• Depuis 2018 et le rapport Borloo, la situation ne semble pas avoir évolué : les moyens de droit commun sont-ils toujours insuffisants ou illisibles ?
Les deux. Nous souffrons du manque de médecins scolaires, d’infirmières, de psychologues. Cela relève du droit commun. Ce manque, les habitants le paient cash. Il en est de même concernant le nombre de policiers. Nous réclamons aussi plus de maisons de justice et du droit. Par ailleurs, personne n’est capable de dire quels moyens supplémentaires l’État a mis dans les quartiers populaires dans le domaine de l’Éducation nationale ! Or, toutes les politiques particulières de la politique de ville ne sont efficaces que si le droit commun est précisément inscrit et mobilisé. C’est ce qui nous fait réagir sur l’avenir de l’éducation prioritaire. Si on remet en cause les réseaux d’éducation prioritaire (REP), comme le suggère l’expérimentation lancée par le gouvernement, on peut toujours lancer parallèlement des dizaines de cités éducatives : leur utilité sera de fait amoindrie.
• Les maires veulent créer un « conseil national des solutions ». À quoi doit-il servir ?
Ce conseil aurait deux rôles. Le premier est de valoriser et de tirer les conséquences des expériences mises en place dans nos villes. Pour les généraliser et éviter d’inventer la poudre. Deuxièmement, nous voulons créer les conditions pour nous assurer que les différents plans gouvernementaux touchent vraiment leur cible et que les crédits sont réellement débloqués. Par exemple, l’aide aux associations de quartier. Un plan de 20 millions d'euros a été promis. Mais beaucoup d’associations nous disent ne pas avoir touché un centime. Soit parce qu’elles n’ont pas déposé de dossier au regard de la complexité de la procédure, soit parce que l’État ne les a pas informées et mobilisées localement pour le faire. Depuis vingt ans, les gouvernements successifs ont dépecé l’État local. Il manque de relais. Le but du « conseil des solutions » n’est pas de créer un « truc » de plus mais d’apporter du concret.
• Quel est l’impact de la crise sanitaire dans les quartiers ?
Je vous citerai deux indicateurs observés sur Allonnes mais représentatifs de ceux observés dans d’autres villes. La hausse – de 30 à 60 % – des personnes sollicitant les Restos du cœur, le Secours catholique, etc. Avec beaucoup de nouveaux visages, des femmes seules, des retraités, des étudiants et des travailleurs précaires. Autre indicateur, la baisse du nombre de licenciés dans les clubs sportifs. Elle atteint 30 à 60 % ! C’est tout le lien social et le « vivre-ensemble » liés à ces clubs qui n’existent plus. Sans compter les conséquences financières. Cela justifie notre demande d’un plan de 100 millions d'euros supplémentaires pour aider les associations des quartiers prioritaires. Nous demandons aussi à l’État de débloquer 2 milliards d'euros de plus pour l’Agence nationale pour la rénovation urbaine car il ne faut pas mégoter sur la qualité de nos projets. Il faut généraliser les cités éducatives dans les quartiers prioritaires d’ici à quatre ans. C’est la même idée que nous promouvons autour des cités de l’emploi. Il faut donc accélérer !