« En revanche, avec la préfecture, c’est plus compliqué : les informations passent davantage par les associations départementales d’élus, et les maires sont loin d’être toujours mis dans la boucle. » Pourtant, les maires attendent beaucoup des échanges avec le préfet, comme l’indique Rémy Pointereau, conseiller municipal de Lazeray, sénateur du Cher et co-auteur d’un rapport d’information sur l’ancrage territorial de la sécurité intérieure (lire ci-dessous) : « Si des réunions sont volontiers organisées entre les préfectures et les présidents d’intercommunalité, les maires sont trop souvent mis de côté du fait de la complexité à organiser ces rencontres. » Un phénomène illustré par Alexandre Touzet, maire de Saint-Yon (91) et président du groupe de travail sur la prévention de la délinquance et de la radicalisation à l’Assemblée des départements de France (ADF) : « Notre communauté de communes a créé un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance et une cellule de veille. Elle réunit les 16 maires de l’EPCI, des représentants de la police intercommunale et de la gendarmerie afin de faire des points réguliers sur la délinquance et les incivilités, explique-t-il. Grâce à cette structuration, nous bénéficions d’une oreille plus attentive de la part des services préfectoraux. »
Adoptée par les députés en première lecture, le 24 novembre dernier, la proposition de loi sur la sécurité globale permet l’extension des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), qui deviendraient obligatoires dans les communes de plus de 5 000 habitants. « Les communes qui en sont dotées sont mieux armées et entretiennent davantage de liens avec le préfet. Les CLSPD devraient être renforcés et devraient pouvoir s’implanter sur de plus petites communes », estime Rémy Pointereau. « Les textes récents témoignent de la volonté du gouvernement d’associer davantage les élus locaux aux questions de sécurité », souligne Nathalie Koenders, première adjointe au maire de Dijon (21) et co-présidente de la commission prévention de la délinquance et sécurité de l’AMF. Mais «
la question des moyens alloués à la justice pour mettre en œuvre toutes les mesures d’information systématique du maire sur les suites judiciaires données aux faits survenus sur le territoire de la commune » se pose, selon l’AMF. Certains élus pâtissent ainsi, au quotidien, d’un manque d’information à la suite des signalements liés à des violences ou des incivilités. « J’ai actuellement le cas d’une personne qui pose problème sur ma commune, raconte Anne-Sophie Patru. J’ai déposé plainte pour dégradation, une procédure est en cours mais à l’issue de son audition, cette personne a été vue en train d’attaquer les portes et vitrines de la mairie à coups de marteau. Or, sans flagrant délit, pas moyen d’agir. Dans un cas comme celui-là, nous n’avons ni retour d’informations ni accompagnement. On se sent seul et démuni. » De telles situations interrogent sur les relations des communes avec la justice : la question des plaintes, dont les maires ignorent les suites, revient de façon récurrente. « Les maires se sentent délaissés, résume Rémy Pointereau. Les magistrats leur paraissent souvent inaccessibles, alors que la relation maire-parquet apparaît comme fondamentale. » Le principe d’une réunion d’information entre les magistrats du parquet et les maires élus lors des dernières municipales figurait parmi les mesures de la loi « engagement et proximité » du 27 décembre 2019. Une circulaire de juin 2020 souhaitait que ces réunions se tiennent dès septembre ; le 15 décembre 2020, le garde des Sceaux invitait les procureurs, dans une autre circulaire, à renforcer le dialogue institutionnel avec les maires. Dans les faits, de nombreux élus n’ont pas connaissance de cet objectif. « En Côte-d’Or, le préfet a récemment réuni tous les maires en présence du procureur. Mais il faut reconnaître que les élus ruraux se sentent davantage éloignés du parquet que ceux des villes-centres », résume Nathalie Koenders, qui ajoute : « De son côté, la justice fait avec les moyens dont elle dispose. » Certaines initiatives vont toutefois dans le bon sens : « Le parquet d’Évry a nommé un chargé de mission politique de la ville qui fera le lien avec élus », se réjouit Alexandre Touzet. À Dijon, Nathalie Koenders indique que des postes ont aussi été créés par la justice afin de faciliter de telles relations. Rémy Pointereau cite, quant à lui, l’exemple du procureur de Valenciennes qui « a instauré des relations régulières avec les maires et mis en place une boîte mail sécurisée permettant un dialogue direct avec les élus ». Toutefois, les échanges d’information reposent encore souvent sur des relations privilégiées entre les maires et les acteurs de la sécurité locale. « Un tel partage devrait devenir un réflexe afin qu’au-delà d’événements exceptionnels, le maire soit régulièrement informé », estime Marie-Laure Pezant. « Les circulaires, les textes, les structures existent, constate Alexandre Touzet. L’important, c’est la manière dont les interlocuteurs les mettent en œuvre pour que l’information passe… ou pas. »