Si l’AMF partage les objectifs de lutte contre les dérèglements climatiques et, plus globalement, de transition écologique, elle pointe un manque de précision du législateur sur les impacts, modalités et moyens de mise en œuvre des dispositions et déplore un texte particulièrement «descendant » imposant aux collectivités des objectifs sans tenir compte de leurs spécificités.
• Circulation automobile : la loi généralise les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) dans les agglomérations métropolitaines de plus de 150 000 habitants au 31 décembre 2024. En 2025, dans les 10 métropoles enregistrant des dépassements réguliers des valeurs limites de qualité de l’air, elle interdit automatiquement la circulation pour les véhicules Crit’air 5 en 2023, Crit’air 4 en 2024 et Crit’Air 3 en 2025.
Ces mesures risquent de poser de grandes difficultés économiques et sociales dans les territoires dépendants de l’automobile. Le calendrier paraît intenable et l’accompagnement financier de l’État pour soutenir le remplacement des véhicules ne semble pas à la hauteur de l’enjeu : il consiste à expérimenter sur la période 2023-2025 un prêt à taux zéro pour les ménages les plus modestes vivant dans les
ZFE-m, en complément des autres aides prévues (prime à la conversion, bonus écologique, etc.). De plus, il est à craindre que les communes frontalières des ZFE-m se transforment en parc-relais, en contradiction avec la limitation de l’artificialisation des sols prévue par la loi.
À noter : l’AMF est opposée au transfert «imposé » des compétences et prérogatives du maire en matière de ZFE-m au président de l’EPCI. Elle a obtenu le maintien, pour les maires, d’une possibilité de refuser ce transfert.
• Verdissement des flottes de véhicules : la loi revoit le taux légal d’incorporation de véhicules à faibles émissions dans le parc des collectivités locales (30 % actuellement) en le portant à
40 % en 2025 et 70 % en 2030. En application du principe de libre administration des collectivités, l’AMF s’oppose à la mise en place d’obligations de renouvellement fondées sur l’atteinte de seuils sans prise en compte des contraintes locales ou de la réalité du parc existant. Elle souligne la complexité technique du sujet, la faiblesse de l’offre (voire son inexistence sur certains engins), l’absence de financement par l’État du surcoût de ces véhicules à l’heure où les finances des collectivités sont sous tension, etc. Les collectivités ne peuvent pas matériellement répondre à des obligations légales qu’elle juge irréalistes.
Le rythme d’artificialisation des sols devra être divisé par deux d’ici 2030. Le «zéro artificialisation nette » devra être atteint en 2050. L’AMF partage l’ambition du gouvernement mais regrette que le texte ne pose pas le principe d’une différenciation des objectifs à atteindre en fonction des territoires et traduise, au contraire, une vision descendante uniforme ne tenant pas compte des efforts déjà réalisés par les collectivités et de la diversité des contextes. Elle souligne les délais notamment contraints.
Dans ces conditions, la loi risque d’être inapplicable sur le terrain, selon l’AMF. La loi pose aussi le principe général d’interdiction de création de nouvelles surfaces commerciales qui entraînerait une artificialisation des sols. Le préfet pourra refuser tout projet d’entrepôt incompatible avec les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols.
• Passoires énergétiques : la loi prévoit le gel des loyers à partir de 2023 pour les logements classés F et G partout en France (et plus seulement dans les zones tendues), ainsi que l’interdiction de mise en location des logements les moins bien isolés (G en 2025, F en 2028, E en 2034).
Objectif : déclencher des travaux de rénovation énergétique. Concernant le financement du reste à charge des travaux de rénovation, le gouvernement avance que tous les ménages auront accès à un mécanisme de financement, qui pourra notamment passer par des prêts garantis par l’État.
• Guichets uniques : la loi précise l’organisation et les missions du service public de la performance énergétique de l’habitat qui reposera notamment sur le déploiement du réseau de guichets uniques pour l’accompagnement de la rénovation énergétique. Ce service public pourra «être assuré par les collectivités territoriales et leurs groupements, à leur initiative et avec leur accord ». Un flou demeure sur la répartition des rôles et sur les financements.
L’AMF estime qu’une première étape doit consister à sécuriser les structures existantes, en particulier les agences locales de l’énergie et du climat (ALEC) dont le modèle et le financement gagneraient à être plus précisément définis.
• Volet environnemental. Les acheteurs publics devront définir dans les cahiers des charges (marchés publics et concessions) à la fois des critères d’attributions et des clauses d’exécution prenant en compte des objectifs de développement durable, dans le cadre du «mieux-disant environnemental ». Cette loi devrait marquer la véritable fin de l’offre économiquement la moins-disante, même dans les petits marchés.
• Dimension sociale. Cependant, la dimension sociale du développement durable peut, elle, dans la plupart des marchés, être écartée. Sauf en procédure formalisée, où la prise en compte de clauses d’insertion est obligatoire dès lors que l’acheteur public ne se retrouve pas dans l’une des quatre dérogations prévues. Il faudra veiller à trouver un équilibre entre développement durable et souplesse du contrat.
En fonction de l’objet du marché, l’acheteur devra analyser quelles sont les dimensions du développement durable pouvant faire l’objet d’une application pratique et adaptée. Ce type de clauses d’exécution doit faire l’objet d’un suivi pour en vérifier le respect. Or, les petites communes ne sont pas toujours dotées des moyens nécessaires pour exercer ce suivi et contrôle.
Selon l’AMF, la territorialisation des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) dans les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), prévue par la loi, peut être une bonne chose si elle procède d’une différenciation et non d’une transposition uniforme d’objectifs nationaux. De plus, elle ne répond pas aux demandes des communes et des EPCI de pouvoir décider du bouquet d’énergies renouvelables à développer sur leur territoire.
• Expérimentation du «Oui pub » : une quinzaine de collectivités volontaires pourront expérimenter un dispositif interdisant la distribution d’imprimés dans les boîtes aux lettres qui ne portent pas une étiquette «Oui pub ». Reposant sur des bases juridiques fragiles, difficile à mettre en place, cette mesure présuppose que les habitants ne veulent pas recevoir d’offres commerciales dans leur boîte aux lettres, ce qui est loin d’être prouvé.
• Consigne pour le verre : la loi (art. 25) prévoit que «des dispositifs de consigne pour réemploi peuvent être mis en œuvre pour les emballages en verre lorsque le bilan environnemental global est positif. Le bilan environnemental de ces dispositifs tient compte de la distance de transport parcourue par les emballages pour être réemployés. Ces dispositifs de consigne pour réemploi du verre sont mis en œuvre sur la base d’une évaluation réalisée avant le 1er janvier 2023, en concertation avec les professions concernées, par l’observatoire du réemploi et de la réutilisation ». La création de cet observatoire doit intervenir dans les six mois suivant l’adoption de la loi.
La loi décentralise la police de la publicité extérieure pour la confier aux maires à compter de 2024. Cette police est automatiquement transmise au président de l’EPCI pour les communes de moins de 3 500 habitants. Cette mesure entrera en vigueur «sous réserve de l’adoption en loi de finances de dispositions compensant les charges résultant, pour les collectivités concernées, des compétences transférées », selon la demande de l’AMF.
À noter : ce pouvoir de police est étendu aux enseignes et vitrines lumineuses : une nouvelle disposition dans le Code de l’environnement permet de réglementer, via le règlement local de publicité, les publicités et enseignes lumineuses à l’intérieur des vitrines ou des baies d’un local à usage commercial visibles de la rue.