47 %
« Les maires doivent accepter de consacrer du temps au début de leur mandat à leur formation, affirme Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) et secrétaire général de l’AMF (lire ci-dessus). Il y a beaucoup de règles et de principes à intégrer en gestion RH. » Parmi les nombreux dossiers RH qu’il devra gérer de concert avec la direction générale des services ou le secrétariat de mairie, l’élu municipal ou intercommunal va devoir désormais afficher sa stratégie en matière de ressources humaines. En effet, dans chaque collectivité et établissement public, des lignes directrices de gestion (LDG) vont devoir être arrêtées par le maire ou le président de l’EPCI, après avis du comité social territorial (article 30 de la loi TFP). Les LDG déterminent la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines, notamment en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Elles définissent aussi les orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours professionnels.
« Les lignes directrices de gestion sont une des principales innovations de la loi TFP, observe Cindy Laborie, responsable des affaires juridiques à la Fédération nationale des centres de gestion de la fonction publique territoriale (FNCDG). De pair avec la création du comité social territorial, issu de la fusion des comités techniques et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et du rapport social unique, qui rassemble chaque année les éléments et données sur la base desquels sont établies les lignes directrices. » Actuellement, 15 % des collectivités seulement ont arrêté une GPEC, ajoute Cindy Laborie. La marge de progression est donc importante. »
En outre, les employeurs territoriaux devront anticiper dans leur gestion RH le fort mouvement de départ à la retraite dans les dix prochaines années. « Pas moins de 45 % des territoriaux, dont un tiers appartient à la filière technique, auront ainsi cessé de travailler avant 2030 », souligne Cindy Laborie.
(1) Loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique ; loi du 12 mars 2012 relative à l’accès aux emplois titulaires et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ; loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique ; loi du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale.
Outre l’organisation des services et la nomination des agents, l’élu local doit veiller notamment aux conditions de travail et au déroulement de carrière des agents. Des attributions qui évoluent le plus souvent sous l’effet de textes législatifs et réglementaires.
Dialogue social. Élaborer des lignes directrices
Il appartient à l’employeur territorial de mettre en œuvre les relations sociales au sein de la collectivité. Il organise ainsi la concertation et la négociation sur les situations individuelles ou collectives avec les représentants des agents désignés lors d’élections professionnelles prévues tous les quatre ans. Les prochaines élections sont prévues en 2022. Ce dialogue social se mène aussi bien directement avec les syndicats représentatifs qu’au sein des instances prévues par la loi : commissions administratives paritaires (CAP), commissions consultatives paritaires (CCP), comités techniques, comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). C’est aussi l’employeur qui octroie des droits et moyens aux agents qui exercent des responsabilités syndicales.
À noter : la loi de transformation de la fonction publique (TFP) du 6 août 2019 renforce les outils du dialogue social, notamment avec la création des lignes directrices de gestion et du comité social territorial issu de la fusion du CHSCT et du comité technique. Si le gouvernement reconnaît la nécessité d’assouplir le délai de mise en œuvre (au-delà du 31 décembre 2020) pour la définition des politiques de gestion RH pluriannuelles, il maintient l’obligation de définir les critères de promotion des agents avant le 31 décembre 2020. Une ordonnance (courant du 3e trimestre 2020) prévoit de favoriser le dialogue social de proximité par la négociation et la signature d’accords majoritaires dotés d’une force juridique les rendant opposables. L’article 56 de la loi TFP encadre le droit de grève des agents dans une série de services publics locaux (accueil périscolaire, transports publics des personnes, collecte des déchets, etc.).
Droits, obligations des agents et déontologie. Exercer des missions de contrôle
L’employeur territorial a la responsabilité de veiller aux conditions d’exercice des fonctions assurées par les agents, eux-mêmes soumis à des droits et obligations, et, pour certains d’entre eux, à des règles déontologiques renforcées ces dernières années. Le maire ou le président d’EPCI doit s’assurer que les personnels œuvrent pour satisfaire l’intérêt général et qu’en contrepartie, ces derniers bénéficient des libertés publiques fondamentales, qu’elles soient individuelles (liberté d’opinion, droit au recours juridictionnel…) ou collectives (droit de grève, droit syndical…). Afin de renforcer la confiance des citoyens dans les agents publics, le législateur a prévu notamment de soumettre les agents qui occupent les postes hiérarchiques les plus élevés à l’obligation de remplir une déclaration d’intérêts et de patrimoine.
