Dossiers et enquêtes
01/09/2020
Intercommunalité

Les communes nouvelles face à la crise épidémique

Pour ces collectivités, souvent jeunes, l'épidémie du covid-19 a été la première crise majeure à devoir être gérée avec une organisation nouvelle. En ce début de mandat, renforcer le lien de proximité est le mot d'ordre des élus.

J’ai des habitants qui me disent : “Avant, je m’interrogeais sur l’utilité de la commune nouvelle. Maintenant, je sais” ». Ce commentaire de Philippe Chalopin, maire de Baugé-en-Anjou (Maine-et-Loire, 15 communes fusionnées, 11 900 habitants), en dit long sur le fait que la création de communes nouvelles – et singulièrement dans les plus grandes d’entre elles – a permis une gestion de la crise sanitaire particulièrement efficace. Si les maires de communes nouvelles issues de la fusion de deux ou trois communes n’ont pas forcément vu une différence flagrante dans la manière dont la crise a été gérée, il n’en va pas de même pour ces communes nouvelles de l’ouest du pays qui regroupent, parfois, une communauté de communes entière. « Aucune des 15 communes qui composent la commune nouvelle n’aurait pu faire, seule, ce que l’on a fait ensemble », poursuit Philippe Chalopin, qui relève qu’un niveau de services « parfaitement homogène » a pu être assuré sur l’ensemble du territoire de la nouvelle entité. 
Même constat pour Jean-Marc Vasse, maire de Terre-de-Caux (Seine-Maritime, 7 communes fusionnées, 4 400 habitants). « Chacun des maires délégués, individuellement, n’aurait pas pu en faire autant. L’organisation en commune nouvelle nous a permis de faire les choses de façon bien plus professionnelle, avec des méthodes de travail nouvelles. » 
D’un bout à l’autre de ces communes, les habitants ont profité du même niveau de service : distribution de masques à Terre-de-Caux, portage des repas et des courses à Baugé-en-Anjou. « Tous les habitants ont pu être logés à la même enseigne, se félicite Philippe Chalopin, même ceux des communes déléguées les plus éloignées. Toutes les personnes fragiles, recensées à l’échelle de la commune nouvelle, ont pu être appelées à la même fréquence. » C’est sur la question des écoles que le maire a le plus vu l’avantage de travailler ensemble : « Il y a eu cette avalanche de protocoles, de normes sanitaires à respecter. Il a fallu passer quelques soirées à décrypter tout cela, mais au final, le directeur des affaires scolaires a travaillé avec les dix directeurs d’école de la commune, et on a pu dupliquer. Au lieu d’avoir dix manières de faire différentes. Sans cela, sans doute que plusieurs écoles de petites communes déléguées n’auraient pas pu rouvrir. »
Philippe Chalopin pense que la crise a renforcé « le sentiment d’appartenance à une même communauté : les habitants ont compris qu’ils avaient les mêmes droits ». Cette réalité semble être la même dans des communes nouvelles de moins grande taille, comme à Brunstatt-Didenheim, en périphérie de Mulhouse et donc en plein cœur de l’épidémie. « Chez nous, explique le maire, Antoine Viola, la fusion n’était pas évidente. Il y avait une forme de rivalité entre les deux communes. La fusion se fait petit à petit, avec une forme d’identité, de solidarité qui s’est manifestée pendant l’épidémie – même si au fond, cette solidarité a été perçue au-delà même de la commune. » Par exemple, certains restaurateurs de la commune ont mis en place de la vente à emporter ; des deux communes, les gens sont venus s’y approvisionner « alors qu’ils n’en avaient pas vraiment besoin. C’était leur façon d’aider les commerçants locaux ». Antoine Viola regrette, néanmoins, que la crise ait entraîné l’annulation des fêtes prévues cet été, car « elles auraient certainement contribué à cimenter ce sentiment d’union qui est né du confinement ». 

