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24/04/2024
Sécurité - sécurité civile

Le Beauvau de la sécurité civile a débuté avec pour objectif de faire évoluer le modèle français

Tous les acteurs de la sécurité civile étaient réunis au ministère de l'Intérieur, ce 23 avril, pour lancer la réflexion sur l'adaptation du modèle français aux différentes crises qui se multiplient. Tous les aspects devraient être abordés « sans tabou », selon les termes de Gérald Darmanin : missions, gouvernance, moyens, financement. Le gouvernement souhaite des propositions pour la fin d'année.

Par Bénédicte Rallu
Illustration
© BR pour Maires de France
Lancement du Beauvau de la sécurité civile, ministère de l'Intérieur, 23 avril 2024
Les missions des différents acteurs de la sécurité civile ont évolué. Le modèle français, même s’il est «original »  et «pertinent » , selon la ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, doit donc lui aussi s’adapter. Toutes les parties prenantes au Beauvau de la sécurité civile, qui a débuté ce 23 avril au ministère de l’Intérieur, sont d’accord avec ce postulat de départ.

Face au réchauffement climatique, à la multiplication des crises, aux nouvelles sollicitations, il faut préparer l’avenir pour pouvoir répondre aux besoins de protection des concitoyens. Les coûts augmentent, les moyens, eux, ne sont pas exponentiels.
 

Modernisation sans recentralisation

Trente ans après la départementalisation de la sécurité civile, l’heure est donc à «la modernisation, sans revenir sur la décentralisation », a posé le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. «80 % des interventions concernent aujourd’hui les secours aux personnes. Ce n’est pas ce pourquoi les sapeurs-pompiers se sont engagés, a contextualisé le ministre. Il y a cinq millions d’interventions par an, soit une toutes les dix secondes ! Le modèle est solide mais il aussi en tension. S’il tient, c’est parce que les personnes s’engagent. » Parfois au prix de leur vie.

Pour le gouvernement, il est donc temps de revoir les missions de la sécurité civile sur le long terme, les moyens alloués, la gouvernance des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), le financement et de débattre de toutes ces questions «sans tabou ». Est-ce que les sapeurs-pompiers doivent faire ce que d’autres ne veulent pas faire ? Faut-il déplafonner la part communale dans le financement ? Quelle est la place de la sécurité civile par rapport au système de santé ? Voici quelques questions parmi les plus épineuses clairement posées sur la table par le ministre jusqu’au couple «à trois », composé du ministère de l’Intérieur, de la sécurité civile et des collectivités.

À un moment, il faudra bien dire «qui est responsable de quoi » , a averti Gérald Darmanin avant de souligner que l’État verse encore «un quart des financements aux SDIS »  … «Toutes les questions sont ouvertes », jusqu’à l’évolution du statut des pilotes d’hélicoptère, des démineurs, les maladies professionnelles... Le locataire de la place Beauvau a toutefois fixé trois lignes rouges : le ministère de l’Intérieur reste le ministère de la gestion des crises, la France conserve son système de volontariat, le couple maire/préfet doit perdurer. 
 

Plafonnement de la part communale

Ces annonces ont été plutôt bien perçues dans l’assistance, même si chacun, notamment les Départements de France et l’AMF, parties prenantes de ce Beauvau de la sécurité civile, ont également avancé leurs lignes rouges. Le maire de Rives-en-Seine (76), Bastien Coriton, qui représentait David Lisnard, a rappelé «l’attachement de l’AMF au plafonnement de la part communale » dans le financement de la sécurité civile, mais l’association se dit prête à discuter par exemple autour d’une fiscalité revisitée (évolution de la taxe spéciale sur les conventions d’assurances (TSCA), nouvel impôt, discussion autour de la valeur du sauvé…). «Les SDIS ont besoin d’un nouveau financement », a admis l’élu normand.

Le président des Départements de France, François Sauvadet, a appelé chacun «à prendre ses responsabilités. Sur le financement, nous sommes à la fin du système. Nous sommes tous une variable d’ajustement. L’État finance un quart, mais tous les efforts sont supportés par les départements car les dépenses communales sont plafonnées. Nous devons redéfinir les priorités de la sécurité civile, ses missions. Les sapeurs-pompiers ne peuvent pas se substituer aux services de santé ». L’association propose également de revoir la TSCA mais aussi qu’une part fractionnée de la taxe de séjour puisse financer les SDIS.

Pour les besoins en matériels, Bastien Coriton a lancé la piste d’une possible mutualisation tout prônant une réflexion autour de la fabrication de matériels français et de l’industrie française. La solution de la mutualisation européenne, mais aussi pourquoi pas avec les pays du pourtour méditerranéen comme le Maroc ou l’Algérie (aussi bien pour le financement que pour le matériel) a, elle, été aussi avancée par Gérald Darmanin. L’idée de faire participer les assureurs au financement a également été posé sur la table. 
 

Échelon départemental

Sur l’organisation générale, l’AMF s’est dite «attachée à l’échelon départemental » , a indiqué Bastien Coriton.  Le maire de Rives-en-Seine a cité l’exemple de son département (Seine-Maritime) qui a créé une maison départementale de la sécurité civile qui fédère toutes les énergies, en particulier la réserve départementale de sécurité civile (une solution qui pourrait être généralisée).

Surtout, Bastien Coriton a encouragé à développer «la culture du risque »  avec une formation des élus à la gestion de crise, la participation à des exercices grandeur nature, une communication régulière envers le grand public avec l’organisation par exemple «d’une semaine de la sécurité civile »...

« L’AMF espère que tout cela débouchera sur une loi sécurité civile ». Les Départements de France ont appelé le gouvernement «à faire confiance l’intelligence territoriale. La départementalisation doit être confortée. Mais face au risque de fracture territoriale, il faudra peut-être revoir le découpage zonal », a soulevé François Sauvadet. S'agissant du couple maire/préfet, il a rappelé que les départements devaient aussi faire partie de l’attelage.  
 

Le volontariat défendu par les élus

Le volontariat est lui aussi défendu par les élus locaux. Le président du département de Côte d’Or demande que la loi conforte ce principe notamment au vis-à-vis de la directive européenne sur le temps de travail, vue comme «une menace »  pour le modèle français. «L’astreinte doit rester la base, la contrainte l’exception. Il faut une disponibilité [des sapeurs-pompiers] librement consentie et indemnisée et peut-être poser une limite dans le nombre d’interventions effectuées par jour » , a ajouté Bastien Coriton.

Le maillage territorial reste essentiel pour l’AMF, ouverte à discuter d’une meilleure reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires (notamment sur la question des retraites). Des propositions qui ne peuvent aller que dans le sens de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, elle aussi attachée au volontariat. Son président Jean-Paul Bosland, a invité les participants à ce Beauvau à comparer le modèle français avec d’autres modèles européens.

D’autres acteurs de la sécurité civile, en particulier les associations de bénévoles, ont, eux, mis en avant certaines de leurs spécificités et invité à ne pas oublier ces sujets.

Le ministre souhaite recevoir des propositions concrètes d’ici la fin de l’année. Selon les nécessités, des mesures pourraient prises dans les prochains projets de loi de finances et de loi de finances pour la sécurité sociale. Mais il a accepté l’idée de s’appuyer éventuellement sur une ou plusieurs propositions de loi, à condition qu’elles soient transpartisanes. La prochaine réunion devrait se tenir aux alentours du 21 mai.   


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