Information et communication. Les communes redoublent d’efforts pour informer et répondre aux administrés. Si un certain nombre d’entre elles ont fait le choix de fermer leurs portes au public, une permanence téléphonique a immédiatement été assurée comme à Morteau (25). « Depuis le confinement annoncé le 16 mars, nous avons reçu beaucoup d’appels avec toute sorte de questions mais surtout des interrogations sur les sorties et l’attestation : dans quel cadre l’utiliser, en faut-il une tous les jours… », précise le maire, Cédric Bôle. En Côte-d’Or, depuis le 15 mars, le numéro vert « On Dijon » (Allô mairie) est renforcé de 8h00 à 20h00, sept jours sur sept (appel gratuit), pour répondre et orienter les questions des appelants. À Rioz (70), c’est un numéro unique de portable qui a été ouvert 24h/24h à la population dès le samedi 14 mars, derrière lequel se relaient aussi les élus. Un numéro qui n’a pas arrêté de sonner… « Tout comme celui de la gendarmerie qui se trouve juste en face de l’hôtel de ville », précise Nadine Wantz, maire de la commune. La demande des administrés est sans relâche et la pression constante sur les élus comme en témoigne Frédéric Lacas, maire de Sérignan (34) et médecin généraliste : « Certains appellent non pas la mairie mais mon cabinet médical pour obtenir des informations relatives à l’organisation de la commune. Ils savent que mon cabinet reste ouvert et comme ils sont un peu perdus et affolés, ils tapent à toutes les portes… »
Le service de communication de la communauté de communes (CC) Porte de DrômArdèche (26) diffuse ses messages sur tous les réseaux sociaux et sur son site internet. Des messages sont également affichés sur les panneaux lumineux dans les communes. Des affiches ont été adressées aux maires. La communauté de communes envoie également régulièrement des communiqués de presse aux médias.
Continuité des services publics. Les plans de continuité d’activité (PCA) ont été activés comme à Pontarlier (25), où chaque direction a même mis en œuvre son propre PCA, l’ensemble étant coordonné par le directeur général des services (DGS). Objectif, assurer un service minimum et parer aux urgences. À Baume-les-Dames (25), la mairie privilégie l’« accueil physique pour réceptionner les recommandés et répondre aux appels, la gestion des opérations funéraires, le fonctionnement de la station d’épuration… Nous sommes obligés d’assurer un service minimum, mais je ne veux faire prendre aucun risque aux agents, affirme le maire, Arnaud Marthey. Les agents de l’état civil sont obligés d’être là par exemple mais l’une d’entre elle souffre d’asthme. Je lui ai donc demandé de rester chez elle et nous alternons une semaine sur deux avec ses deux autres collègues. »
À Cravanche (90), en dépit de la mise en place du télétravail, les agents qui disposent d’un bureau individuel ont préféré être présents en mairie dans le strict respect des règles sanitaires, pour assurer le service public. «C’est leur volonté et je les en remercie. On réétudie la situation quasiment au jour le jour avec le DGS », explique le maire. À Mignovillard (39), si la mairie est fermée au public, sauf urgence, les agents sont bien là, «avec le secrétariat dédoublé pour permettre aux agents de ne jamais se trouver ensemble et les deux agents du service technique qui continuent de travailler normalement, effectuant les entretiens nécessaires », détaille le maire, Florent Serrette.
Au sein de la CC Porte de DrômArdèche (26), une partie des 170 agents ont été désignés comme «réservistes » pouvant suppléer des collègues atteints ou suspectés d’être infectés par le Covid-19. « La gestion de ressources humaines s’effectue au jour le jour », témoigne la DGS, ce qui rend difficile le maintien des services publics. Des astreintes techniques ont été mises en place. Des agents basés à leur domicile sont tenus d’intervenir dans les 30 minutes suivant l’appel. La communauté informe régulièrement les 35 maires de ses actions.
Dans les communes qui en sont dotées, la police municipale, très mobilisée, se voit affectée à de nouvelles missions, comme à Millau (12), où elle est désormais chargée de faire respecter les règles de prévention sanitaires (gel, gants) ainsi que les distances de sécurité entre les clients sur le marché comme dans les halles. À Juvignac (34), elle veille à la tranquillité publique aux abords des deux pharmacies, des supermarchés et de l’hypermarché de la ville. Tandis que les plages du littoral méditerranéen ont fait l’objet d’arrêtés préfectoraux interdisant leur accès depuis le 19 mars, certains maires s’interrogent, en revanche, sur l’application de cette mesure. Et demandent à l’État des renforts, aux côtés de leurs agents municipaux, pour faire respecter l’interdiction.