À noter : selon un décret du 30 janvier 2020 découlant de la loi de transformation de la fonction publique, le recrutement des agents candidats à l’exercice de hautes responsabilités dans la fonction publique est conditionné à un contrôle déontologique par l’autorité hiérarchique ou par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), pour les salariés du privé intégrant la fonction publique comme pour les fonctionnaires souhaitant intégrer le privé. L’article 37 de la loi de transformation de la fonction publique stipule que les collectivités et EPCI de plus de 80 000 habitants doivent publier le montant des dix plus hautes rémunérations versées à leurs agents.
Formation. Bientôt une réforme
Pour mettre les compétences professionnelles des agents en adéquation avec les besoins de la collectivité, l’employeur territorial dispose du levier de la formation. Le responsable de l’exécutif peut autoriser le personnel territorial à suivre trois types de formations statutaires inscrites dans un plan : les formations obligatoires (formation initiale, d’intégration et de professionnalisation), les formations facultatives (perfectionnement, préparation aux concours) et les formations à titre personnel (compte personnel de formation). Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), chargé de la formation des personnels, perçoit une cotisation de chaque collectivité employant au minimum un agent à temps plein (0,9 % de la masse salariale). Mais l’employeur a la liberté d’allouer un budget supplémentaire à la formation.
À noter : une ordonnance à paraître au 2e semestre prévoit de réformer la formation et le financement des écoles de la fonction publique ainsi que les modalités de recrutement des agents de catégorie A. Un autre texte, prévu pour le 4e trimestre, vise à renforcer la formation pour les agents les moins qualifiés, en situation de handicap et ceux les plus exposés aux risques d’usure professionnelle.
Parcours professionnel. Garantir la portabilité des droits
L’employeur territorial est garant du parcours professionnel de l’agent placé sous sa responsabilité. Il doit veiller à la mise en place d’outils favorisant le développement et la valorisation des compétences professionnelles (évaluation, rémunération, formation, reclassement). En outre, si l’agent titulaire bénéficie d’une progression de carrière organisée par le statut, l’employeur peut aussi accorder des promotions (avancement de grade, promotion interne). Chaque année, l’employeur recense ainsi les fonctionnaires susceptibles d’en bénéficier sur la base de quotas définis par l’assemblée délibérante et d’un entretien professionnel conduit par le N+1 de l’agent.
À noter : de nouveaux dispositifs issus de la loi TFP permettent d’accompagner la montée en compétence des agents. Parmi les décrets les plus récents, citons celui qui facilite la portabilité des droits à la formation au sein du compte personnel de formation lors d’une mobilité entre les secteurs public et privé (décret n° 2019-1392 du 17 décembre 2019 modifiant le décret n° 2017-928 du 6 mai 2017 relatif à la mise en œuvre du compte personnel d’activité dans la fonction publique et à la formation professionnelle tout au long de la vie). Et celui qui autorise un agent à passer à temps partiel (pour trois ans avec possibilité de renouvellement pour un an) lorsqu’il a l’intention de créer son entreprise (décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020).
Politiques inclusives. Égalité et handicap
L’employeur territorial est incité par le législateur à développer des politiques inclusives dans la gestion des ressources humaines. Ces politiques visent à corriger les comportements discriminants qui peuvent se manifester à l’égard de certains agents en raison de leur genre, de leur catégorie sociale ou de toute autre différence dont ils seraient porteurs.
À noter : selon l’article 80 de la loi TFP, les maires et présidents d’EPCI de plus de 20 000 habitants doivent élaborer des plans d’action en faveur de l’égalité femmes/hommes au plus tard le 31 décembre 2020 tandis que les responsables de l’exécutif de collectivités de plus de 40 000 habitants se sont vus étendre le principe des nominations équilibrées femmes/hommes pour les emplois de direction. Depuis le 1er mai 2020, la mise en place d’un dispositif permettant de signaler toute situation de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel ou d’agissements sexistes est rendue obligatoire (décret n° 2020-256 du 13 mars 2020). Plusieurs décrets récents (décret n° 2020-523 du 4 mai 2020 ; décret n° 2020-530 du 5 mai 2020 ; décret n° 2020-569 du 13 mai 2020) renforcent les garanties que la collectivité doit apporter aux agents en situation de handicap (dérogations pour titulariser les apprentis en situation de handicap, portabilité des équipements et adaptation des procédures lors des concours, procédure dérogatoire par la voie du détachement pour accéder à un corps ou un cadre d’emplois de niveau supérieur…).
