L'actu
07/06/2021
Numérique, réseaux sociaux

Conseillers numériques : pourquoi le dispositif « peine à démarrer »

Salué par les acteurs locaux, leur recrutement reste coûteux pour les collectivités et le calendrier fixé par l'État est jugé trop rigide. Par Ludovic Galtier

L'aide de l'État pour recruter un conseiller numérique ne couvre que 50 à 60 % du coût réel pour les collectivités.
Trente conseillers numériques « réservés » dans l’Allier et dans les Landes, 35 en Haute-Vienne… Depuis le début de l’année, départements, État et les différents partenaires (Banque des territoires, ANCT) signent des conventions pour déployer, d’ici fin 2022, les 4 000 conseillers censés contribuer à la résorption de la fracture numérique en France. Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, table sur la prise de fonction de 1 000 conseillers dans des structures publiques ou privées, dès la fin de cet été. Sur le papier, le dispositif (www.conseiller-numerique.gouv.fr), financé par le plan de relance à hauteur de 200 millions d’euros, est pertinent. « L’aide de 50 000 euros pour les communes et EPCI (40 000 euros pour les associations) qui embauchent un conseiller pour deux ans est une bonne mesure, observe Patrick Molinoz, maire de Venarey-Les Laumes (21) et co-président de la commission numérique de l’AMF. Elle témoigne d’un début de prise de conscience par l’État des difficultés rencontrées par les Français avec les outils numériques et confirme que seule une approche de proximité peut être efficace. »  
 

Une mise en œuvre « très poussive  »

Le vice-président de l’AMF déplore néanmoins la « mise en œuvre très poussive » du dispositif. « En novembre, le gouvernement annonçait qu’il fallait recruter ces conseillers de toute urgence, sous quelques semaines… Six mois après son lancement, le dispositif peine à démarrer concrètement », constate l’élu. « L’initiative reste insuffisante, regrette, par ailleurs, Patrick Molinoz. Deux ans ne suffiront pas à réduire la fracture des usages numériques. » Cédric O en convient lui-même : en début d’année, devant le Sénat, il estimait nécessaire de « structurer le secteur de la médiation numérique ». Pour l’heure, si le salaire des conseillers numériques sera pris en charge à 100 % par l’État, à hauteur du Smic sur deux ans et à 70 % sur trois ans, la poursuite du dispositif n’est pas garantie. Déployer des conseillers numériques n’est pas une opération neutre pour les collectivités. « L’aide impose un engagement financier important des communes alors qu’elles sont affaiblies par la crise sanitaire, la baisse des dotations de fonctionnement et la suppression de la taxe d’habitation ». Elle « ne couvre [de plus] que 50 à 60 % du coût réel pour les collectivités alors que la numérisation “ à marche ­forcée ” des services publics nationaux est à 100 % le fruit de la volonté de l’État et de ses opérateurs », souligne l’élu. Autre grief de Patrick Molinoz : « Le gouvernement a ignoré les règles classiques (budgéter et créer le poste, procéder au recrutement, signer un contrat, etc.) qui s’imposent aux communes. Il ne suffit pas de mettre un lien pour que l’embauche se réalise en quelques jours ». Et de conclure : « Il est donc urgent de simplifier les procédures et de sécuriser les communes qui s’engagent au lieu de les menacer d’une perte de l’aide faute de recrutement rapide. »  

 

Des « super conseillers  » en Bourgogne-Franche-Comté
Président du groupement d’intérêt public Territoires numériques Bourgogne-Franche-Comté, Patrick Molinoz a candidaté au ­dispositif des conseillers numériques pour faire de ces derniers « des super conseillers » dans sa région. « Ils auront notamment pour mission d’animer le réseau des conseillers numériques recrutés par les communes, EPCI et associations. Cela signifie rencontrer, ­proposer des méthodes et des outils concrets, faciliter l’échange de bonnes pratiques, aider au suivi des actions conduites, identifier et résoudre les difficultés, etc. Une mission indispensable au succès du dispositif, en particulier pour les conseillers numériques qui seront recrutés dans les territoires ruraux. »
n°391 - JUIN 2021