Aide aux personnes fragiles. Les premières mesures prises par les maires se sont focalisées sur les personnes âgées, isolées ou vulnérables, déjà répertoriées par le fichier canicule ou grand froid. Honfleur (14) a créé une plateforme de citoyens-volontaires pour mettre en relation des aidants et des aidés (lire p. 13). À Millau (12), un accueil téléphonique assuré par 4 agents municipaux est dédié aux personnes âgées. « Cette cellule leur propose de faire leurs courses alimentaires ou d’aller à la pharmacie à leur place. Des citoyens se sont portés volontaires pour aider cette cellule en cas de besoin », détaille le maire, Christophe Saint-Pierre. Si l’organisation du portage des repas reste une priorité, d’autres services spécifiques se mettent en place, comme la livraison de livres à domicile par les médiathèques. Au Grau-du-Roi (30), la mairie organise un service de taxi à la demande pour que les habitants âgés ou isolés puissent se rendre chez le médecin, tandis qu’à Juvignac (34), la commune répertorie les bénévoles qui se portent volontaires pour téléphoner aux personnes isolées afin de leur tenir compagnie.
La mairie de Chenôve (21) a décidé de mettre en place une cellule d’accompagnement et de suivi pour les personnes âgées, fragiles et isolées, qui seront régulièrement appelées par le personnel du CCAS. Un accompagnement social et psychologique a également été développé à Pontarlier (25), « comme pour le plan canicule, avec le CCAS et potentiellement des associations locales, pour maintenir un lien social », relate le maire, Patrick Genre. Un soutien apporté dans les petites communes par des bénévoles et les élus eux-mêmes qui se mobilisent comme à Cravanche ou Rioz, dans le Territoire-de-Belfort. À Dijon, sous la responsabilité de l’adjointe en charge de la santé et des personnes âgées, un système de visioconférence a été déployé pour les familles des résidents d’EHPAD afin qu’ils puissent, s’ils le souhaitent, communiquer avec leurs aînés, compte tenu de l’interdiction des visites.
Le cas des personnes sans domicile fixe pose des questions spécifiques auxquelles Montpellier (34) a répondu par l’ouverture, le 18 mars, de deux gymnases, comprenant chacun 25 lits de camp isolés dans des boxes. Des équipes de la Croix Rouge sont chargées de l’organisation des repas. « Cette initiative a été prise en concertation avec la préfecture, explique Christian Fina, DGS de la ville.
Garde d’enfants. Dès l’annonce de la fermeture des établissements scolaires, Florent Serrette, maire de Mignovillard (39), a recensé avec le directeur de l’école communale les enfants dont l’un des deux parents au moins travaille dans le secteur de la santé, « que ce soit ici en France ou en Suisse. Le virus ne connaissant pas de frontière. 27 enfants sont concernés, un seul est actuellement pris en charge, les autres parents ayant pu s’arranger pour l’instant ». Mais jusqu’à quand, surtout si la crise s’aggrave ? Le maire de Baume-les-Dames (39) redoute cette situation : « nous avons mis en place, avec la communauté de communes, un mode de garde de 7h00 à 19h00, dans quatre écoles et deux crèches qui fonctionnent avec le volontariat, pour près d’une trentaine d’enfants aujourd’hui. C’est assez exigeant et on espère pouvoir le maintenir sur la durée ».
À Perpignan (66), « nous avons étendu l’accueil des enfants des personnels de santé qui n’habitent ni dans la ville, ni dans l’agglomération, mais qui viennent travailler sur la commune », précise le maire, Jean-Marc Pujol. Le département de l’Hérault a décidé, le 18 mars, de réquisitionner 29 collèges afin d’accueillir les enfants des personnels soignants.
Certaines intercommunalités gèrent la problématique en direct comme la CC Porte de DrômArdèche (26) qui a dû organiser les modes de garde pour les enfants des personnels soignants consécutivement à la fermeture des neuf crèches. «Nous nous sommes coordonnés avec l’Éducation nationale et les communes concernant les écoles », explique Céline Calpena, DGS. Trois sites sont maintenus ouverts et accueillent entre deux et cinq enfants. Ces derniers sont encadrés par des équipes « qui ne se croisent jamais » pour éviter les risques de contagion. La communauté tente d’anticiper « le coup d’après ». Elle envisage notamment la « réquisition » de chargés de mission ou de titulaires du BAFA s’il n’y avait plus de ressources internes disponibles pour garder les enfants. En Seine-Maritime, c’est la communauté de communes du Pays de Honfleur et Beuzeville qui gère l’accueil des enfants des personnels soignants, sapeurs-pompiers, policiers municipaux et nationaux. « Nous nous adaptons en permanence », indique François Chanteloup, DGS. Actuellement, une trentaine d’enfants est répartie dans onze sites.
