Cette transition doit cependant s’effectuer en douceur. Car en attendant la fibre, de nombreux foyers dépendent toujours du réseau cuivre vieillissant. Avec des pannes qui, parfois, se comptent en semaines comme l’ont dénoncé 215 maires ruraux signataires d’une tribune publiée en décembre 2020 dans Le Journal du dimanche. Ce cri d’alarme a été à l’origine de la création d’une «mission flash », confiée en janvier 2021 à la députée de la Drôme, Célia de Lavergne. L’élue a insisté sur le caractère «vital » du réseau cuivre pour des personnes dépendantes d’alarmes ou situées dans des zones mal couvertes en téléphonie mobile. Elle a surtout pointé l’insuffisance des moyens affectés par Orange à la maintenance du cuivre ainsi que des délais de rétablissement du service excessifs. Une partie de ses préconisations ont été entendues par Orange qui a présenté un plan d’action en mai 2020. L’opérateur, qui n’exerce plus le rôle d’opérateur du service universel qu’à titre transitoire, va maintenir l’effort financier sur le cuivre à hauteur de 500 millions d'euros par an, même si le nombre d’abonnés concernés décroît. Dans 18 zones dépendantes des réseaux aériens ou victimes d’intempéries, des «plans de renforcement locaux » sont programmés. 123 techniciens vont étoffer les équipes chargées des interventions d’urgence et l’intelligence artificielle va être mobilisée pour aider à une «maintenance prédictive ». Le dialogue avec les élus sera aussi renforcé (lire ci-dessous) et ces derniers sont incités à utiliser l’outil «Signal réseau » pour faire remonter tout incident. En cas de panne, Orange s’engage à proposer «sous 24 heures » une solution d’accès alternative avec, si nécessaire, le prêt de téléphones mobiles. Si le mobile ne passe pas ou que la panne est amenée à perdurer «pour un nombre significatif de foyers », l’opérateur proposera une solution satellite et wifi à la mairie.
Ce plan est destiné à assurer une transition en douceur vers la fibre, technologie amenée à remplacer le cuivre partout où il a été installé. L’abandon du cuivre est en effet indissociable de l’objectif du gouvernement de raccorder à la fibre 100 % du territoire d’ici à 2025. Celui-ci est partagé par tous les opérateurs qui ne voient pas la pertinence de maintenir durablement deux réseaux de télécommunications. Pour rappel : la fibre est déployée par les opérateurs privés dans les grandes agglomérations et par les collectivités, via des délégations de service public, dans les zones rurales. Les maires peuvent se renseigner sur la date d’arrivée de la fibre dans leur commune soit en passant par le gestionnaire du réseau d’initiative publique (RIP) local initié par le département ou la région, soit en consultant les données du site cartefibre.arcep.fr. Une fois l’ensemble des locaux raccordés à la fibre, la collectivité peut obtenir le statut de «zone fibrée ». Créé par la loi, il est attribué par l’Arcep sous réserve que la fibre soit présente partout et que tous les grands opérateurs commerciaux soient présents localement.
L’arrêt du cuivre est ensuite une opération complexe. Il ne peut être engagé qu’à l’échelle de «plaques techniques » cumulant un taux de raccordement des locaux de 100 % et un nombre d’abonnés à la fibre dépassant les 80 %. Orange pourra alors arrêter la commercialisation des offres de gros, aucune nouvelle ligne cuivre ne pouvant plus être créée. Une campagne de communication devra alors amener les derniers habitants à trouver une offre alternative au cuivre. Et au-delà d’internet, de nombreux services (alarmes, ascenseurs, terminaux de paiement, etc.) vont devoir passer par d’autres technologies, hertziennes généralement. Cette phase est particulièrement délicate car elle est propice aux arnaques. Les habitants risquent de se voir proposer des offres plus onéreuses que précédemment et dont ils n’ont pas le besoin. Une fois cette migration finalisée, Orange pourra arrêter définitivement les services cuivre puis démonter les installations.
Ce processus doit encore être affiné pour faire l’objet d’un «plan d’industrialisation » avec un calendrier, des échéances et un programme national. Attendu pour l’automne 2021, il devra être validé par l’État, les autres opérateurs et définir le rôle des collectivités. Il passe par des expérimentations, à l’image de celle menée en 2020 à Lévis-Saint-Nom (78, lire ci-dessous). Dans les mois qui viennent, 4 zones supplémentaires représentatives de différents contextes, en Île-de-France, dans le Nord-Est et à la Réunion, feront l’objet de tests. Les procédures définitives de fermeture devraient être définies d’ici à la fin 2022 pour démarrer massivement en 2023.
La fin du cuivre pèse enfin sur le service universel (SU) des télécommunications. Issu du droit européen, le nouveau cadre créé par la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière et le décret d’application du 31 août 2021 a fait entrer internet à haut débit dans le périmètre du SU, jusque-là limité au téléphone fixe et à l’internet bas débit. Il prévoit qu’un ou plusieurs opérateurs puissent l’assurer, cette règle allant de pair avec le nouveau réseau fibre propriété de plusieurs entités, dont de nombreuses collectivités via les RIP. Ce nouveau SU garantit l’accès à des services essentiels (messagerie électronique, moteurs de recherche, banque en ligne, appels vocaux et vidéo, etc.) et prévoit la création d’offres sociales. Il n’est pas lié à une technologie, même si de nombreux élus souhaiteraient en faire «le SU de la fibre ».
Dans l’attente de la mise en œuvre du nouveau dispositif, le SU reste assuré par Orange jusqu’en 2023, uniquement pour les offres fixe/voix. Au-delà de cette échéance, les questions prédominent sur le qui, le comment et le jusqu’où de ce nouveau SU. Avec pour principal défi de créer un système simple et lisible pour l’usager.