« Le télétravail est un droit » pour les agents, rappelle cependant Marie-Claude Jarrot, maire de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire, 20 000 hab.), et s’installe à leur demande. Au préalable, les élus doivent acter la mise en place du télétravail en conseil municipal, après avis du comité technique. Au niveau national, le gouvernement a négocié, le 1er juillet, un accord sur le télétravail dans la fonction publique (le secteur privé a le sien depuis le 26 novembre 2020). Cet accord a été signé à l'unanimité le 13 juillet par les employeurs et les organisations syndicales.
Les collectivités ont fait remarquer qu’il était difficile d’avoir un accord prescriptif dans la fonction publique territoriale, tant est grande la diversité des organisations (en taille, en effectifs, en métiers). « Le télétravail doit rester à l’appréciation des élus locaux qui peuvent l’utiliser comme élément du dialogue social », estime Philippe Laurent, porte-parole de la Coordination des employeurs territoriaux et secrétaire général de l’AMF.
Mais « l’employeur peut aussi en faire un élément de sa politique de ressources humaines », relève Emmanuel Gros, directeur général des services (DGS) de la ville de Vannes (Morbihan, 53 350 hab.) et membre du bureau du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités (SNDGCT).
« Ne rien faire, c’est prendre le risque d’avoir un télétravail à deux vitesses et de perdre en attractivité dans ses recrutements », sur le plus long terme. « Bien sûr, il peut amener un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Aujourd’hui, j’ai quand même l’impression que les agents ont davantage besoin de se retrouver », souligne Murielle Fabre, maire de Lampertheim (3 400 hab., Bas-Rhin, 5 agents administratifs), co-présidente de la commission fonction publique territoriale et RH de l’AMF. À l’heure de reprendre une organisation de travail plus conventionnelle, les choix s’orientent donc davantage vers un système hybride, alliant le plus souvent une majorité de jours sur site avec un ou plusieurs jours de télétravail (fixes ou volatils). Sauf exception, le tout télétravail ou le tout présentiel ne semblent pas des options pérennes.
Il existe en effet une grande différence entre le travail à distance, mis en place dans l’urgence, souvent subi (provoquant isolement, risques psycho-sociaux, etc.), et le véritable télétravail qui « doit être négocié, cadré, prévient Mathilde Icard, directrice générale des services du centre de gestion (CDG) du Nord, par ailleurs présidente de l’Association des DRH des grandes collectivités territoriales.
C’est un mode d’organisation du travail qui se prépare, dans lequel il faut arriver à construire du collectif », mais aussi veiller au respect du temps de travail, du droit à la déconnexion, etc. Tout en ne perdant pas de vue que « le mode d’organisation du travail doit avant tout répondre aux besoins du service public ». Notamment dans les petites collectivités où l’accueil du public est souvent assuré par un seul agent.
Le télétravail doit être aussi réversible : « un agent doit accepter de venir au bureau si on le lui demande, même si cela tombe lors de son jour de télétravail », cadre Aline Ridet, directrice générale adjointe chargée des ressources humaines au conseil régional d’Île-de-France, très en pointe sur le télétravail.
Il faut donc s’interroger sur ce que le télétravail apporte « comme organisation complémentaire à la collectivité », préconise Murielle Fabre. Le développement du télétravail et de la visio-conférence peuvent permettre « d’accueillir » du public sous ce nouveau format. «Cela apporte un meilleur service au public de pouvoir contacter un agent public lors d’une pause à son propre travail. Nous incitons à repartir des besoins », explique Mathilde Icard. « Tous les métiers sont à réinterroger », insiste également Nicolas Lonvin, directeur général des services du CDG du Finistère et ancien DRH de la ville d’Orléans, où il avait mis en place le télétravail.
L’important est de raisonner «en termes de tâches et non de poste », appuie Emmanuel Gros. Exemple : un agent d’accueil ne peut, a priori, pas télétravailler. Mais s’il n’est pas seul à ce poste et que l’employeur lui demande de faire des statistiques, un rapport ou une autre tâche administrative, il pourra télétravailler en partie pour exécuter ces tâches. Cela peut exiger de revoir l’organisation du travail dans la collectivité, les processus et même l’organisation personnelle de chacun (entre tâches effectuées en télétravail et tâches plus axées sur l’humain, en présentiel).
L’important est de trouver le bon équilibre entre présentiel et télétravail. Le télétravail renouvelle la manière de manager les équipes. « La relation humaine devient très objectivée par rapport à la mission, analyse Marie-Claude Jarrot. Nous sommes dans le contrôle du résultat, ce qui implique une évolution, peut-être même positive si elle fait évoluer la culture du présentéisme ».
La formation des encadrants, mais aussi des élus, peut s’avérer utile pour encourager le changement de culture. « Il est important de travailler avec les managers afin de les aider à collaborer avec des équipes mixtes, c’est-à-dire avec des agents présents et des agents en télétravail », professe Aline Ridet.
Mais la réflexion « ne peut se faire que dans la concertation avec les agents », considère Murielle Fabre. La mise en place du télétravail pour certains agents, quand d’autres ne peuvent pas y avoir recours, peut susciter des grincements au sein de la collectivité. Voire dégrader les relations sociales. Faire preuve de pédagogie avec eux devient alors nécessaire, fait remarquer Nicolas Lonvin : « La crise a permis de montrer l’efficacité des télétravailleurs, il est bon de le rappeler comme de rappeler que les télétravailleurs travaillent souvent davantage qu’en présentiel. »
En termes de dialogue social, il faut cependant « veiller à ne pas se focaliser sur le télétravail que peu d’agents demandent pour ne pas renforcer des logiques catégorielles entre ceux qui télétravaillent et ceux qui ne le peuvent pas », conseille Mathilde Icard.