Aide aux commerçants, artisans et entreprises. Afin d’aider ceux qui ont dû fermer leurs portes, le maire de Millau (12) a décidé, dès le 16 mars, d’exonérer commerçants et professionnels des taxes municipales liées à l’occupation du domaine public et aux enseignes et publicité extérieures. «Cette décision sera maintenue a minima pendant toute la durée du confinement », précise Christophe Saint-Pierre. Au Grau-du-Roi (34), où toutes les activités nautiques sont désormais interdites dans le vaste quartier de Port Camargue, la commune réfléchit aux modalités permettant de reporter le paiement des loyers par les entreprises installées sur la zone technique. La mairie de Perpignan (66) a, quant à elle, décidé d’échelonner la perception de la taxe de séjour qui concerne une quarantaine d’hôtels.
« L’année 2020 sera catastrophique », lance Patrick Genre, maire de Pontarlier (25), qui a demandé aux services municipaux « de travailler sur la façon dont la ville et la communauté de communes peuvent accompagner » les artisans, commerçants et entrepreneurs. « Report, exonération, diminution, annulation totale de charges, toutes les mesures seront étudiées. » À Morteau (25), Cédric Bôle a très rapidement installé une cellule de crise qui est en contact quotidien avec les acteurs économiques, afin de centraliser leurs besoins et questions qui sont remontés à la région, aux chambres consulaires et à la préfecture.
La CC Porte de DrômArdèche (26) a créé une plateforme en ligne pour informer les entreprises. « Nous sommes un territoire industriel qui compte, certes de grandes groupes nationaux et internationaux, mais aussi de nombreuses PME et TPE », explique Céline Calpena, DGS. « Ces petites entreprises n’ont pas en interne les ressources nécessaires pour accéder aux dispositifs d’aide mis en place par l’État et les régions pour limiter la crise économique. » Ainsi, un numéro de téléphone et une adresse mail sont dédiés aux entrepreneurs et commerçants. Objectif : les accompagner dans leurs démarches et les renseigner sur les mesures en vigueur.
Christine CABIRON, Estelle CHEVASSU et Sarah FINGER
Nous sommes en effectif réduit, mais nous maintenons tous les services de proximité », indique Michel Lamarre, maire de Honfleur. Depuis le début de la crise sanitaire liée à l’épidémie du Covid-19, cette commune a mis en place une cellule de crise qui se réunit chaque matin pour faire le point sur la situation et assurer la continuité des services publics. Cette cellule est composée du maire, des élus référents, du DGS, de la directrice des services techniques, d’un responsable de la police municipale et nationale, d’un médecin. « L’accueil téléphonique est assuré tous les jours, y compris le samedi matin. Nous avons maintenu un accueil physique, mais nous filtrons les visiteurs avec un interphone et relayons régulièrement l’agent de permanence ». Car comme toutes les collectivités, Honfleur est confrontée à une réduction drastique de ses ressources humaines. Télétravail oblige. Seuls environ 50 agents sur 300 sont présents.
« Nous sommes en train d’étudier un système de portage à domicile pour les personnes âgées ou isolées. Nous allons pour cela mettre en commun la nourriture collectée par les Restos du cœur et notre épicerie sociale. »
« Nous veillons à ce que les plus fragiles aient à manger tous les jours. »
Reste que la commune va devoir remplacer les bénévoles impliqués dans les associations car ils sont en général âgés de plus de 60 ans, donc considérés à risque.
C’est pourquoi la mairie a eu l’idée de créer une plateforme de citoyens-volontaires. L’idée est de mettre en relation des aidants et des aidés. « Du fait de la fermeture des services municipaux, nous avons pu récupérer une trentaine d’employés municipaux. » Leur mission consiste à effectuer les démarches du quotidien comme faire des courses. Cette plateforme d’entraide a été élargie à l’ensemble des 23 villes de la communauté de communes et s’inscrit en complément des dispositifs sociaux. « À ce jour, une vingtaine de citoyens-bénévoles a répondu à notre appel. Nous avons mis à leur disposition des gants et du gel hydroalcoolique. Nous réservons les quelques masques qui nous restent aux agents des services de soins à domicile. » Bons d’achat
Ces bénévoles vont aussi assurer la livraison de repas à domicile et aux SDF. «Pour ces personnes, nous avons décidé de leur financer une chambre d’hôtel. Tous n’ont pas accepté. » Lorsque les stocks alimentaires de l’épicerie sociale et des Restos du cœur seront épuisés, la commune a prévu de délivrer des bons d’achat à valoir dans les supermarchés ou sur le marché hebdomadaire qui a été maintenu. «Ce marché permet aux habitants du centre-ville d’acheter des produits frais au moins une fois par semaine. » En revanche, un système de filtrage a été mis en place pour limiter les flux de personnes. « Nous les faisons entrer par groupe de dix. »
Dans cette période de crise sanitaire, Michel Lamarre se félicite du civisme des administrés. «Le confinement est respecté à 95 %. Personne ne profite de la situation et chacun à son laissez-passer daté, signé et renseigné sur la nature du déplacement ». À ce titre, les services municipaux ont constaté que peu de personnes âgées avaient ce document. Aussi des photocopies ont été mises à leur disposition dans les commerces ouverts.
Christine CABIRON