I. LE CADRE NATIONAL
• Le plan national de prévention de la radicalisation (PNPR). Présenté en février 2018, le PNPR «Prévenir pour protéger » comprend 60 mesures concernant aussi bien la sécurité publique, les prisons, l’école, la fonction publique, la politique de la ville, le sport, etc. C’est le troisième opus du genre après les plans de 2014 et 2016. Cette mouture mise encore plus sur la prévention. Elle cherche, en particulier, à intensifier l’implication des communes et à mieux les associer dans la détection des personnes en voie de radicalisation et leur prise en charge. Par exemple, la mesure 21 incite les collectivités territoriales à nommer des référents (élus et/ou coordonnateurs de conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance), la mesure 22 concerne la formation des élus et agents territoriaux, la mesure 46 vise la prise en charge des personnes présentant des signes de radicalisation et l’accompagnement de leurs familles.
• Acteurs pilotant la prévention. Au niveau national, le CIPDR (Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation) fixe les orientations de la politique gouvernementale. Son secrétariat général joue un rôle d’appui et d’animation auprès des préfectures et des acteurs concernés, élabore des outils d’aide, promeut la formation. Dans les territoires, le préfet est la pierre angulaire du dispositif. Sous son autorité, le Groupe d’évaluation départementale (GED), composé des services locaux de sécurité et du procureur de la République, passe en revue les signalements reçus et décide des suites à donner sous l’angle de la sécurité. Le préfet préside aussi la cellule de suivi pour la prévention de la radicalisation et l’accompagnement des familles (CPRAF) qui examine les situations de radicalisation relevant d’une approche préventive qui requièrent un accompagnement psychologique et social pluridisciplinaire. Elle comprend, outre les services de l’État, des collectivités territoriales, des professionnels (éducatifs, médico-sociaux, etc.), le réseau associatif.
II. LES OUTILS DU MAIRE
• Le plan d’action sur la prévention de la radicalisation. La prévention de la radicalisation doit s’intégrer pleinement dans le pilotage du contrat de ville, lequel doit présenter en annexe un plan d’action sur la prévention de la radicalisation (obligatoire depuis fin 2016). La mobilisation des dispositifs de la politique de la ville et des différents acteurs agissant dans les quartiers prioritaires au contact des jeunes et des familles, prévue par le PNPR de 2016, a été renforcée dans celui de 2018.
• Le CLSPD. Aux termes des articles L. 132-5 et L.132-13 du Code de la sécurité intérieure, le conseil local ou intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD/CISPD) peut constituer en son sein un ou plusieurs groupes de travail et d’échange d’informations à vocation territoriale ou thématique. Les modalités de cet échange sont prévues par un règlement intérieur établi par le CLSPD sur proposition des membres du groupe de travail. L’article D. 132-7 du Code de la sécurité intérieure (CSI) précise que l’extension de leur compétence aux actions de prévention de la radicalisation se fait, en fonction de la situation locale, selon les modalités définies conjointement avec le préfet.
• La coopération avec le préfet et les services de l’État. La circulaire du 13 novembre 2018 relative à la mise en œuvre d’un dialogue renforcé entre l’État et les maires fixe la doctrine d’échanges d’informations en matière de radicalisation (lire ci-contre). Attention toutefois : il ne s’agit pas d’une systématisation de la transmission aux maires d’informations nominatives confidentielles pour l’ensemble des suivis opérés par les services de police, de gendarmerie ou de renseignement, afin de ne pas perturber les enquêtes judiciaires en cours ni nuire à la confidentialité des actions de renseignement. La circulaire demande aux préfets de désigner un interlocuteur de proximité au sein des services de l’État (services préfectoraux, police ou gendarmerie) et de le faire connaître aux maires. Ceux-ci doivent être «incités » à lui transmettre toute information qu’ils détiennent et qui leur semble utile au suivi d’un individu ou d’une structure. En retour, ils doivent être informés des suites données. Si, par exemple, l’individu est pris en charge par les services de renseignement, le maire en sera informé «sans que la nature ni les modalités du suivi ne lui soient communiqués ». Ces retours d’information ne peuvent toutefois être faits que dans les communes ayant installé un groupe de travail restreint du CLSPD/CISPD. Dans le cadre légal fixé pour les CLSPD/CISPD et précisé par la charte de confidentialité annexée à la circulaire, même si le maire n’est pas à l’origine d’un signalement, les préfets peuvent, dans certains cas, l’informer. Par exemple, dans le cas de radicalisation d’un employé de la commune ou encore sur les risques associés au subventionnement d’une association, au fonctionnement d’un commerce, à la mise à disposition de locaux par la collectivité, à des questions pouvant justifier un contrôle du maire dans le cadre de ses compétences. Si le préfet est amené à formuler une demande auprès du maire (par exemple, refuser une subvention à une association à la suite d’un signalement), celui-ci s’engage à ne révéler ni la nature ni l’origine de l’information dont il dispose, sauf le cas échéant aux autres membres du groupe restreint du CLSPD/CISPD. Tout manquement à la clause de confidentialité conduirait à l’interruption de l’échange d’informations.
III. LE CHAMPS D'INTERVENTION DU MAIRE
• La gestion des agents. La Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) a élaboré, en octobre 2019, un Guide de la prévention de la radicalisation dans la fonction publique, visant notamment à éclairer les élus sur les outils statutaires dont ils disposent en cas de non-respect des obligations déontologiques par les agents publics (obligation de neutralité et de laïcité, devoir de dignité et de réserve, obligation d’exécuter ses fonctions). Les collectivités sont incitées à mettre en place un référent, interlocuteur des services préfectoraux et de l’autorité judiciaire, mais aussi des responsables hiérarchiques de la collectivité. Si l’un de ces responsables hiérarchiques observe un comportement «laissant à penser qu’un agent peut être engagé dans un processus de radicalisation violente », il est tenu de procéder à un signalement, en accord et en collaboration avec le maire. Le guide détaille la gradation des réponses face à de telles situations.
• L’école. Le PNPR comprend un volet conséquent de mesures concernant la défense des valeurs de l’école républicaine et la prévention de la radicalisation à l’école. Elles concernent surtout la communauté éducative, mais également les collectivités pour certains aspects. L’une des mesures du plan visait par ailleurs à s’assurer du caractère exhaustif du recensement des enfants soumis à l’obligation scolaire et à accélérer la mise en œuvre des contrôles obligatoires dans le cadre de l’instruction dans la famille.
• Les associations (sport, culture, etc.). De nombreuses actions de prévention sont menées par les communes avec les associations sportives et culturelles (sensibilisation des encadrants, travail sur les fondements républicains, etc.).
• Internet. Le maire a aussi un rôle à jouer en la matière, en particulier en signalant les comportements et contenus violents, illicites et menaçants qui s’expriment en ligne contre lui-même, d’autres élus, des agents ou des administrés, en utilisant les dispositifs de signalement qui sont à sa disposition : la plateforme Pharos (www.internet-signalement.gouv.fr) pour les signalements de contenus illicites sur internet, et le dispositif spécifique existant pour signaler le basculement d’une personne dans la radicalisation (www.stop-djihadisme.gouv.fr et son numéro vert 0800 005 696).