Benoît Granier / Matignon
Valérie Pécresse, présidente de la Région Île-de-France, et Renaud Muselier, président de Régions de France, entourant le Premier ministre, Jean Castex.
Les contrats de plan État-région (CPER) pour la période 2021-2027 devraient être signés « d’ici le début de 2021 ». Crise sanitaire et économique obligent, le calendrier des discussions est un peu décalé. Au terme de «l’accord de partenariat » signé le 28 septembre (lire ci-contre), l’État et les régions s’engagent à «porter ensemble une action de relance » et à l’inscrire «dans un partenariat renouvelé sur six ans s’agissant des CPER, dans des accords de relance portant sur les années 2021-2022 et dans une adaptation des actuels contrats de convergence et de transformation (CCT) dont le terme est fixé à 2022 pour accélérer les transitions » écologiques, numériques, économiques et sociales. Devant le Congrès de Régions de France, le 19 octobre, le Premier ministre a annoncé qu’il transmettrait « dans la semaine » aux préfets les mandats de négociation des accords de relance et des CPER. Les présidents de régions «co-présideront » les comités régionaux de suivi de la relance, a-t-il aussi assuré.
« Les CPER seront utilisés comme un outil de la mise en œuvre du plan de relance », confirme Jules Nyssen, directeur général de Régions de France. Les régions se sont engagées à investir 20 Md€ sur la période 2021-2027 (+ 30 % par rapport à la génération actuelle des CPER), à parité avec l’État, a confirmé Jean Castex devant le Congrès de Régions de France, intégrant les investissements dans les infrastructures de mobilité sur toute la période 2021-2027. Le Premier ministre a indiqué, le 19 octobre, que l’enveloppe serait de 1,2 milliard d’euros pour les transports du quotidien et de 4,7 milliards d’euros pour le ferroviaire. L’État attribuera aussi aux régions une enveloppe de 600 millions d’euros de crédits d’investissement pour compenser leurs pertes de recettes liées à la crise sanitaire qu’elles investiront dans des opérations liées au plan de relance en 2020 et 2021.
Huit priorités stratégiques
Pour François Bonneau, président de la région Centre-Val de Loire, «l’accord de partenariat est un ensemble d’engagements qui mettent les régions non pas dans une situation d’impuissance ou de sous-traitant de l’État, mais les dotent de moyens qui sont assurés ».
L’État et Régions de France se sont accordés sur des priorités stratégiques à inscrire dans les CPER. Trois seront communes à l’ensemble des régions : les transitions écologiques, la recherche-l’innovation-l’enseignement supérieur et la cohésion sociale et territoriale. Se grefferont à ces engagements cinq autres thématiques : la santé, la formation professionnelle et le développement économique, l’inclusion numérique, les infrastructures de transport et la mobilité. La cinquième priorité concerne la culture, le patrimoine, le tourisme et le sport. Selon Jules Nyssen, « les têtes de chapitres peuvent varier d’une région à l’autre mais il faut être cohérent avec l’accord signé nationalement : chaque CPER doit regrouper les principales priorités ».
« En Occitanie, nous avons intégré ces cinq nouvelles priorités car ce sont des enseignements de la crise sanitaire », explique Florence Brutus, vice-présidente. Dans cette région, la signature du CPER sera historique puisque ce sera le premier né depuis la fusion du Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées. L’Occitanie a structuré son CPER autour de deux grandes thématiques – la promotion d’un nouveau modèle de développement et le rééquilibrage territorial et des solidarités – dans lesquelles se déclineront les priorités de l’accord de partenariat.
