Europe
07/06/2021
Europe

Conférence sur l'avenir de l'Europe : la parole aux citoyens

Ses conclusions devraient être connues au printemps 2022, lorsque la France assurera la présidence tournante de l'Union européenne. Les pouvoirs locaux se mobilisent. Par Isabelle Smets

Une plateforme multilingue centralise les points de vue et propositions des citoyens sur tous les sujets qu'ils jugent importants pour l'Europe.
Donner au Parlement européen un droit d’initiative législative, mettre en place un Conseil citoyen européen consultatif, faire du 9 mai [fête de l’Europe] un jour férié, nommer un commissaire européen dédié aux plus de 60 ans…, les citoyens ne manquent pas d’idées quand il s’agit de s’exprimer sur l’Europe. Elles sont en train d’affluer sur la plateforme européenne dédiée à la Conférence sur l’avenir de l’Europe, enfin lancée le 9 mai au Parlement européen de Strasbourg. Virus oblige, l’événement n’a pas eu le faste auquel il aurait pu prétendre, mais les élus locaux ont dit leur ferme intention de s’emparer de ce grand raout pour le décliner en autant de dialogues citoyens plus mobilisateurs. Une tribune commune du Comité européen des régions (CdR) et de Territoires Unis (AMF, Assemblée des départements de France, Régions de France) est venue rappeler l’importance d’associer les collectivités « si l’on veut éviter d’en faire un exercice régenté depuis les hautes sphères qui risquerait de prêter le flanc aux boniments démagogiques et anti-européens » (www.amf.asso.fr, réf. BW40735). Une invitation a été lancée à tous les élus locaux et régionaux, via une lettre ouverte notamment cosignée par le CdR, la Commission européenne, les présidents des associations d’élus, dont l’AMF : « Imaginez, peut-on y lire, qu’il incombe, au sein de chaque assemblée régionale ou locale, à un homme politique élu de ­s’occuper de l’impact que produit l’Union européenne sur sa communauté. Imaginez que ce dirigeant local noue un dialogue avec les citoyens et veille à ce que leur voix soit entendue lors de la Conférence. » Aux collectivités tentées, le CdR propose son aide dans l’organisation de dialogues locaux avec les citoyens.
 

Subsidiarité et territorialisation

Pour réfléchir au rôle que les collectivités joueront dans l’Europe de demain, le CdR a organisé un premier dialogue local, le 9 mai, depuis l’hôtel de ville de Strasbourg et en partenariat avec les associations d’élus. Si la Conférence devait déboucher sur une réflexion de nature juridique – éventuellement une modification des Traités –, François Baroin, président de l’AMF, souhaiterait une définition plus précise du principe de subsidiarité européen, histoire de donner « un corps juridique à l’échelon local, le plus proche des citoyens ». Un principe de subsidiarité qui, dit-il, « doit aussi trouver sa déclinaison chez nous », avec des réflexions à avoir sur une territorialisation renforcée dans des domaines comme la santé, le logement, la culture, le sport, le médico-social, etc.
L’occasion aussi de réitérer la demande d’accompagnement dans la résorption des fractures numériques – 
« plus de la moitié de la population française vit dans des communes de moins de 2 500 habitants ». Le secrétaire d’État chargé de la Ruralité, Joël Giraud, qui compare la démarche européenne à ce qui s’est fait en France lors du Grand débat, veut « vraiment croire à cet exercice de démocratie participative » à l’heure où « il convient de réaffirmer la permanence du projet européen ». Ces prochains mois, dit-il, doivent aussi mettre en avant la notion de différenciation à l’égard des territoires ruraux, faiblement peuplés, des montagnes, des îles. « Des territoires quelque peu oubliés des institutions et nous aimerions les voir revenir sur le devant de la scène. » Pour Jean Rottner, président de la région Grand Est, qui s’exprimait pour Régions de France, c’est sur « le fait transfrontalier, ces zones vues de très loin par les capitales » qu’il convient d’avoir une réflexion particulière. Des zones qui, plus que d’autres en ce temps de la Covid-19, ont expérimenté le fait que les acquis de l’Europe restent fragiles – les fermetures de frontières le leur ont rappelé. Pour Frédéric Bierry, président de la collectivité européenne d’Alsace, ce rappel a été « brutal ». Il espère que cette année particulière permettra, pour de nombreux jeunes, d’avoir une expérience concrète de l’Europe. « C’est ainsi qu’ils auront conscience d’en faire partie », plaide celui qui regrette aussi que « la France n’éduque pas assez ses jeunes à l’Europe. Un jeune Danois, un jeune Allemand en sait plus sur l’Europe qu’un jeune Français ». Tous se rejoignent sur une même conviction : ce dialogue qu’instaure la Conférence ne doit pas rester un dialogue institutionnel. Il doit ­surtout permettre de parler de l’Europe « avec son cœur ». « Il faut répondre aux populistes qui contestent l’Europe avec leurs tripes, alors que trop souvent, nous défendons l’Europe avec des PowerPoints », estime Christophe Rouillon, maire de Coulaines (72) et co-président de la commission Europe de l’AMF.

 

 Qu’est-ce que la Conférence ?
• Une assemblée plénière de 433 participants (députés européens et nationaux, États, société civile, partenaires sociaux, etc.), dont 18 membres du Comité européen des régions (CdR) et 108 citoyens.
• Des panels de citoyens européens et nationaux, qui formulent des recommandations débattues en plénière.
• Un Conseil exécutif (représentants du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, du CdR et du Conseil économique et social européen en observateurs) qui établira le rapport final sur base des conclusions de la plénière.
• Des événements organisés aux niveaux européen, national, régional et local.
• Une plateforme multilingue interactive pour s’informer, débattre, soumettre des idées en ligne, proposer des événements, et sur laquelle sont recueillies les contributions des événements liés à la Conférence (https://bit.ly/3u4FcJz).
n°391 - JUIN 2021