« Je quitte la réanimation pour le service pneumologie. Là, je réapprends à parler, manger, marcher...
Je reprends vie mais que c'est long! Pour nos aînés, ce doit être encore plus dur.»
Fièvre.
« Dès les prémices de la crise sanitaire, je prends la situation au sérieux. Sur ma page Facebook, j’invite à rester chez soi, à la mairie je distribue aux agents des masques FFP2 (hérités de la grippe H1N1), je mets du gel à l’entrée. Je suis prudent, anxieux pour les autres, je me démène pour que la mairie tourne. Dix jours après le 1 er scrutin municipal (1), je suis saisi par la fièvre, entre 38° et 40°. Je suis alité, avec du paracétamol, en lien H24 avec une infirmière. Début avril, je respire mal, ma femme m’emmène chez le médecin, qui me dit que j’ai le covid-19. C’est la douche froide. J’ai 49 ans, un peu de poids mais aucune pathologie aggravante ! Je pars aussitôt pour l’hôpital de Pontarlier puis je suis transféré à Besançon, où l’on me dit : “Vous allez être mis 10 jours dans le coma” – j’en ferai 7 de plus ! L’enfer démarre : je suis intubé, sondé… j’ai des électrodes, un tuyau me sort du cou. »
Drapeaux.
« Une nuit, mon état est jugé critique. Dans mon coma, je vois une grosse “lumière blanche”et pense que je vais mourir. Plus tard, je me réveille… Il y a du monde autour de moi, on me sourit. Mon premier réflexe est d’arracher sondes et tuyaux qui m’enserrent ! Le bilan est affligeant: j’ai perdu 10 kilos, mes cordes vocales sont altérées, je suis une chiffe molle. Je quitte la réanimation pour le service pneumologie. Là, je réapprends à parler, manger, marcher, je vois un psychologue… Je reprends vie mais que c’est long! Pour nos aînés, ce doit être encore plus dur. Le 28 avril, c’est le bonheur! Je peux repartir chez moi, les soignants me font une haie d’honneur, idem quand j’arrive dans mon village : je pleure. Quand on est maire, on donne beaucoup et on reçoit peu. Là, tous ces gens qui m’applaudissent, c’est sans doute une reconnaissance du travail fait depuis douze ans. »
Protocole.
« Aujourd’hui (NDLR : mi-août), je reste affaibli. J’ai repris le travail –je dirige un supermarché. Mi-mai, je suis revenu en mairie pour organiser l’installation du conseil municipal. J’étais heureux. Mais je traite actuellement les dossiers surtout à distance. Bien sûr, je prône la vigilance sanitaire. À la mairie, il y a du gel, j’ai fait installer une plaque en plexiglas pour protéger les secrétaires, nous avons acheté des masques avec la région, l’EPCI et l’association départementale des maires, que nous avons donnés aux habitants. Tous les trois mois, je passe des tests à l’hôpital – de souffle, sanguins… Il faut mieux connaître ce virus, qui, je l’ai appris, avait déjà sévi en 2013 et a muté. Je participe aussi à un protocole de recherche. Je n’étais pas forcé mais si ça peut aider… »
(1) À l’issue duquel il est réélu pour un 3 e mandat.
Mes conseils
• Faire confiance : «La maladie est une école de la dépendance. Vous êtes un légume, vous ne pouvez rien faire, surtout dans le coma. Mais nous avons un système de santé et du personnel soignant incroyables. Je révère tous ceux qui m’ont soigné. »
• Rester vigilant : «Quand on a été malade, on prend ce virus très au sérieux. Certes, le masque est ennuyeux, mais c’est encore la meilleure solution. Je le mets même dans les lieux où il n’est pas obligatoire. Qui sait combien de temps un ancien malade est immunisé ? Et le maire que je suis donne l’exemple. »
• S’organiser : «Malade, je me suis rendu compte que je devrais mieux m’organiser une fois sorti. Pour m’épargner, mais aussi au cas où je disparaîtrais. Cela signifie : déléguer. Désormais, les gros dossiers vont directement à mes adjoints afin que l’on en discute et je veille à ce que les secrétaires soient les mieu
Remerciements
« J’ai une pensée émue pour ma femme et mes enfants, en premier lieu, qui m’ont accompagné, ont eu peur et furent eux-mêmes “covidés”, sous une forme moins grave. Ensuite, bravo aux hospitaliers, aux médecins, aux infirmières et aux aides-soignantes de l’hôpital Jean Minjoz à Besançon, qui m’ont suivi avec efficacité et m’ont permis de continuer à vivre. De retour à mon domicile, je leur ai envoyé un mot de remerciement : je sais qu’il a été affiché dans leur salle de pause. M’ont-ils choyé parce que j’étais maire? C’est sûr que le goût du service public nous unit, mais je pense qu’ils ont également le même professionnalisme pour tous ».
Bruno LEPRAT
n°383 - Octobre 2020