« Efficacité et réactivité »

Sur la gestion de la crise, le maire de Brunstatt-Didenheim note lui aussi que les choses ont été faites de manière identique dans les deux communes fusionnées. Mais il lui apparaît indispensable de «maintenir les deux maires délégués, ce qui compte beaucoup aux yeux des habitants dans une crise comme celle-là, car les gens ont chacun leur référent ».
Au Haut-Soultzbach (2 communes, Haut-Rhin), le maire, Franck Dudt, reconnaît que l’existence de la commune nouvelle n’a pas « changé fondamentalement ce que nous aurions fait si nous avions été séparés ». Mais néanmoins, la crise et ses conséquences ont permis de prendre des décisions relatives à la gestion de la commune nouvelle qui auraient été plus difficiles à prendre autrement. « Nous avons une mairie siège et une mairie annexe, toutes deux fermées pendant le confinement. Durant toute cette période, une épicerie du bourg a accepté de faire la distribution des sacs jaunes pour les déchets – y compris les samedis et dimanches. Or, la récupération de ces sacs représente 80 % des passages dans la mairie annexe ! À la fin du confinement, nous avons rouvert la mairie siège, mais pas la mairie annexe, qui a besoin de travaux de rénovation. Comme l’épicerie a accepté de continuer à distribuer les sacs, nous avons pris la décision de fermer définitivement la mairie annexe – et les habitants n’y ont pas vu d’inconvénient. »

774 communes nouvelles ont été créées entre 2010 et 2020 dont 30 à l’échelle d’une intercommunalité (commune-communauté).
2521 communes sont regroupées au sein de communes nouvelles rassemblant 2,5 millions 
d’habitants. (Source : AMF).

En Normandie aussi, la crise a permis de tester de nouvelles formes d’organisation susceptibles d’être pérennisées pour gagner en efficacité. Chez Jean-Marc Vasse, à Terre-de-Caux, « on a tourné au ralenti pendant 55 jours et maintenant, on peut faire le point et se demander ce que l’on garde et ce que l’on arrête ». Par exemple, la commune a, pendant le confinement, supprimé les permanences de 17h00 à 19h00 dans les mairies annexes, avec la présence d’une secrétaire de mairie, remplacées par des prises de rendez-vous. « Maintenant, même après le confinement, on a gardé le système, les élus vont aux rendez-vous seuls, sans secrétaire de mairie. On a été mis en tension et ça a mis en lumière la façon dont on pouvait devenir plus efficaces. » Sans doute, de telles évolutions ont été menées à bien dans des communes classiques. Mais pour Jean-Marc Vasse, « la commune nouvelle, du fait de sa jeunesse, est sans doute plus réactive, plus souple, peut-être moins routinière ». « Efficacité » et « réactivité » sont également les mots employés par Philippe Chalopin. Exemple : l’accueil des enfants des personnels soignants. « Les enfants auraient normalement dû être accueillis à l’école de Baugé, près de l’hôpital. Mais pour des raisons diverses, nous avons dû changer notre fusil d’épaule et organiser l’accueil dans l’école d’une autre commune déléguée. La décision a été prise un soir à 17 heures. Le lendemain à 8 heures, tout était en place. La réactivité a été extrême, et c’est crucial dans ce type de crise. »
Pour le maire de Baugé-en-Anjou, « c’est dans ces moments-là que la commune nouvelle démontre toutes ses vertus : réactivité accrue, harmonisation des pratiques. Je n’ai pas eu un seul retour négatif des habitants, pas un ! La crise épidémique a finalement renforcé notre démarche et la commune nouvelle est apparue comme un véritable outil de protection des habitants. Naturellement, nous n’avons pas fait la commune nouvelle pour ça. Mais quand cela arrive, on s’aperçoit à quel point cela nous a rendus plus forts. »          

