Jennifer Jacquemart/Commission européenne
Le Premier ministre portugais António Costa, et les présidents de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et du Parlement européen, David Sassoli, lors de la cérémonie de signature de la « Facilité pour la reprise et la résilience », le 21 juillet 2020.
" L’information ne passe pas. Ce n’est pas assez clair. Les petites structures sont complètement démunies. » La commission Europe de l’AMF, réunie le 10 février, a permis aux maires de faire remonter leur expérience sur la mise en place du plan de relance européen. Et le jugement est sans appel. « Les maires, surtout les nouveaux, surtout ceux des petites communes sont perdus », souligne Pauline Tivelet, chargée de mission Europe et international à l’AMF. « Comme l’a fait remarquer une élue, la moindre des choses serait que les maires aient le même niveau d’information, et ce n’est pas le cas. » Entre préfets, sous-préfets à la relance, sous-préfets d’arrondissement – certains plein de bonne volonté mais peu au fait des réalités de terrain, d’autres surtout à l’écoute des entreprises –, les maires donnent l’impression d’avoir besoin d’une bonne boussole, et vite. Car les choses sont en train de se mettre en place au niveau européen. La « Facilité pour la reprise et la résilience » (FRR) – le principal instrument du plan de relance européen – a définitivement été adoptée en février. Elle est censée rembourser les projets de relance français à hauteur de 40 Mdse, sur les 100 Mdse du plan national France Relance. Des fonds européens qui seront mis à la disposition des États jusqu’à la fin 2023 seulement. « Donc, il y a vraiment urgence à ce que l’information puisse circuler dans toutes les communes de France », alerte Pauline Tivelet. Concrètement, au plus tard le 30 avril, Paris va devoir remettre à la Commission européenne son « plan de reprise et résilience » qui, une fois approuvé, ouvrira le robinet des financements. D’après la Commission européenne, l’argent sera disponible vers la mi-2021. Et à ce stade, beaucoup de communes en sont toujours à se demander ce qui pourra être financé au titre de cet instrument et comment s’en saisir. « Ce que nous font remonter les maires, c’est que même l’État ne sait pas, indique Pauline Tivelet. Parmi les dispositifs qui nous sont présentés aujourd’hui au titre de France Relance, certains seront financés par l’Europe. Mais on ne sait pas précisément lesquels. » Symptomatique à cet égard : le « Guide à destination des maires » sur le plan de relance, publié par le gouvernement, en 2020, ne mentionne pas une seule fois le terme « Europe » –, alors qu’environ 40 % des fonds en proviendront. Or, un financement au titre des fonds européens implique une série d’obligations juridiques, que les acteurs locaux et nationaux ont tout intérêt à anticiper et qui seront par ailleurs contrôlées par Bruxelles. Bref, « il va falloir être clair sur qui finance quoi », estime pauline Tivelet. Priorité au numérique et au climat Les priorités qui ont été accolées à la FFR ouvrent d’importantes possibilités de financement pour les projets climatiques et numériques. Des obligations de fléchage figurent à cet égard dans le règlement européen : au moins 37 % des financements que la France obtiendra au titre de la FRR devront être utilisés pour des projets en faveur du climat, 20 % en faveur du numérique. Pourront par exemple compter dans le quota « climat » : la rénovation énergétique des logements existants, la construction de bâtiments économes en énergie, des mesures d’efficacité énergétique dans les infrastructures publiques, des projets relatifs à la cogénération, aux systèmes de chauffage et refroidissement urbains à haut rendement, à la réduction des fuites d’eau, à la gestion des déchets. On peut aussi citer l’utilisation des matières recyclées, la protection du patrimoine naturel, les projets d’infrastructures de transport urbain propre, de carburants alternatifs, l’efficacité énergétique des systèmes d’évacuation des eaux usées, etc. La priorité numérique, elle, ouvrira des financements pour la couverture des territoires, les projets d’administration en ligne, de services publics numériques ou des services et applications de santé en ligne. Ces priorités recoupent largement celles qui pourront être financées au titre de la programmation « classique » des fonds structurels européens. « Du coup, les communes se demandent aussi si elles doivent proposer leurs dossiers à l’éligibilité de plusieurs fonds, pour espérer qu’ils soient retenus au moins une fois », explique Pauline Tivelet. Les régions, tout à la préparation de leurs propres programmes, ont, elles aussi, fait remonter au gouvernement leur inquiétude sur l’articulation des différents fonds. Et certaines ont dû revoir l’orientation de leurs programmes pour éviter les recoupements trop manifestes avec la FRR.
REACT-UE : 3,9 milliards € pour la France
À côté de cette « Facilité pour la reprise et la résilience » (FRR) – 40 Mds€ pour la France (672,5 Mds€ pour l’ensemble de l’UE) –, le plan de relance européen prévoit aussi de distribuer à la France 3,9 Mds€ au titre de l’instrument « REACT-UE » (47,5 Mds€ pour l’ensemble de l’UE). La différence ? Si la FRR est gérée par l’État, REACT-UE, lui, relève des fonds structurels et donc des régions. Il s’agit d’une enveloppe supplémentaire ajoutée à l’enveloppe « classique » des fonds structurels, qui sera distribuée dans le cadre des programmes opérationnels des régions, via des appels dédiés. Elle servira à financer par exemple des projets liés à la santé, au soutien des PME dans des secteurs très touchés par la crise (culture, tourisme, etc.), à l’emploi des jeunes. Comme avec la FRR, les ressources seront mises à disposition jusqu’à la fin 2023. Environ 3 Mds€ doivent arriver cette année, le reste l’année prochaine.
n°388 - MARS 2021