L'actu
05/05/2021
Santé

Faut-il revoir l'implantation des pharmacies ?

Dans un rapport de 2017, la Cour des comptes avait pointé un surnombre des pharmacies évalué à un quart des officines. En pleine crise sanitaire, élus et pharmaciens soulignent la nécessité de préserver un maillage de proximité, notamment dans le cadre de la lutte contre les déserts médicaux. Propos recueillis par Emmanuelle Stroesser

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Michel Gabas, maire d’Eauze (Gers) et pharmacien 

« La pénurie de médecins impacte les pharmacies. »

" Maire et pharmacien, j’ai défendu le maillage territorial des pharmacies quand il a été remis en question, notamment par la Cour des comptes qui chiffrait à plus de 5 000 le nombre de pharmacies en trop ! Aujourd’hui, où qu’ils vivent, les Français sont à moins de 20 min d’une pharmacie. C’est lié au numerus clausus d’installation, que n’ont pas les médecins et dentistes. Plus encore depuis la Covid-19, ce maillage répond aux demandes de proximité et les pharmacies servent de poste avancé notamment pour la vaccination. Est-ce que certains projets des communes peuvent les fragiliser ? Oui. Le meilleur exemple est le mien. Il y a quelques années, nous avons entrepris des travaux dans la commune. Il fallait arbitrer sur la piétonnisation d’une place. J’ai décidé la transformation de zones de parking en zones piétonnes. Le premier des trois pharmaciens à en pâtir, ce fut moi ! Mon chiffre d’affaires a dégringolé. J’ai cherché un autre local pour transférer mon officine. Mais ce transfert a pris 15 mois (règles à respecter, demande au conseil de l’ordre, etc.). L’aménagement sanitaire du territoire est aussi déterminant dans le maillage. La désertification médicale et la désertification pharmaceutique sont très liées. Je ne comprends pas pourquoi aucun gouvernement n’a encore osé instaurer un numerus clausus d’installation pour les médecins. »

 

Jocelyne Wittevrongel, secrétaire générale de la Fédération
des pharmaciens d’officine 

« Le maillage est satisfaisant, équilibré, mais il est fragile. » 

" Le maillage est satisfaisant, équilibré, mais il est fragile. Il ne se crée plus de pharmacie depuis des années et près de 200 ferment chaque année car l’environnement économique est plus dur. Des pharmacies sont aussi mises en difficulté quand il n’y a plus de médecin dans certains secteurs. Notre but est donc de veiller à maintenir ce maillage. Quand une pharmacie ferme dans une commune de moins de 2 500 habitants, c’est souvent irrémédiable. Des décisions municipales (modification d’un stationnement, etc.) peuvent affecter l’activité d’officines. La pharmacie est un commerce particulier qui a besoin d’accessibilité. Les élus doivent prendre le temps de la concertation avec les pharmaciens en amont de leurs projets d’aménagement. Certains projets, destinés à lutter contre la désertification médicale, peuvent aussi avoir un impact sur l’existence des pharmacies. Créer une maison de santé pluridisciplinaire peut en effet fragiliser la pharmacie d’une commune ou d’un bourg où il n’y a plus de médecin. Nous défendons plutôt la création de pôles de santé, qui sont des réseaux de professionnels mieux répartis sur le territoire. La  pandémie rappelle, si besoin était, l’importance des pharmacies. Les maires ne doivent pas oublier que les pharmaciens peuvent participer, comme tous les professionnels de santé, à l’élaboration de politiques de santé publique locale. »

n°390 - MAI 2021