Peu importe que la commune n’ait pas de compétence légale attitrée. La pandémie, en un an, a démontré que cette compétence s’imposait de fait. « Un adjoint à la santé, ce n’est plus du luxe aujourd’hui, chaque ville devrait en avoir un », reprend Nathalie Prunier. «La crise nous a donné des ailes : il va falloir compter sur nous, enchaîne Jean Lacoste. Ce sont les villes qui ont contenu la crise car elles ont su agir, sans attendre les directives de l’agence régionale de santé (ARS) ou des ministres. »
En début de mandat, aucun adjoint n’avait de mode d’emploi ni eu le temps de se préparer véritablement, tous plongés dans « le tourbillon » à peine élus. Aujourd’hui, ils installent leur délégation pas à pas. Sans forcément de moyens humains spécifiques ou supplémentaires. Ce sont des « défricheurs ».
L’élue malouine n’a pas été en charge de la gestion de la crise sanitaire, confiée à un adjoint à la sécurité. Ce qui ne l’a pas empêchée de participer à la campagne de vaccination depuis janvier, en tant qu’infirmière. « Je n’ai pas géré le premier confinement, mais je me suis appuyée sur ce qui avait été mis en place par l’équipe pour les deuxième et troisième confinements. J’ai découvert des agents très professionnels. Sans eux, nous ne serions pas grand-chose. »
À Pau, Jean Lacoste a pris les rênes très tôt, avant même d’être nommé à la santé. C’était le professionnel de santé au sein du conseil municipal, celui sur lequel le maire, François Bayrou, s’est appuyé « dès fin de l'année 2020 » pour « réfléchir au moyen de se préparer » à la crise qui se dessinait. Il a eu l’idée de réunir les professionnels de santé de la ville, « pour les écouter ». Près de 250 d’entre eux répondent. « Ils ont été sensibles au fait que la ville se tourne vers eux pour les entendre. » Jean Lacoste pourrait parler des heures de ces moments « inédits » lors du premier confinement, sans un chat dehors, et en mairie, avec trois-quatre personnes au plus. « On a bâti très vite la réaction de la collectivité car on s’y était préparé. On a bougé des montagnes », souligne l’élu.
Il se souvient avoir été le premier à distribuer des masques aux soignants du pays du Béarn après avoir déniché un stock de 90 000 masques oubliés dans un hangar. « Cela nous a positionné comme acteur majeur à l’époque où l’ARS pataugeait », estime-t-il. Suivront le premier « drive » de tests, une consultation médicale avancée, le tout sans forcément les autorisations requises, mais suivant l’adage, « si on n’a pas le droit, on prend le gauche ». Aussi, lorsque la campagne du deuxième tour des municipales a commencé, l’idée d’une délégation santé publique s’est imposée, comme un prolongement de ces mois où la commune a fait la différence en proposant et en créant de multiples dispositifs.
À Colmar, la création d’une délégation à la santé figurait déjà dans le programme municipal. La Covid-19 a précipité les choses. La délégation a d’abord été confiée à un élu en charge de la sécurité. «Mais au bout de deux mois, on a compris que la santé ne pouvait pas être dissociée notamment pour la prise en charge des personnes âgées et handicapées », raconte Nathalie Prunier. « Je n’ai pas de moyens humains supplémentaires, c’est mon service et le centre communal d’action sociale qui assurent. Nous avons la tête dans le guidon et le centre de vaccination est ouvert depuis janvier… mais ça va ! » De 1 000 injections par semaine en janvier, le centre est passé à 16 000 par jour, en juin ! L’élue aussi a « déplacé des montagnes ». Elle est fière d’avoir rendu possible les premières vaccinations de travailleurs handicapés au vaccinodrome « comme tout le monde ». Mais déçue que l’ARS ait préféré poursuivre seule leur vaccination, via une équipe mobile allant dans les établissements spécialisés.
La Covid-19 a empêché les élus de rencontrer des personnes et d’avancer aussi vite qu’ils l’auraient souhaité sur leurs projets. Il a fallu faire avec des services réorganisés suivant les périodes de confinement, le télétravail. La situation tend à s’améliorer. La respiration est réelle. « Vivement les mois à venir », glisse Sophie Pirot-Leprizé dont une bonne partie des projets porte sur le développement de la prévention, en partenariat avec tous les acteurs possibles. « La santé ce n’est pas “que” ne pas être malade, c’est avoir un logement décent, pratiquer une activité sportive, manger sainement, etc. », énumère l’élue.
Certaines initiatives commencent aussi à sortir de leur sommeil forcé. Comme le contrat local de santé du Pays de Saint-Malo sur lequel compte l’élue malouine pour travailler autour du projet de nouvel hôpital entre Saint-Malo, Cancale et Dinan. Saint-Malo s’apprête aussi à s’engager sur un conseil local de santé mentale. À Colmar, Nathalie Prunier a déjà mis en place le sien. Un groupe de travail y a été créé, à l’automne, pour traiter de l’incidence de la Covid sur la santé mentale. L’alerte donnée par les médecins, il y a un an, sur les risques concernant la jeunesse se confirme. « Le service de pédopsychiatrie est submergé d’adolescents en souffrance… » Comme ses collègues, Jean Lacoste est persuadé que les communes sont l’échelon pertinent pour développer ces politiques « réactives » de santé publique locale. Les élus se promettent d’en donner la preuve !