Sur le plan juridique, c’est au conseil municipal qu’il appartient d’élire les adjoints au maire et d’en déterminer le nombre. Un nombre qui ne peut en principe excéder 30 % de l’effectif légal du conseil municipal, comme le précise le Code général des collectivités territoriales (art. L. 2122-2 du CGCT). En revanche, c’est bien au maire et à lui seul qu’il revient de définir, par arrêté, le contenu des attributions qu’il souhaite déléguer à chacune et chacun d’entre eux, sans consulter le conseil municipal ni devoir tenir compte de l’ordre du tableau. Pour percevoir une indemnité de fonction, les adjoints doivent bénéficier d’une délégation du maire. En outre, le maire peut décider de confier une délégation à un conseiller qui devient alors « conseiller municipal délégué ». Depuis fin 2019, les adjoints ne disposent plus d’un droit de priorité en matière de délégations. Les conseillers délégués ne peuvent cependant prétendre aux qualités d’officier de police judiciaire et d’officier d’état civil, fonctions strictement attachées aux maires et aux adjoints. Ces délégations sont nominatives. Les arrêtés doivent être publiés, affichés et transcrits dans le registre communal. « Ils fixent la durée et les règles d’exercice des fonctions déléguées, précise le
Guide du maire 2020 rédigé par l’AMF (cahier du réseau n° 22). Les délégations, dont la durée ne peut excéder celle du mandat du maire, subsistent tant qu’elles ne sont pas retirées par le maire », qui peut y mettre fin à tout moment, sans avoir à motiver sa décision, lorsque la confiance est rompue par exemple…Le maire peut toujours intervenir sur un domaine qu’il a délégué. Les textes ne fixent aucun type de délégation obligatoire, dont l’objet et l’étendue reposent sur le libre choix des édiles en fonction des axes sur lesquels ils souhaitent prioriser leurs actions municipales. Dans tous les cas, les délégations de fonction confiées par le maire s’exercent sous sa surveillance et sa responsabilité (art. L. 2122-18 du CGCT). De quoi justifier pour le maire un droit de regard, pour ne pas dire de contrôle, sur les conditions d’exercice des délégations par ses adjoints.
Accomplir au mieux ses fonctions
« Contrôler suppose un manque de confiance, ce qui n’est pas ma vision du travail en équipe, tempère cependant Éric Boisnard, maire de Courtonne-la-Meurdrac (658 hab., Calvados). Nous nous réunissons tous les mercredis soir pour faire le point de chaque sujet et avançons ensemble. Chacun, moi y compris, fait un compte rendu de ses missions. » Pour compléter son équipe exécutive, Éric Boisnard a choisi de mettre en place un poste de conseillère déléguée. Sa commune rurale disposant d’un commerce communal géré en délégation de service public, c’est donc au suivi de ce sujet bien particulier que se consacre la conseillère municipale désignée par le maire. À l’Haÿ-les-Roses (31 417 hab., Val-de-Marne), Françoise Sourd est adjointe en charge des affaires sociales, de la famille et de la politique de la ville auprès du maire, Vincent Jeanbrun. Lors de la précédente mandature, cette fonction l’occupait entre 12 et 15 heures/semaine. L’expérience aidant, l’adjointe consacre aujourd’hui un peu moins de 10 heures/semaine à ses fonctions depuis 2020. « Pour ce qui concerne le compte-rendu de ma délégation, c’est en fonction des besoins, nous pouvons soit nous appeler au téléphone avec le maire, soit nous voir, soit encore échanger à bâtons rompus lorsque nous nous rencontrons », témoigne-t-elle.