 

trois questions à...  Vincent Aubelle,   
professeur associé à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée (1)
« La commune nouvelle est un niveau pertinent »
La gestion de la crise sanitaire a-t-elle permis aux communes nouvelles de s’incarner davantage ?
Je ne suis pas convaincu que la crise sanitaire ait permis de renforcer l’incarnation de tel ou tel niveau de collectivités. En revanche, et c’est un défi, l’ampleur des conséquences existantes et à venir de cette crise, tant pour ce qui concerne l’aménagement du territoire, l’économie, l’environnement, le social, la culture révèle l’intérêt qu’il y a de disposer d’organisations réactives et de proximité, à la hauteur de ces enjeux. La commune nouvelle est un niveau pertinent.
Les résultats des élections municipales montrent une certaine stabilité des équipes en place avant et après le scrutin. Cela vous surprend-il ? 
L’élection municipale avait été considérée par certains comme une forme de référendum sur la commune nouvelle. Il n’a pas eu lieu. Cela apporte la preuve que la population n’est guère concernée par les questions organiques : elle est attachée à disposer de plus de services, quelles qu’en soient les modalités de mise en œuvre. La commune nouvelle le permet.
Quels sont les principaux enjeux du mandat 2020-2026 pour les communes nouvelles ?
Trois enjeux principaux se dessinent. Pour certaines, l’extension de leurs périmètres. Le deuxième enjeu est celui de l’intercommunalité : la commune nouvelle est le point d’aboutissement de cette démarche. En conséquence, dès lors qu’elle atteint une certaine population, il y a lieu de s’interroger sur l’intérêt d’opérer des transferts massifs de compétences aux EPCI. Troisième enjeu, au vu du taux d’abstention enregistré et comme dans toutes les autres communes : une réflexion, urgente, sur les conditions pour restaurer la démocratie locale.
Propos recueillis par X. B.
(1) Auteur du «Panorama des communes nouvelles ». www.amf.asso.fr (réf. BW24442).

 



Un soutien précieux apporté aux entreprises

La gestion de la crise liée au covid-19 a renforcé l’identité des communes nouvelles auprès des chefs d’entreprises en les plaçant au cœur de l’action.

Un mal pour un bien. Aux dires des maires de communes nouvelles récemment réélus, l’épisode douloureux du Coronavirus a permis d’affirmer aux yeux de tous l’importance de la nouvelle collectivité. « Nous accueillons chaque année 700 000 visiteurs, dont 40 % d’étrangers. Le confinement et le tarissement des flux touristiques ont donc eu un impact économique très fort sur les acteurs locaux. Pourtant, les mesures mises en œuvre pour soutenir les entreprises et relancer l’activité ont permis à la commune nouvelle d’acquérir sa pleine légitimité aux yeux des chefs d’entreprises, en devenant leur interlocuteur privilégié », assure Didier Lechien, maire de Dinan (22). Depuis 2018, cette commune nouvelle réunit les anciennes communes voisines de Dinan et Léhon, pour mutualiser les moyens et les services tout en renforçant leurs poids au sein de l’agglomération. Très vite, la commune a pris la décision de suspendre pendant trois mois les loyers et autres charges des commerces bénéficiant de baux communaux et frappés d’une fermeture administrative (hôtels, cafés, restaurants…) dans le cadre des mesures gouvernementales décidées pour lutter contre la pandémie. De même, dans le cadre du déconfinement, les élus ont souvent décidé de ne pas recouvrer les droits de place liés aux extensions d’activités sédentaires sur le domaine public (terrasses, parking…) sur tout ou partie de 2020. Ni les droits de place temporaires liés aux activités non sédentaires pour les commerçants abonnés aux marchés. Pour la commune nouvelle de Brissac Loire Aubance (49), le manque à gagner s’élève à 27 000 € rien que pour l’annulation des loyers. « En l’absence de commune nouvelle, les décisions auraient été plus longue à prendre, la réaction des services aurait été moindre. En terme de visibilité, cette crise du covid-19 a donc été un plus pour la commune. Les chefs d’entreprises en ont désormais une meilleure perception », note Sylvie Sourisseau, maire de Brissac Loire Aubance. L’existence des communes nouvelles s’est souvent révélée lors de l’octroi d’aides. Née en 2017, Mézidon Vallée d’Auge (14) est une commune nouvelle formée à partir de 14 communes, anciennement regroupées dans un petit EPCI et aujourd’hui intégré dans l’agglomération de Lisieux. 

