" Des classes avec moins de niveaux et qui, en raison de la Covid, comptent moins d'élèves, c'est mieux. "
Résignation. « Je suis conseiller municipal quand, au printemps 2018, j’apprends par l’association de parents d’élèves qu’une de nos cinq classes de primaire va fermer à la rentrée. Aux yeux de l’Éducation nationale, nous n’avons pas assez d’élèves pour la garder. Mince ! Je fais remonter l’information à mon maire. Une classe qui ferme, c’est de la qualité de vie en moins et cela se traduit par des sureffectifs dans les classes restantes. Avec les parents d’élèves, nous faisons passer un article dans le journal et concevons une banderole devant l’école (“ Non à la fermeture de classe ”). Mais ce que l’Éducation nationale veut, Dieu le veut ! Nous sentons que l’affaire est pliée et la décision irrévocable. En septembre 2018 et à la rentrée suivante, la cinquième classe est bien devenue un souvenir. »
Tentative. « En juin 2020, changement de climat. Je suis élu maire et me dis qu’il serait utile de réouvrir cette classe. En pleine épidémie de la Covid-19, à quoi riment des classes surchargées quand nous avons tout l’espace pour en réouvrir une ? Je me penche sur les effectifs, il manque 4 enfants. Rien à dire, je suis un ancien gendarme et la règle, c’est la règle. Toutefois, en juillet, un couple m’annonce qu’il s’installe à Chaffois : ils ont 3 enfants qu’ils inscriront à l’école ! Je tente le coup : le 7 août, j’écris à l’Inspection d’académie et lui dis qu’il nous manque un seul enfant, mais que des classes avec moins de niveaux et qui, en raison de la crise sanitaire, comptent moins d’élèves, c’est mieux. Dans ce contexte, nous demandons logiquement la réouverture de cette classe et l’envoi d’un instituteur pour la rentrée. »
Succès. « Courant août 2020, zéro réponse – même négative ! Cela me contrarie. J’organise une interview avec la presse locale. Titre de l’article : " Effectifs surchargés : le maire réclame une classe ”. Je mets en avant l’importance d’instaurer une distanciation physique entre les écoliers, et suggère que, n’ayant pas répondu, l’Éducation nationale… approuve sans doute la réouverture !
L’article paraît et aussitôt, les cabinets de nos trois parlementaires (une députée et deux sénateurs) m’appellent. Ils veulent m’aider.
Là, en quelques jours, tout se décante. Le ministère de l’Éducation nationale autorise la réouverture. Je suis prévenu l’avant-veille de la rentrée ! La direction académique sera restée toujours silencieuse. Le jour de rentrée, il “manque” un élève mais un instituteur nous a bien été envoyé : nous retrouvons notre cinquième classe. »
Ce qu’il retient
• Oser : « Quand j’ai laissé entendre que le silence de l’Inspection académique était sans doute un consentement, j’avoue avoir tenté un coup de bluff. Mais j’étais vexé car si un service public ne répond pas à un élu communal, c’est l’usager qui trinque ! »
• Solliciter : « Je n’avais pas pensé à saisir les parlementaires alors qu’ils sont un précieux relais. Il ne s’agit pas de demander un passe-droit. J’avais de bons arguments. »
• Innover : « Avec cet article, j’ai mis la pression sur l’Éducation nationale, et ça a marché. La politique c’est passer par la fenêtre quand la porte vous est fermée, et innover. Nous mettons en place, par exemple, un budget participatif. Nos maigres moyens, avec de l’imagination, suffiront pour mieux vivre à Chaffois. »
Remerciements
« Les parlementaires ont été formidables, soutenant notre petite commune rurale face à l’administration de l’Éducation nationale. J’ai une pensée pour ce couple providentiel qui a choisi de s’installer à Chaffois, avec 3 enfants, sacrée fratrie ! Je remercie aussi le journaliste qui a dédié son article à notre désarroi en plein été, et présenté notre situation sans erreur ni pathos. Un article, écrit par un professionnel, dans nos contrées, reste un puissant signal : plus, en tout cas, qu’un message perdu sur les réseaux sociaux. »
n°391 - JUIN 2021