Sur le terrain, chacun prend progressivement ses marques pour accomplir au mieux ses fonctions. Un exercice sans doute plus chronophage pour les nouveaux élus. À l’instar de Thomas Clément, qui exerce depuis quelques mois son premier mandat d’adjoint au maire de Boulogne-Billancourt (121 334 hab., Hauts-de-Seine, lire ci-contre). Il confie consacrer entre 25 et 30 heures par semaine à l’exercice de sa délégation aux commerces, à l’artisanat, aux marchés alimentaires et à la gastronomie. Pour rendre compte de sa délégation, « j’envoie régulièrement des notes au maire qui sont soit des petits comptes rendus d’actions, soit des informations issues de mes rencontres sur le terrain », indique Thomas Clément. Côté travail en équipe, « tous les lundis, les adjoints se réunissent autour du maire pour passer en revue l’actualité municipale et faire le point sur l’avancée des différents projets », précise-t-il. Du point de vue de tous, les relations entre un maire et ses adjoints doivent avant tout reposer sur un rapport humain de confiance et de proximité. « S’il fallait caractériser mes relations avec notre maire, je dirais qu’elles sont avant tout amicales », commente en ce sens Françoise Sourd. À l’heure du numérique, ses relations avec son maire sont notamment facilitées « par les boucles WhatsApp, les SMS que nous échangeons et le secrétariat des élus ». Thomas Clément, lui, résume l’indispensable proximité devant unir les maires et leurs adjoints : « Deux mots essentiels constituent le ciment de la relation entre un maire et ses adjoints : loyauté et confiance. » Pour l’adjoint boulonnais en effet, « la majorité municipale doit fonctionner comme une véritable équipe, chacun à son poste mais tous à l’écoute des autres » (lire ci-dessous). Par-delà les traditionnelles délégations aux finances, à l’urbanisme, à l’environnement, aux affaires sociales ou encore aux travaux, les récents mandats municipaux ont vu fleurir de nouvelles délégations autour du « vivre-ensemble », du « cadre de vie » ou des « liens intergénérationnels ». Preuve que les maires savent tirer profit de la souplesse conférée par les textes pour adapter au mieux le choix des délégations en fonction des préoccupations locales et sociétales. Peut-être cette souplesse mériterait-elle d’ailleurs d’être mieux utilisée dans les communes. À titre d’exemple, « une délégation à l’environnement et à la citoyenneté serait sans aucun doute prioritaire », estime Éric Boisnard. Selon lui, « aucune politique publique sérieuse ne peut être menée si elle ne s’appuie pas sur des considérations environnementales et citoyennes ». Pour Françoise Sourd, « un adjoint aux valeurs de la République, aux droits et devoirs et à la laïcité serait une belle idée ». Pour Thomas Clément, la plupart des thématiques sont déjà rattachées à des délégations dans sa commune. Nouvel adjoint aussi optimiste que déterminé, il conclut : « Si je devais vraiment me creuser la tête… peut-être une délégation à la fête, car après l’épisode de la Covid-19, nous aurons tous envie de la faire ! »
Témoignage
Thomas Clément, adjoint au maire de Boulogne-Billancourt (121 334 hab., Hauts-de-Seine)
« Fonctionner comme une véritable équipe »
« Je consacre presque un mi-temps à l’exercice de mon mandat d’adjoint. Deux mots essentiels constituent, selon moi, le ciment de la relation entre un maire et ses adjoints : loyauté et confiance. Surtout, une majorité municipale doit savoir fonctionner comme une véritable équipe : chacun à son poste mais tous à l’écoute des autres, le maire étant à la fois le capitaine et le «coach ». J’envoie régulièrement des notes au maire qui sont soit des petits comptes rendus d’actions, soit des informations issues de mes rencontres sur le terrain. Je lui adresse également des tendances et des idées. Tous les lundis, les adjoints se réunissent autour du maire pour passer en revue l’actualité municipale et faire le point sur l’avancée des différents projets. »
Témoignage
Éric Boisnard, maire de Courtonne-la-Meurdrac (658 hab., Calvados)
« Une collaboration basée sur la confiance »
« La relation entre un maire et ses adjoints implique une collaboration étroite basée sur la confiance totale. Un maire doit savoir déléguer et nous avançons ensemble avec mes adjoints. C’est la base de la démocratie et donc du succès. Les conseillers doivent aussi, dans la mesure de leur disponibilité, être impliqués. Il ne faut jamais oublier que le maire est l’exécutant des décisions prises collectivement par le conseil. Adjoints, conseillers délégués ou conseillers municipaux, le principe est d’associer au maximum les élus. Chacun doit trouver sa place au sein de l’équipe et faire bénéficier à tous de ses compétences. »
Égalité femme-homme
Il est utile de prévoir une délégation à l’égalité femme-homme afin que cet enjeu essentiel soit porté de manière transversale au sein de la commune, comme le recommande l’AMF dans un «Mémento sur la commune et l’égalité femme/homme » (
www.amf.asso.fr, réf. BW39945). Le maire peut s’intéresser à la question de la répartition des délégations : il s’agit d’attribuer des délégations sans stéréotype de genre. Ces points de vigilance doivent aussi s’appliquer aux établissements de coopération intercommunale (EPCI).
n°389 - AVRIL 2021