Ville de Vierzon
Le centre de santé de Vierzon (18) a vu son activité baisser de 75 %.
Au cœur des villes, mais aussi de plus en plus nombreux dans les petites communes, les centres de santé de médecine générale et polyvalents ont dû et su s’adapter à la crise sanitaire liée au coronavirus. Comme dans les maisons de santé ou les cabinets de médecins libéraux, ils se sont réorganisés pour dissocier parmi l’accueil des patients ceux suspectés ou non d’être contaminés par le Covid-19. Dans certaines villes comptant plusieurs centres, ils en ont souvent désigné un pour l’accueil de patients suspectés d’être contaminés. L’ancrage communal de ces centres leur a permis de compter sur le redéploiement de personnels d’autres services de la ville pour pallier les absences de certains agents.
Dans leurs pratiques, les centres de santé ont développé les déplacements à domicile. Certains ayant même choisi de faire du porte-à-porte pour «aller au-devant » de leur patientèle la plus isolée ou, par exemple, dans des foyers de travailleurs migrants. Beaucoup ont développé la téléconsultation pour l’envoi d’ordonnance, réaliser des consultations (en visio ou téléphoniques), notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (lire ci-contre). «Cela a permis d’éviter à certaines personnes de se déplacer comme à d’autres de ne pas interrompre un suivi médical», explique le Dr Hélène Colombani, présidente de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS) (1).
Cette pratique a été facilitée par la mise à disposition gracieuse d’outils par des fournisseurs comme Doctolib. La FNCS a, elle, obtenu que les consultations téléphoniques soient rémunérées par l’assurance maladie (CNAMTS) au même titre qu’une consultation en face-à-face, jusqu’à fin mai. Avec le déconfinement, les consultations en présentiel redeviennent en effet la norme.
Or, les centres de santé commencent aussi à faire leurs comptes.
Comme les autres professionnels de la médecine de ville, ils observent une chute d’activité, souvent très élevée. Surtout dans les centres de santé comprenant des spécialistes ayant quasiment dû arrêter leurs interventions pour raisons sanitaires, comme les dentistes et les radiologues, restreints aux urgences. Tandis que d’autres professionnels de santé (psychologues, gynécologues, kinésithérapeutes…) ont dû aussi réduire leurs consultations. Les baisses d’activité s’échelonnent de 30 à 60 %, voire 100 % pour des centres dentaires (un tiers des 2 000 centres de santé).
Perte de recettes
C’est l’une des conséquences économiques auxquelles les communes sont confrontées. À Vierzon (18), la perte est «considérable », près de 75%, chiffre le maire Nicolas Sansu qui évalue la perte de recettes à 70000 euros. Le coût sera mutualisé car la commune ne porte pas seule le centre de santé. Elle est associée avec l’hôpital, l’intercommunalité et des associations, au sein d’un GIP. Ce qui risque de ne pas être le cas partout… D’autant qu’à la perte d’activités s’ajoutent les surcoûts liés aux équipements de protection individuels, aux heures supplémentaires pour pallier des absences de personnels, etc. Tout cela reste à mesurer, mais la FNCS a obtenu que l’État compense cette chute d’activité des centres de santé, au même titre que les professions libérales, en se basant sur les chiffres d’affaires de 2019. Une plateforme de déclaration en ligne devait être lancée fin mai. Cette compensation pourrait être prolongée au-delà de la fin mai, pour accompagner la reprise d’activité progressive, puisque les protocoles sanitaires obligent à restreindre le nombre de patients accueillis.
Emmanuelle STROESSER
(1) www.fncs.org/
Exacerbation des inégalités
De par leur fort ancrage dans les quartiers, l’Agence nationale de cohésion des territoires a sollicité le diagnostic des centres de santé sur les impacts sanitaires du Covid-19. La Fédération nationale des centres de santé (FNCS) rapporte une «exacerbation des problématiques médico-sociales» telles que les problèmes de dénutrition liés à la perte de revenus pendant le confinement, une «détresse matérielle », privant par exemple les bébés de couches. «Angoissés » à l’idée d’être contaminés, certains patients préfèrent renoncer aux soins. Autre difficulté, la maîtrise de la langue rend plus complexe la diffusion des messages sanitaires ou la consultation par téléphone. La surmortalité dans ces quartiers restait à chiffrer, mais elle ne faisait pas de doute pour la FNCS.
n°380 - Juin 2020