Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce ne sont pas dans les plus petites communes (où la parité n'est pas obligatoire) que les chiffres sont les plus mauvais : c'est dans les communes de 30 000 à 100 000 habitants que le taux de féminisation des maires est le plus faible (15,5 %), alors qu'il est supérieur à la moyenne nationale dans les communes de moins de 500 habitants (20,8 %). Dans les EPCI, la parité progresse mais beaucoup reste à faire : «la loi NOTRe a clairement nuit à l'égalité avec la désignation des élus par un dispositif de fléchage non paritaire. Dans les petites communes, c'est souvent le maire, donc majoritairement un homme », tacle Isabelle Gueguen, du cabinet Perfégal, experte en égalité femme-homme. Et la réduction du nombre de groupements n'a pas arrangé les choses. De fait, malgré une progression de 4,4 points lors des dernières élections, les femmes ne sont que 35,8 % dans les EPCI en 2020. Et plus on s'élève dans la fonction, moins on trouve de femmes : on compte ainsi seulement 25,6 % de femmes parmi les vice-présidents et 11,2 % de femmes présidentes d'EPCI (8 % en 2014).
« Nous sommes dans une dynamique favorable, mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Il n'y a pas de crise des vocations supposée : quand il y a une véritable volonté de faire de la place aux femmes dans les conseils municipaux, on y arrive ! », soutient Julia Mouzon, présidente-fondatrice d'ÉluesLocales. Ce réseau milite, avec l'appui du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) et de plusieurs associations d'élus (dont l'AMF) pour «l'alignement des règles paritaires strictes qui s'appliquent dans les communes de plus de 1 000 habitant.e.s aux communes de moins de 1 000 habitant.e.s. », comme ils le recommandaient dans un communiqué commun du 28 janvier 2019. Ce communiqué suggérait aussi «l'application de la parité aux fonctions de maire et de premier ou première adjoint.e pour les communes, et aux fonctions de président.e et de premier ou première vice-président.e pour les EPCI », par alternance. Ces mesures n'ont finalement pas été incluses dans la loi «engagement et proximité » du 27 décembre 2019, au grand dam des associations d'élus. Mais la mobilisation ne se relâche pas. «Sans contrainte paritaire, le pouvoir reste aux mains des hommes (...), le partage du pouvoir est encore loin d'être une réalité », martèle le HCE dans sa dernière analyse du scrutin de 2020. Il publiera prochainement un rapport sur la parité dans les communes et les EPCI assorti de nouvelles propositions en prévision d'une modification du Code électoral avant le 31 décembre 2021, «pour étendre l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les communes et leurs groupements », comme le prévoit l'article 28 de la loi du 27 décembre 2019.
« Le groupe de travail de l'AMF sur la promotion des femmes dans les exécutifs locaux se réunira, en janvier, afin de réitérer nos propositions et d'engager de nouvelles actions », indique, de son côté, Alexandre Touzet, chargé de mission à l'AMF qui a mis à disposition des équipes municipales un «Mémento sur la commune et l'égalité hommes/ femmes » (www.amf.asso.fr, réf. BW39945 et BW25563). Et la proposition de loi visant à renforcer la parité à l'échelle locale, déposée en mars 2019 par Marie-Pierre Rixain, députée de l'Essonne et présidente de la délégation des droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale, pourrait être réactivée. Fin décembre, une mission flash sur la parité au sein du bloc communal devait être confiée à la députée de l'Isère, Élodie Jacquier-Laforge. Au-delà de la parité «quantitative », c'est aussi sur la parité «qualitative » que portent les revendications pour un partage effectif des responsabilités et des postes clés. Ainsi, les places de numéro un et deux des exécutifs (maire et premier adjoint) restent aujourd'hui très majoritairement dévolues aux élus masculins. Selon une étude de la DGCL (BIS, n° 145) portant sur le dernier scrutin local, «plus on s'éloigne de la fonction de maire, plus les fonctions exécutives sont occupées par des femmes : (...) 33 % parmi les premiers adjoints, 42,2 % pour les deuxièmes adjointes, et 44,6 % parmi les autres adjoints ». Lorsqu'elles accèdent aux fonctions exécutives, les femmes exercent souvent des délégations beaucoup moins valorisées - éducation, famille social, solidarité, etc.- que celles de leurs homologues masculins (finances, urbanisme, aménagement du territoire, développement économique, etc.), dont les budgets sont plus conséquents. Par ailleurs, Maud Navarre, sociologue et chercheuse à l'Université de Bourgogne, constate que les interventions féminines en assemblées sont plus rares et moins suivies, et que leurs interventions en débat sont moindres tant les hommes monopolisent la parole... voire la leur coupe. Dans une thèse publiée en 2013 sur les carrières politiques des femmes, elle note que celles-ci «s'engagent avec la volonté de bien faire et baissent souvent les bras après un premier mandat. Même si la parité légitime leur place, elles s'investissent plus que les hommes et souffrent du manque de reconnaissance ». Il y dix ans, beaucoup d'élues avaient moins de 30 ans ou plus de 50 ans. Depuis, une nouvelle génération d'élues de 30 à 40 ans est arrivée. Tout l'enjeu est de savoir si elles vont rester pour devenir des modèles pour de nouvelles candidates.