus de 2 000 habitants, une indemnité de fonction au moins égale au traitement brut en fin de carrière des directeurs généraux des services, dans la strate démographique concernée » : soit 3 357,34 € bruts mensuels dans les communes de 2 000 à 10 000 habitants, et 3 972,68 € bruts mensuels dans les communes de 10 001 à 20 000 habitants. L’association plaide en faveur d’une revalorisation «de 30 % » des indemnités de fonction des adjoints au maires dans les petites villes.
Mieux concilier mandat et vie professionnelle
Pour mieux concilier le mandat avec la vie professionnelle, l’APVF suggère d’« augmenter les crédits d’heures pour les élus des petites villes à 175 heures par trimestre pour les maires [au lieu de 140 heures par trimestre aujourd’hui au-dessus de 10 000 habitants et de 122,5 heures sous ce seuil] et à 140 heures par trimestre pour les adjoints » au lieu de 122,5 heures et 70 heures par trimestre actuellement, pour ces deux mêmes strates. «Cela équivaudrait à deux heures par jour pour les maires ce qui est loin d’être excessif », a résumé Christophe Bouillon.
L’APVF propose aussi de «rehausser à 4 fois le SMIC horaire le plafond de compensation des pertes de revenu professionnel subies par les élus du fait de leur présence aux réunions de la commune » ou pour suivre des formations, contre 1,5 SMIC horaire aujourd’hui, «ce qui favoriserait l’engagement des cadres des secteurs public et privé ». Le temps du mandat serait pris en compte au titre de l’ancienneté dans l’entreprise, après une suspension du contrat de travail liée à son exercice. Et les élus se verraient accorder «une bonification d’un trimestre de cotisation au titre de l’assurance retraite pour chaque année complète d’exercice des fonctions de maire » (la loi du 14 avril 2023 ne prévoit que le rachat de trimestre).
Pour inciter les jeunes à s’engager et favoriser la diversité des profils, l’APVF recommande de garantir aux étudiants un droit d’absence en cas en cas de séance du conseil municipal ou d’une commission municipale, ainsi que la prise en charge de leurs frais de déplacement. Elle propose de «consacrer le droit des salariées placées en congé maternité de poursuivre leurs fonctions de maire pendant ce congé et donc de cumuler leurs indemnités de fonctions avec leurs indemnités journalières ».
Renforcer la protection des élus
Un volet consacré à la protection des élus reprend en partie les dispositions de la proposition de loi «renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires », en cours de discussion au Parlement (lire Maire info du 3 et du 10 octobre) : alignement des sanctions infligées aux auteurs de violences contre les élus sur celles en vigueur s’agissant des magistrats, policiers et sapeurs-pompiers ; porter à un an, au lieu de trois mois, le délai de prescription en matière de diffamation et d’injure publiques envers les élus ; ouvrir le droit à la protection fonctionnelle de la collectivité «à tout élu menacé, agressé ou calomnié en raison de son mandat, y compris s’ils ne sont pas titulaires d’une délégation.
L’APVF veut aussi «sécuriser juridiquement l’exercice des fonctions » en particulier sur la question des conflits d’intérêts. Elle déplore que la loi du 21 février 2022 «ne protège contre le risque d’être poursuivi pour prise illégale d’intérêts que les élus désignés par leur collectivité pour participer aux organes décisionnels d’un organisme << en application de la loi>>, c’est-à-dire quand la loi prévoit expressément (ou implique nécessairement) que la commune y soit représentée, ce qui exclut le cas des associations, pourtant à but non lucratif ». Il convient donc de supprimer cette restriction, selon l’APVF, et de permettre à un élu désigné par la commune pour la représenter dans une association dont elle est membre «de participer aux décisions municipales concernant cette association ».
De multiples réflexions et travaux sur le sujet
L’APVF avance ses propositions à quelques jours de la Convention nationale de la démocratie locale organisée, le 7 novembre, par le gouvernement en lien avec l'AMF, à laquelle elle participera aux côtés des autres associations d’élus locaux dont l’AMF. Sa proposition de loi, qui n’est pas encore déposée, a aussi vocation à nourrir les travaux parlementaires en cours : la proposition de loi «renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires », qui a reçu le soutien du gouvernement, adoptée le 10 octobre par les sénateurs et en instance d’examen à l’Assemblée nationale. Et les réflexions de la mission d’information sur le statut de l’élu créée au sein de la délégation aux collectivités de l’Assemblée nationale et pilotée par les députés Violette Spillebout (59) et Sébastien Jumel (76), dont les conclusions sont attendues fin novembre et pourraient aboutir au dépôt d’une proposition de loi transpartisane sur le sujet.
Enfin, à l’occasion du 105è congrès de l’AMF, l’association et le gouvernement devraient croiser leurs propositions pour améliorer le statut de l’élu et les conditions d’exercice du mandat. L’exécutif a annoncé le dépôt en 2024 d’un projet de loi qui intègrera ce volet.
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