La majorité des débats n’avaient pas lieu dans les métropoles mais dans les villes de moins de 20 000 habitants. Les comptes-rendus, publiés sur le site www.quelleestvotreeurope.fr, sont fascinants par la richesse des débats. Dans les Côtes-d’Armor, 17 personnes ont participé à la consultation organisée par la commune du Mené autour des questions rurales. Les interventions variaient entre les espoirs et les frustrations que l’Europe suscite. Avec un constat : le problème est moins souvent la nature des politiques européennes que leur délai de mises en œuvre qui « crée un décalage entre la situation existante au moment de la décision et la réalité » lors de son application. Avec une conclusion : ne pas tout attendre de Bruxelles mais « échanger entre européens, directement au niveau des acteurs, pour connaître et mutualiser les bonnes pratiques et techniques transposables d’un pays à l’autre. ».
La mairie de Forbach, en Moselle, a fait de son côté salle comble en organisant une consultation en partenariat avec la ville de Völklingen et Europe Direct Saarbrücken en Allemagne. Les débats ont abordé, successivement, les questions d’immigration, d’environnement, de politique internationale, de vie quotidienne des travailleurs transfrontaliers. À la fin, là aussi, les synthèses apportent de l’eau au moulin européen, demandant plus d’harmonisation, par exemple pour les interrupteurs électriques ou la distribution de sacs plastiques dans les supermarchés mais aussi sur les questions sociales.
« On entend beaucoup les eurosceptiques qui parlent fort mais, globalement, les Français ont envie d’Europe », a résumé la ministre des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, à l’automne dernier (1). La synthèse des débats (2) montre que les attentes sont fortes, qu’il s’agisse de questions sociales, d’environnement ou de politique étrangère. Bien sûr, les consultations ont aussi traduit les mécontentements qui s’expriment actuellement partout en France. « Des opinions défavorables se sont aussi exprimées, c’est normal et c’est sain », a reconnu la ministre. Ces critiques sont même souvent « très sévères », avait indiqué Arnaud Magnier, secrétaire général des consultations citoyennes pour l’Europe, lors d’un passage à Bruxelles en septembre dernier, en évoquant même une « véritable exaspération ».
Selon Nathalie Loiseau, « beaucoup ont parlé d’une Europe qu’ils connaissaient mal ou qui leur paraît trop lointaine. J’ai ressenti un agacement ou une frustration et beaucoup d’actions de l’Union européenne restent méconnues. (…) Des craintes ont aussi été exprimées en lien avec l’actualité européenne, par exemple pour les pêcheurs bretons sur le Brexit. À côté des soucis du quotidien, j’ai aussi été frappée par de nombreuses interrogations sur le destin de l’Europe, notamment concernant la défense ou la sécurité ». Pour leur part, les élus locaux ont particulièrement souligné les difficultés à monter des dossiers de financement, en pointant, comme d’autres acteurs, une Europe est « trop tatillonne » qui « se perd dans la réglementation », souligne le compte-rendu.
Présentée en décembre à Bruxelles, la synthèse des débats menés dans les autres pays européens va dans le même sens. D’un côté, « malgré les défis, l’Europe est perçue positivement par la plupart des participants ». De l’autre, partout la bureaucratie et le manque « de transparence, de vision claire et de leadership » sont déplorés. Les principaux enseignements des consultations ont été remis formellement aux chefs d’États européens lors de leur Sommet de décembre. Cette synthèse doit servir de base de discussion pour leur réunion informelle à Sibiu, en Roumanie, le
9 mai. Avec l’espoir que les aspirations exprimées lors des débats se traduisent peu ou prou dans le nouvel agenda stratégique européen 2019-2024 qui doit en principe être adopté en juin 2019.
(1) Dans un entretien au quotidien Le Parisien diffusé le 25 octobre 2018.
(2) https://www.quelleestvotreeurope.fr/liste-des-restitutions.html