Les actions inscrites aux CPER engloberont notamment les plans de relance locaux, tels que le Green New Deal en Occitanie, le Business Act dans le Grand-Est (lire ci-contre) ou encore le pacte régional économique en Centre-Val de Loire. Des plans assortis de centaine de millions d’euros destinés à soutenir l’économie, l’emploi et les filières les plus fragilisées par la crise sanitaire. Le tout en recourant pour partie aux fonds européens – le montant pour la période 2021-2027 est en cours d’arbitrage (lire Maires de France, n° 383, octobre 2020, pp. 28-35) – dont les régions sont pour partie autorités de gestion, ainsi qu’aux nouveaux instruments financiers créés par l’UE pour la relance (les fonds REACT-EU et le Fonds de transition juste). « Le calendrier des CPER a été calé sur la nouvelle génération des fonds structurels européens afin de démultiplier les moyens pour financer les projets », souligne Jules Nyssen. Si on simplifie les démarches pour les porteurs de projets.
Régions de France souhaiterait «être dans une logique de programme, sans forcément préciser le détail des opérations » pour ne pas s’enfermer pour sept ans dans une « maquette » générale un peu rigide. Les élus souhaitent privilégier « un cadre financier » dans lequel seraient déclinés les projets au fur et à mesure que « les opérations sont mûres ».
Concertation avec le bloc local
Ce cadre stratégique défini, les régions vont pouvoir reprendre leurs discussions avec les intercommunalités et les départements. D’autant plus que l’accord de partenariat signé avec l’État les incite à structurer des contrats territoriaux avec les acteurs infra-régionaux (lire ci-contre). En Occitanie, élus et techniciens travaillent sur le CPER depuis septembre 2019 au travers d’ateliers mais aussi de la Conférence territoriale de l’action publique (CTAP), réunie à deux reprises. Les communes et intercommunalités ont été associées à ces discussions au cours d’un séminaire de prospective et la région a consulté le «Parlement de la mer » et celui de la montagne. En Centre-Val de Loire, la région va ouvrir la concertation et le dialogue avec les collectivités dès qu’elle aura reçu le mandat de négociation de l’État. L’état souhaite conclure la signature des CPER début 2021. « Cela laisse très peu de temps pour mener la négociation territoriale. Ce calendrier est tenable à la seule condition qu’on assouplisse le cadre », insiste Jules Nyssen.
Vers un « contrat intégrateur » unique
Dans le cadre de leur accord de partenariat, l’État et les régions sont convenus de «coordonner et mettre en cohérence les différents outils de contractualisation existants ». Objectif : définir avec les départements, les communes et EPCI des stratégies territoriales «communes » en faveur «de territoires résilients sur le plan écologique, productif et sanitaire ». La «structuration de territoires de projets » s’incarnerait au sein de «contrats de relance et de transition écologique » (CRTE) ou «contrats de relance et de développement écologique » (CRDE), incluant les contrats de ruralité et les autres contrats relatifs aux différents programmes et contrats de transition écologique. Ils «pourront être alimentés en crédits par le volet territorial des fonds européens et des CPER, dont ils sont une déclinaison directe ». «Leur périmètre a minima intercommunal sera défini dans chaque région par l’État et la région ».
Témoignage
Jean Rottner, président de la région Grand-Est
« Imaginer l’économie de demain »
« Nous allons lier la démarche du contrat de plan avec celle du pacte territorial Grand-Est à travers les contrats intégrateurs communs à l’échelle infrarégionale (pays, PETR) pour incarner le projet de territoire porté par les EPCI et communes. L’élargissement des thématiques traitées par le CPER permet d’y intégrer des sujets mis en exergue dans le Business Act Grand-Est (BAGE). Ce dernier imagine ce que sera l’économie de demain. De cette démarche sont ressorties 80 actions et 11 simplifications visant la reprise de l’activité. La transition énergétique, la compétitivité du territoire régional, la cohésion sociale et territoriale et la coopération transfrontalière seront les principales thématiques du CPER. Un volet mobilité est en discussion. Le volet cohésion sociale et territoriale intègrera des dispositifs d’accompagnement (Cœur de ville, Territoires d’industrie, Petites villes de demain, Villes moyennes, etc.). »
n°384 - Novembre 2020