Recrutement recourir au contrat élargi
L’employeur territorial choisit l’agent dont il a besoin pour occuper un poste au sein de la collectivité. Ce recrutement s’effectue dans le respect du cadre statutaire qui privilégie la nomination de fonctionnaires pour exercer un emploi permanent. Ces personnels sont prioritairement recrutés sur concours, mais certains emplois d’exécution peuvent être pourvus par «recrutement direct ». Lorsqu’un emploi permanent ne peut être pourvu par un fonctionnaire ou quand il s’agit d’un emploi non permanent (saisonnier, temporaire), l’employeur peut engager un contractuel. C’est aussi à l’employeur que revient le rôle de mettre un terme à la relation qui unit l’agent à la collectivité. La radiation de l’agent est prévue en cas de cessation de fonction à l’initiative de l’agent, de décision de l’employeur ou d’accord entre l’agent et l’employeur sur un départ. En tant qu’ancien employeur, l’exécutif a aussi un rôle vis-à-vis de ses anciens agents au titre du chômage et de la protection sociale.
À noter : la loi du 6 août 2019 étend le recours aux contractuels sur emploi permanent aux catégories A, B et C lorsque les besoins du service le justifient, et pour les emplois de direction des collectivités ou EPCI de plus de 40 000 habitants. Il est aussi désormais possible de recruter un agent via un «contrat de projet » lié à l’exécution d’une opération ou d’un projet spécifiquement identifié. Le dispositif de rupture conventionnelle est créé pour les agents en CDI et, à titre expérimental pendant six ans, pour tous les fonctionnaires. Si l’agent a moins de dix ans d’ancienneté, le montant de l’indemnité spécifique ne pourra être inférieur à un quart de la rémunération brute mensuelle par année d’ancienneté (décret n° 2020-172 du 27 février 2020 ; décret n° 2019-1596 du 31 décembre 2019).
Rémunération. Mettre en œuvre le régime indemnitaire
L’employeur territorial doit verser un traitement mensuel à l’agent qu’il emploie. La rémunération est constituée d’un traitement indiciaire basé sur des grilles nationales propres à chaque cadre d’emploi, auquel viennent s’ajouter des compléments obligatoires (indemnité de résidence, nouvelle bonification indiciaire pour les fonctionnaires, supplément familial de traitement). En outre, si l’assemblée délibérante s’est prononcée par un vote, l’agent peut bénéficier de primes. Il peut aussi percevoir des avantages en nature (logement, véhicule de fonction…) ou en espèce (action sociale).
À noter : un décret du 27 février 2020 permet de valoriser l’implication du personnel territorial en étendant à tous les cadres d’emplois le régime indemnitaire lié aux fonctions, aux sujétions, à l’expertise et à l’engagement professionnel (RIFSEEP). Un décret à paraître introduira une prime de précarité pour les contractuels, applicable au 1er janvier 2021, et correspondant à 10 % de la rémunération brute globale, lorsque la durée du contrat est inférieure ou égale à un an.
Santé au travail. Prévenir la maladie
L’employeur territorial doit veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents, ces derniers étant exposés à toutes sortes de risques par la diversité des métiers et des missions qu’ils exercent. Il s’agit d’abord pour le responsable de l’exécutif d’évaluer ces risques à travers un document unique. L’employeur doit aussi veiller à la tenue de différents registres, à l’affichage de certains documents, à l’organisation de formations obligatoires ainsi qu’au respect de la détention des habilitations requises pour certains personnels intervenant sur des missions ou des outils spécifiques. Dans la prise en charge de la maladie des agents territoriaux, l’employeur assure, en particulier, la gestion de la partie administrative du dossier médical et autorise l’ouverture des droits. Il appartient donc à l’élu de veiller à ce que la collectivité impute sur son budget la prise en charge des droits maladie des agents. Chaque employeur peut aussi souscrire une assurance pour couvrir le risque maladie du personnel (assurance statutaire).
À noter : une ordonnance sur la santé au travail, dont la parution est attendue au cours du 4e trimestre 2020, prévoit le reclassement professionnel. Une autre ordonnance portera sur la protection sociale complémentaire des agents.
Temps de travail. S’organiser en cycle
Si les textes fixent des seuils horaires à ne pas dépasser (durée de travail quotidienne limitée à 10 heures, repos de 11 heures par jour, durée hebdomadaire de 48 heures), l’employeur organise le temps de travail en fonction des besoins de la collectivité. Il dispose de nombreux leviers : annualisation, découpage du temps de travail en cycles (calendrier scolaire, travail de nuit, week-end), astreintes et permanence, temps partiel, congés, autorisations d’absences, compte épargne-temps…
1 944 euros c’est le salaire net mensuel moyen d’un agent territorial en 2017
(Source : guide Le maire, employeur territorial, AMF-CNFPT-FNCDG).