Connaissance du terrain

Au printemps, la commune nouvelle a abondé de 200 000 € le fonds de soutien économique de 600 000 € mis sur pied par l’agglomération (en plus des 100 000 € aux fonds de solidarité national et des 300 000 € au fonds régional Impulsion Normandie). « Cette mesure a permis à la commune nouvelle d’exister pleinement aux yeux des chefs d’entreprises, qui ont maintenant pris conscience de qui fait quoi parmi les collectivités », assure François Aubey, maire de Mézidon Vallée d’Auge et président de l’agglomération de Lisieux. Car si l’EPCI possède la compétence de l’action économique, seule la commune dispose de la connaissance du maillage du territoire. 
Au-delà des aides d’urgence, la gestion du covid-19 a renforcé les liens de proximité des communes avec le monde économique. Depuis sa création en 2016 à partir de 3 communes, Aime-La-Plagne (73) dispose d’un chargé de mission « économie » qui organise des réunions thématiques pour les 50 entreprises locales. Pendant le confinement, avec les adjoints chargés des affaires économiques, il a maintenu le contact avec elles avant de les visiter une par une à la sortie du confinement pour leur proposer de bénéficier, à titre gratuit, des services d’un expert-comptable pour s’y retrouver parmi tous les dispositifs d’aides auxquelles elles pouvaient prétendre. « Beaucoup de commerçants nous ont dit combien ils avaient été touchés que la commune fasse la démarche d’aller vers eux », commente Corinne Maironi-Gonthier, la maire d’Aime-La-Plagne. « On a joué notre rôle et confirmé notre statut de “porte d’entrée” principale pour les acteurs économiques. On vient nous voir en premier même si nous ne décidons pas tout », complète Christelle Braud, maire de Divatte-sur-Loire (44), issue de la fusion, début 2016, des communes de La Chapelle-Basse-Mer et Barbechat. 
Comme souvent, la perspective d’une meilleure mutualisation des moyens et des services jointe à l’assurance de préserver les dotations ont motivé la création de la commune nouvelle. Les élections municipales sont venues consolider le statut de la commune nouvelle, affirment de concert les élus. « La commune nouvelle est devenue une réalité depuis le passage aux urnes sur l’ensemble du nouveau territoire. Les résultats de la consultation ont acté la naissance de la nouvelle commune », insiste Didier Lechien, plébiscité à 66 % dès le 1er tour, à Dinan.   

Thierry BUTZBACH                     

 


 

Nouveau mandat : associer les habitants est une priorité

À l’heure où les communes nouvelles se lancent dans la réalisation de leurs ­projets, les élus veulent répondre au mieux aux attentes de leurs administrés. Exemples dans les Vosges, en Haute-Garonne et dans l’Aveyron.

