L'actu
30/12/2020
Europe

La crise sanitaire dessine « une nouvelle géographie de l'UE »

L'impact de la pandémie fait fi des découpages traditionnels entre régions riches et pauvres, urbaines et rurales, centres et périphériques.

Selon la carte du Comité des régions, l'Île-de-France et Rhône-Alpes seraient particulièrement touchées sur le plan économique.
L’impact de la crise sanitaire dessine une nouvelle géographie de l’Union européenne (UE). Une géographie différente des lignes de démarcation classique entre régions urbaines/rurales, centre/périphérie ou des découpages traditionnels de la politique de cohésion. » C’est la conclusion d’un vaste baromètre régional et local présenté par le Comité des régions de l’UE lors de la Semaine européenne des villes et régions d’Europe, organisée chaque année à Bruxelles, en octobre. Les presque 150 pages d’analyse, qui se fondent notamment sur des études menées conjointement avec l’OCDE et le centre de recherche de la Commission européenne, montrent les impacts «profondément territoriaux » de la crise sanitaire. Un exemple : si la pandémie a évolué plus vite et avec une incidence plus élevée dans les régions urbaines, les chiffres rapportent aussi nombre de cas où son impact s’est joué du critère de densité de population, avec certaines des concentrations les plus importantes dans des secteurs ruraux. 

Disparités régionales

Idem pour l’impact économique des mesures de confinement : elles toucheront différemment les régions, villes et villages en fonction d’une série de facteurs. L’étude en relève onze parmi lesquels la part de l’emploi dans les secteurs « à risque » (industrie manufacturière, hôtellerie et restauration, culture, réparation des véhicules, etc.), la dépendance au tourisme (avec ici des différences s’il s’agit de tourisme rural ou côtier, ce dernier étant plus dépendant de l’international), l’emploi dans les micro-entreprises, le travail transfrontalier, la part des emplois indépendants, etc. En confrontant ces facteurs à l’importance des mesures de confinement, le baromètre présente une carte régionale de l’impact économique potentiel du covid-19 où Île-de-France et Rhône-Alpes se démarquent en rouge. «Cela confirme que les régions qui ont subi le plus grand nombre de cas et de décès pendant la pandémie ne sont pas nécessairement les plus touchées économiquement. Le Grand-Est a connu l’un des nombres de décès et de cas les plus élevés de France, mais a été comparativement moins touchée que la région Rhône-Alpes en terme de ralentissement économique », note le baromètre. 
L’étude constate aussi «l’effet dévastateur » du virus sur les finances des collectivités régionales et locales. «Rien qu’en France, en Allemagne et en Italie, la perte de recettes des autorités infranationales en 2020 est estimée à environ 30 MdsE pour les trois pays. » Fin mai, le gouvernement français avait estimé à 7,5 MdsE la baisse des recettes pour les collectivités (3,2 MdsE pour le bloc communal, 3,4 MdsE pour les départements, 0,9 MdE pour les régions). L’AMF a, pour sa part, évalué le coût de la crise sur les finances locales à 8 MdsE sur trois ans dont 6 MdsE sur la seule année 2020. Des chiffres forcément amenés à évoluer avec la reprise de la pandémie. Alors que le rôle prépondérant des technologies numériques dans la réponse à la crise a rappelé la fracture entre zones rurales et urbaines, «les collectivités doivent en tirer les leçons et faire de la numérisation et de la haute connectivité numérique une priorité essentielle dans tous les secteurs et dans toutes les zones géographiques », insiste l’étude. La transition numérique accélérée par la pandémie pourrait d’ailleurs très bien entraîner une « transformation plus profonde des paysages urbains, suburbains et ruraux ». Le recours beaucoup plus important au télétravail, s’il se confirme dans le temps, de même que le développement de l’e-santé et des services publics numériques pourraient notamment augmenter l’attractivité des zones rurales bien connectées. Les villes vont devoir s’adapter si elles veulent retenir leurs habitants, dit le rapport, pointant un risque accru d’étalement urbain.
Au final, l’impact de la crise «complexe et profondément territorial » appelle des réponses très ciblées, conclut le Comité des régions. « Comme le virus attaque localement, nous devons le combattre localement », a résumé son président, le Grec Apostolos Tzitzikostas, devant le Congrès des Régions de France, le 19 octobre. Avec un appel, d’ailleurs réitéré par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à surtout ne pas oublier d’associer les collectivités aux plans de relance qui seront présentés par les États à Bruxelles pour recevoir le soutien de l’UE. 

Confiance dans les autorités locales

Selon un sondage réalisé auprès de 26 000 citoyens, début septembre, dont le Comité des régions a dévoilé les résultats en même temps que son baromètre, les Européens font davantage confiance aux autorités locales et régionales (52 %, mais 54 % en France) qu’à leur gouvernement (43 %, mais 36 % en France) et à l’UE (47 %, mais 39 % en France), notamment pour gérer une situation de crise. Une tendance confirmée quand ils sont interrogés plus spécifiquement sur les mesures prises ou à prendre pour surmonter l’impact du covid-19 : la confiance va d’abord aux décisions prises par les autorités locales et régionales (48 %) avant les décisions nationales et européennes (38 %). Pour 58 % des Européens et 54 % des Français, une plus grande influence des autorités locales et régionales aurait un impact positif sur la capacité des institutions européennes à résoudre les problèmes.

Isabelle SMETS
n°384 - Novembre 2020