À noter : l’article 37 de la loi TFP met fin aux dérogations à la durée annuelle de 1 607 heures. Les collectivités disposent d’une année après l’élection de l’assemblée délibérante pour conduire des négociations visant à se conformer à cette disposition qui prendra effet le 1er janvier 2022. En outre, le recours au télétravail, notamment quand une situation exceptionnelle perturbe l’accès de l’agent au site où il est affecté, a été étendu par le décret du 5 mai 2020 (lire dans ce numéro, p. 22-23).
Christophe Iaccobi, maire d’allons (04)
« Remplacer un secrétaire de mairie est un enjeu RH pour nous. Le système de remplacement temporaire est complexe. Il faudrait des personnels formés au niveau intercommunal. Autre solution : mutualiser un agent entre deux communes. »
Hélène Denieault, maire de Challet (28)
« Je forme un binôme avec la secrétaire de mairie, qui travaille à mi-temps. Mais je ne peux, en raison du budget, l’employer davantage. C’est difficile de trouver et de garder un agent polyvalent et de confiance sur ce poste. »
Marie-Claude Jarrot, maire de Montceau-les-Mines (71)
« Nous allons poursuivre ce que nous avons entrepris au cours du précédent mandat en matière d’égalité professionnelle femmes-hommes.
Si nous sommes parvenus à une parité presque parfaite dans les catégories A et B, nous allons être plus vigilants pour les agents de catégorie C. »
E. Q. et Stéphanie COLAS
Bertrand Massot, maire de Luisant (Eure-et-Loir, 6 700 habitants, 83 agents ETP - équivalent temps plein)
« Un plan pluriannuel de recrutement en préparation »
« La crise sanitaire aura un impact sur nos finances et donc sur la masse salariale. Nous allons d’abord agir sur la réduction des RTT. Les agents qui étaient en autorisation spéciale d’absence auront 10 jours de RTT en moins. Pour les autres agents en présentiel ou en télétravail, nous établirons un ratio en fonction de leur temps de présence.
Par ailleurs, nous avons engagé une réflexion sur le télétravail. En outre, au vu du départ en retraite de 26 agents au cours du mandat, nous préparons un plan pluriannuel de recrutement et de redéfinition des postes. Nous voulons introduire plus de transversalité et envisageons de recruter un ou deux apprentis chaque année. Dans cette optique, un “ tuilage ” d’un an entre le futur retraité et l’apprenti serait intéressant pour les deux parties. »
Élisabeth Marquet, maire de Jarzé Villages (Maine-et-Loire, 2 750 habitants, 24 agents ETP)
« Je suis soucieuse du bien-être du personnel »
« Je forme un bon tandem avec la DGS et tout se passe bien avec les responsables de service. Nous nous voyons régulièrement avec les quatre maires délégués de la commune nouvelle et il me semble que le dialogue qui s’est instauré est profitable à l’ensemble du personnel. Un des adjoints a en charge la gestion du personnel et rencontre régulièrement les agents. Il est important d’être à leur écoute, même si ce dialogue est plus facile à instaurer dans une petite collectivité. Plus nous les rencontrons, plus ils osent nous dire ce qui ne fonctionne pas au sein de la commune. Nous portons une attention particulière au personnel affecté aux services scolaire et périscolaire car ces agents, souvent à temps non complet, sont difficiles à remplacer. J’aborde ce 6e mandat avec sérénité, et mon principal objectif est avant tout le bien-être du personnel. »
Jean-marc Vasse, maire de Terres-de-Caux (Seine-Maritime, 4 200 habitants, 45 agents ETP)
« Ajuster la masse salariale »
« Ce premier mandat en tant que maire d’une commune nouvelle sera placé en matière RH sous le signe de la souplesse et de l’agilité. Au regard de la faible marge de manœuvre budgétaire, je vais devoir ajuster la masse salariale. Ce sont les agents contractuels disposant de CDD ou de CDI qui sont les plus exposés. C’est injuste. En outre, la crise sanitaire nous pousse à nous réinterroger sur les missions vitales de la collectivité et sur la manière de les assurer. Les services scolaires et périscolaires par exemple, où travaillent 30 % de nos agents, ont été impactés dans leur gestion par la covid-19. Tout ce que l’on a mis en place jusqu’à présent obéit à un certain équilibre. Et je ne vois pas d’autres solutions pour le maintenir à l’avenir qu’améliorer la productivité des agents ou devoir renoncer à rendre certains services publics. »