La page des dernières municipales à peine tournée, de nombreux maires élus à la tête des communes nouvelles s’attellent déjà à concrétiser leurs projets. Dès le mois de juin, le conseil municipal d’Argences-en-Aubrac, une commune nouvelle créée en janvier 2017 afin de réunir six communes aveyronnaises (soit 1 600 habitants), a décidé de supprimer mairies et maires délégués des communes historiques : « Les anciennes mairies sont devenues des maisons communales, explique le maire Jean Valadier. L’idée est de s’organiser autour d’une identité unique afin de privilégier la cohésion communale. » 
Parallèlement, les élus d’Argences-en-Aubrac ont décidé de mettre en place, dans chaque commune historique, des assemblées de village ; elles seront opérationnelles dès la rentrée. « Ces six instances témoignent d’une mobilisation nouvelle des citoyens pour faire vivre le territoire. C’est un moyen de réinventer de la proximité », s’enthousiasme Jean Valadier. Chacune de ces assemblées sera constituée des deux élus (quatre pour Sainte-Geneviève-sur-Argence, le bourg-centre), de huit habitants volontaires désignés après tirage au sort (dix pour Sainte-Geneviève-sur-Argence) et de deux jeunes âgés de 14 à 18 ans. Des bulletins de candidature pour appeler les citoyens à participer à ces structures ont été diffusés par la mairie dès le début de l’été. « Le rôle de ces assemblées placées sous la responsabilité des élus sera d’informer, de débattre et de faire des propositions en matière de cadre de vie, de petit patrimoine, de chemins de randonnée et d’animations, détaille le maire. Des réunions se tiendront tous les quatre mois au sein de chaque structure. » Cette initiative fait écho à celle qui a vu le jour au sein de Capavenir Vosges, une commune nouvelle réunissant les communes de Thaon-les-Vosges, Girmont et Oncourt, soit environ 9 000 habitants. Dès son élection, Cédric Haxaire a en effet mis sur pied des « comités de proximité » dans lesquels les citoyens sont désormais invités à s’exprimer chaque trimestre. « Nous avons également permis aux agents des mairies déléguées de Girmont et d’Oncourt de signer beaucoup plus de documents en notre nom, afin de renforcer leur légitimité et d’offrir un service public plus fluide, avec davantage de proximité », détaille le nouveau maire.

Consulter sur le projet

Mais Cédric Haxaire confie qu’au-delà de ces premières décisions, des choix engageant l’avenir de cette commune nouvelle vont bientôt s’imposer. « J’ai remporté cette élection contre les trois maires qui avaient monté cette fusion début 2016, explique-t-il. La création de notre commune nouvelle, ainsi que son nom, ont été au cœur de cette campagne. » Le nom, d’abord : selon Cédric Haxaire, l’appellation « Capavenir Vosges » évoque davantage une zone industrielle qu’un territoire. « Avec ce nom baroque, on lui a ôté son histoire, sa culture et son identité », estime le nouveau maire. La fusion, ensuite : « Je pense qu’un débat doit s’ouvrir quant au devenir de Girmont et d’Oncourt qui risquent à terme de devenir de simples quartiers de Thaon, avec, à la clé, une perte d’identité de ces villages et un éloignement des citoyens de leur mairie », affirme Cédric Haxaire. Afin « d’éclaircir et de clarifier » cette question, il a donc choisi, comme première étape de son mandat, de lancer, le 8 novembre prochain, un référendum qui devra valider, ou non, le périmètre actuel. La question qui sera posée aux citoyens se veut très claire : « Souhaitez-vous le maintien de la commune nouvelle ? » Ce même jour, une seconde urne recueillera l’avis des administrés concernant le nom de cette commune nouvelle : trois propositions, dont le nom actuel, seront soumises au vote lors de cette consultation citoyenne. 
« Une commission dédiée à la préparation de ce référendum va être mise en place, explique le maire. Elle sera également chargée d’examiner les conséquences d’une éventuelle “dé-fusion” ou du maintien de la fusion afin de proposer une vision crédible de l’avenir de notre territoire à long terme. » En fonction du taux de participation, des résultats dans chaque commune et, bien sûr, de l’avis majoritaire concernant la poursuite du processus de fusion, les résultats de ce référendum pourront entraîner plusieurs scénarii. « Je propose aux citoyens d’ouvrir un débat qui, à l’époque de la création de notre commune nouvelle, n’a pas eu lieu », résume Cédric Haxaire.
La procédure de dé-fusion n’est cependant pas prévue par les textes. Dès lors, la seule possibilité est la modification des limites territoriales par le préfet. Ce dernier diligente une enquête publique et institue par arrêté une commission prévue à l’article L. 2112-3 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Une fois les deux avis rendus (avis du commissaire enquêteur et de la commission), les conseils municipaux donnent obligatoirement leur avis. S’il y a modification des limites cantonales, l’avis du conseil départemental est requis. Ce n’est qu’une fois cette procédure terminée (longue et complexe) que le préfet décide de manière discrétionnaire de modifier ou non les limites communales.

