01/02/2019
Europe

Consultations citoyennes : les Français oscillent entre espoir et frustration

Les mairies ont été très impliquées dans l'organisation des consultations sur l'Europe. Un débat qui doit se traduire par une << stratégie >> européenne d'ici juin.

Ils n’étaient que 25 réunis dans le théâtre d’Yssingeaux, en Haute-Loire, pour participer à une consultation citoyenne sur l’Europe en octobre dernier, mais les idées ont fusé et souvent hors des sentiers battus. Si l’Europe est mal connue et mal aimée, pourquoi ne pas créer des équipes sportives européennes ? Instaurer un tour de l’Europe à vélo ? Et pourquoi pas des « ambassadeurs de l’Europe au quotidien » pour inaugurer les projets co-financés par l’Union européenne ? Les consultations se sont déroulées dans tous les pays européens, à l’exception de la Hongrie et de l’Italie qui se sont retirées du processus. Au total, plus de 70 000 personnes ont participé à celles organisées d’avril à octobre 2018 en France, bonne élève de cette consultation puisque les Français ont parallèlement envoyé à Bruxelles un tiers des contributions au questionnaire mis en ligne par la Commission européenne. 

Attentes et critiques

La majorité des débats n’avaient pas lieu dans les métropoles mais dans les villes de moins de 20 000 habitants. Les comptes-rendus, publiés sur le site www.quelleestvotreeurope.fr, sont fascinants par la richesse des débats. Dans les Côtes-d’Armor, 17 personnes ont participé à la consultation organisée par la commune du Mené autour des questions rurales. Les interventions variaient entre les espoirs et les frustrations que l’Europe suscite. Avec un constat : le problème est moins souvent la nature des politiques européennes que leur délai de mises en œuvre qui « crée un décalage entre la situation existante au moment de la décision et la réalité » lors de son application. Avec une conclusion : ne pas tout attendre de Bruxelles mais « échanger entre européens, directement au niveau des acteurs, pour connaître et mutualiser les bonnes pratiques et techniques transposables d’un pays à l’autre. ».
La mairie de Forbach, en Moselle, a fait de son côté salle comble en organisant une consultation en partenariat avec la ville de Völklingen et Europe Direct Saarbrücken en Allemagne. Les débats ont abordé, successivement, les questions d’immigration, d’environnement, de politique internationale, de vie quotidienne des travailleurs transfrontaliers. À la fin, là aussi, les synthèses apportent de l’eau au moulin européen, demandant plus d’harmonisation, par exemple pour les interrupteurs électriques ou la distribution de sacs plastiques dans les supermarchés mais aussi sur les questions sociales.
« On entend beaucoup les eurosceptiques qui parlent fort mais, globalement, les Français ont envie d’Europe », a résumé la ministre des Affaires européennes, Nathalie ­Loiseau, à l’automne dernier (1). La synthèse des débats (2) montre que les attentes sont fortes, qu’il s’agisse de questions sociales, d’environnement ou de politique étrangère. Bien sûr, les consultations ont aussi traduit les mécontentements qui s’expriment actuellement partout en France. « Des opinions défavorables se sont aussi exprimées, c’est normal et c’est sain », a reconnu la ministre. Ces critiques sont même souvent « très sévères », avait indiqué Arnaud Magnier, secrétaire général des consultations citoyennes pour l’Europe, lors d’un passage à Bruxelles en septembre dernier, en évoquant même une « véritable exaspération ». 

Une Europe opaque

Selon Nathalie Loiseau, « beaucoup ont parlé d’une Europe qu’ils connaissaient mal ou qui leur paraît trop lointaine. J’ai ressenti un agacement ou une frustration et beaucoup d’actions de l’Union européenne restent méconnues. (…) Des craintes ont aussi été exprimées en lien avec l’actualité européenne, par exemple pour les pêcheurs bretons sur le Brexit. À côté des soucis du quotidien, j’ai aussi été frappée par de nombreuses interrogations sur le destin de l’Europe, notamment concernant la défense ou la sécurité ». Pour leur part, les élus locaux ont particulièrement souligné les difficultés à monter des dossiers de financement, en pointant, comme d’autres acteurs, une Europe est « trop tatillonne » qui « se perd dans la réglementation », souligne le compte-rendu.
Présentée en décembre à Bruxelles, la synthèse des débats menés dans les autres pays européens va dans le même sens. D’un côté, « malgré les défis, l’Europe est perçue positivement par la plupart des participants ». De l’autre, partout la bureaucratie et le manque « de transparence, de vision claire et de leadership » sont déplorés. Les principaux enseignements des consultations ont été remis formellement aux chefs d’États européens lors de leur Sommet de décembre. Cette synthèse doit servir de base de discussion pour leur réunion informelle à Sibiu, en Roumanie, le 
9 mai. Avec l’espoir que les aspirations exprimées lors des débats se traduisent peu ou prou dans le nouvel agenda stratégique européen 2019-2024 qui doit en principe être adopté en juin 2019.


(1) Dans un entretien au quotidien Le Parisien diffusé le 25 octobre 2018.
(2) https://www.quelleestvotreeurope.fr/liste-des-restitutions.html


Qu’attendent les citoyens européens ?
Les conclusions générales des consultations, présentées le 14 décembre à Bruxelles, s’organisent autour de cinq axes. Les citoyens appellent ainsi l’Europe à :
Immigration : concilier l’impératif humanitaire et la protection aux frontières extérieures. Autant de mesures sur lesquelles les pays européens peinent à s’accorder.
Environnement : être un «leader mondial » sur la lutte contre la pollution, le recyclage ou l’alimentation «durable ». 
Économie : stimuler l’innovation et la recherche et soutenir davantage les PME.
Protection sociale : faire encore plus pour la mobilité étudiante et la reconnaissance des diplômes. Mais les citoyens sont partagés sur la nécessité de donner davantage de pouvoir à l’Europe en matière de lutte contre le chômage et la pauvreté.
Politique étrangère : renforcer l’unité pour «défendre ses intérêts et ses valeurs, et surtout pour protéger ses citoyens ».
Nathalie STEIWER
n°365 - Février 2019