Représenter l’ensemble du territoire

Des questions de fond se posent aussi à Céline Laurenties-Barrère, fraîchement élue à la tête de Péguilhan (Haute-Garonne), une commune nouvelle née de la fusion, en janvier 2017, avec le village de Lunax. « La soixantaine d’habitants de Lunax restent attachés à leur village et s’identifient toujours à lui. Dès lors, la disparition de cette commune en tant qu’entité les chagrine un peu, analyse-t-elle. C’est compliqué pour eux de penser que leur village n’existe plus en tant que tel. » Le défi, pour cette élue, comme pour son premier adjoint de Lunax, sera donc de « sortir d’un contexte historique », de « travailler afin de représenter l’ensemble du territoire » et d’accompagner l’ensemble des habitants vers une union « consentie et apaisée »… 
D’ici là, Céline Laurenties-Barrère s’est fixé un objectif à plus court terme, à savoir maintenir et développer la vie associative. « Dans un milieu rural comme le nôtre, explique-t-elle, les associations font vivre le territoire. Péguilhan compte environ 300 habitants et pas moins d’une trentaine de structures associatives très dynamiques. Pour mieux les accueillir et permettre que le bénévolat s’exerce dans de bonnes conditions, notre projet est de créer un bâtiment dédié à ce monde associatif. » L’élue note que la création de sa commune nouvelle a déjà apporté un coup de fouet au comité des fêtes : « Auparavant, il y en avait un dans chacune de nos deux communes. Les réunir a permis d’étoffer le nombre de membres et de lui donner une nouvelle impulsion. » 
Que ce soit dans les Vosges, en Haute-Garonne ou en Aveyron, force est de constater que la proximité s’impose comme le mot d’ordre du mandat qui débute. 


Sarah FINGER

 

Municipales : peu de bouleversement
Les élections municipales 2020 avaient valeur de test pour les élus qui ont porté le projet de création d’une commune nouvelle ces dernières années. Selon l’AMF, qui a réalisé une analyse des résultats du 1er tour (15 mars) à partir d’un panel représentatif de 475 communes nouvelles (1), « près de 85 % des conseils municipaux des ­communes nouvelles ont été élus dès le premier tour. (…) Les résultats du premier tour sont sans appel, avec près de 60 % des maires sortants réélus et un nombre quasi-inexistant de candidats opposés à la commune nouvelle ».   
(1)    www.amf.asso.fr (réf. CW40170).

 

Communes nouvelles : des mesures financières incitatives
La loi de finances pour 2020 a prolongé le «pacte de stabilité » financier de 3 ans pour les communes nouvelles créées après les élections municipales et ce, sans limitation dans le temps. Les communes nouvelles créées à partir du 1er janvier 2021 pourront donc bénéficier de ce pacte, mais également celles qui se créeront plus tard. Les conditions d’éligibilité ont un peu évolué : la commune nouvelle devra regrouper moins de 150 001 habitants afin de bénéficier de la garantie de non-baisse de ses dotations (forfaitaire, d’intercommunalité et de péréquation) et de la bonification de la dotation forfaitaire. Cette bonification, dite «dotation d’amorçage », s’élève à 6 € par habitant pendant 3 ans. Lorsque la commune nouvelle se substitue à une communauté, elle perçoit la première année de son existence la DGF que percevait l’EPCI. 
Les communes nouvelles bénéficient d’un versement au titre du FCTVA l’année même des dépenses. La DETR est prioritairement dirigée vers elles. 

 


 

Communes déléguées : anticiper les changements

La suppression des communes déléguées est irrévocable, il convient donc d’en mesurer les différents impacts.

La commune nouvelle a seule la qualité de collectivité territoriale. Sa création n’emporte pas forcément la disparition des anciennes communes dont elle procède. Celles-ci deviennent automatiquement des communes déléguées (avec la création d’une annexe de la mairie dans laquelle sont établis les actes de l’état civil concernant les habitants de la commune déléguée), sauf décision contraire de tous les conseils municipaux prise avant la création de la commune nouvelle ou lors de son extension. 
La suppression des communes déléguées est irrévocable, il convient donc d’en mesurer les conséquences et d’anticiper les changements (quid de la mairie annexe, effets sur différents zonages…). C’est la raison pour laquelle il est recommandé d’en informer la population car, juridiquement, la suppression de la commune déléguée engendre la suppression de son nom et de ses limites territoriales.
Le conseil municipal de la commune nouvelle peut revenir sur l’existence de communes déléguées à tout moment, dans un délai qu’il détermine (avec l’accord du maire délégué et du conseil de la commune déléguée s’il existe). La loi du 1er août 2019 permet de supprimer tout ou partie des communes déléguées mais aussi tout ou partie des annexes de la mairie (sans supprimer la commune déléguée), en vue de les mutualiser.

Maintenir un lien 

La suppression des communes déléguées engendre la suppression du poste de maire délégué et de l’annexe de la mairie (les actes de l’état civil de la commune déléguée supprimée sont gérés par l’officier d’état civil de la commune nouvelle). Les annexes de la mairie ne seront fermées qu’au 1er janvier de l’année suivante. Mais, pour maintenir un lien de proximité avec les habitants, la DGCL et le ministère de la Justice considèrent qu’il est possible :
• « soit de transformer les anciennes mairies annexes de ces communes déléguées en annexes de la mairie (article L. 2144-2 du CGCT) pour y implanter des services de proximité, qualification qui a pour conséquence d’exclure que des mariages y soient célébrés et enregistrés, de même que des PACS ou d’autres actes d’état civil ;
• soit, si et seulement si le procureur l’autorise, d’affecter ces anciennes mairies annexes des communes déléguées supprimées à la célébration de mariages (article L. 2121-30-1 du CGCT), sans toutefois pouvoir y établir d’autres actes d’état civil ou y enregistrer des PACS. Cette affectation devrait interdire qu’y soient implantés les services de proximité visés par l’article
L. 2144-2, sans nécessairement exclure d’autres utilisations de ces locaux, notamment pour l’accueil de réunions et de manifestations diverses. »   

Julie ROUSSEL

 

Pour aller plus loin
• Présentation des communes nouvelles (mise à jour en juin 2020) : www.amf.asso.fr (réf. CW12746).
• Foire aux questions sur les communes nouvelles (juin 2020). www.amf.asso.fr (réf. CW14201).
• Fonctionnement du conseil municipal d’une commune nouvelle. www.amf.asso.fr (réf. CW14196).
• La gestion de l’état civil dans les communes nouvelles. www.amf.asso.fr (réf. CW14140).
• Les dispositions de la loi de finances pour 2020 impactant les communes nouvelles. www.amf.asso.fr 
(réf. BW39814).
• Décryptage de la loi n° 2019-809 du 1er août 2019 visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires. www.amf.asso.fr (réf. CW39606).
• Une note de l’AMF présente, sous forme de tableau, l’ensemble des communes nouvelles et de leur maire (à l’issue des élections municipales). www.amf.asso.fr (réf. CW40238).

 

À savoir
Indemnités : l’AMF élabore des études indemnitaires pour les élus des communes nouvelles. Pour ce faire, la commune doit lui communiquer son nom, sa population totale, le nombre de conseillers municipaux, le nombre d’adjoints au maire de la commune nouvelle envisagés, le nombre de communes déléguées et le cas échéant, si elle bénéficie de majoration indemnitaire. Cette estimation indemnitaire établit les taux plafonds pour l’ensemble des élus de la commune nouvelle et des communes déléguées, permettant ensuite aux élus d’examiner la répartition des montants à allouer. 
Pour toute demande de simulation indemnitaire, envoyez ces informations à :
[email protected]
 
Franck LEMARC
n°381 - Juillet-août 2020