Cette coopération avec les intercommunalités s’est traduite il y a un an par la création d’un syndicat mixte intermodal. Nouvelle-Aquitaine Mobilités est structuré autour de cinq bassins de vie et regroupe 26 autorités organisatrices. « Nous travaillons avec toutes les intercommunalités dont nous ne pouvons pas nous passer pour coordonner les offres de transport. » Le syndicat mixte a lancé une application mobile agrégeant toutes les offres de mobilité en Nouvelle-Aquitaine et qui calcule les itinéraires en temps réel. Ce syndicat mixte déploie aussi progressivement une billettique commune. «Nous sommes obligés de nous entendre car les usagers veulent une mobilité sans couture. Ils se moquent de savoir si c’est la Région ou une intercommunalité qui gère tel ou tel mode. Ils veulent pouvoir accéder à toutes les solutions de mobilité avec une seule carte et disposer d’information en temps réel, rappelle Renaud Lagrave. C’est comme cela que nous gagnerons la bataille du report modal. » En Nouvelle-Aquitaine, la fréquentation des TER augmente sans discontinuer depuis trois ans. En 2018, le nombre de voyageurs a encore progressé de 10 %. Chaque jour, 60 000 personnes se déplacent avec un train régional. «Si nous supprimons les petites lignes, elles reprendront leur voiture », prévient le vice-président régional. Cette hausse du trafic découle de plusieurs mesures. Tout d’abord, l’instauration de tarifications attractives. L’assemblée régionale a notamment créé en juillet 2017 un tarif « covoiturage en train ». Ce titre de transport incite à voyager à plusieurs. Il permet à deux, trois, quatre ou cinq personnes ne se connaissant pas forcément d’acheter en même temps un billet de train. Ce qui octroie des réductions de -20 à -50 %. «Ce tarif est l’un des plus utilisés », affirme Renaud Lagrave.
L’engouement pour le train est aussi lié aux investissements décidés par la Région pour remettre d’aplomb le réseau ferroviaire. Depuis 2002, 515 millions d’euros ont été débloqués pour renouveler entièrement le matériel roulant. 85 millions d’euros ont été fléchés sur la modernisation des gares et des pôles d’échanges multimodaux. Enfin, et bien que ce soit en dehors de ses compétences, la Nouvelle-Aquitaine a débloqué 1,4 milliard d’euros pour rénover les infrastructures. « Pour sauver le réseau ferroviaire, nous devrons investir la même somme dans le prochain contrat de plan État-région (CPER) », souligne Renaud Lagrave. En avril 2019, l’assemblée régionale a voté un plan directeur d’investissements destiné à remettre à niveau et moderniser les infrastructures ferroviaires. Cette décision a fait l’objet d’un avenant au CPER 2015-2020. « Nous allons prioriser des travaux hors compétences à hauteur de 532 millions d’euros sur les 1,2 milliard d’euros nécessaires à la régénération du réseau ferroviaire de Nouvelle-Aquitaine, indique Renaud Lagrave. Cette première enveloppe financière nous permettra aussi de rouvrir trois lignes de voyageurs. » Parallèlement, la collectivité travaille avec la SNCF pour améliorer les offres de service, les horaires et la vitesse des trains. Résultats : les indicateurs de performance des TER de Nouvelle-Aquitaine sont sans commune mesure avec ceux présentés par la Cour des comptes. Dans cette région, le coût par voyageur est de 32 centimes (61 centimes au niveau national). Les recettes commerciales couvrent 21 % des dépenses de fonctionnement. Un taux qui se situe à 12 % en France.
Dans le Grand-Est aussi, les dessertes fines sont au cœur des préoccupations des élus. «Le rôle des TER dans l’aménagement des territoires est juste essentiel », résume Jean Rottner, le président de cette région qui compte dix départements et 5,5 millions d’habitants. Un territoire transfrontalier, composé à 90 % de communes rurales. D’où l’obligation de travailler en lien étroit avec les intercommunalités pour organiser la mobilité. Depuis 2018, des groupes de travail dédiés à la tarification, la billettique, l’information multimodale ont été mis en place. Une charte de l’intermodalité et des services à l’usager a été signée par 40 autorités organisatrices. « Les intercommunalités ont toute leur légitimité dans l’organisation de leur mobilité à l’échelle de leur périmètre. La responsabilité de la Région est de coordonner ces politiques avec les TER. » Une démarche inscrite au Schéma régional d’aménagement et développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). Ce document prévoit un dispositif appelé DIRIGE (dispositif d’intervention régional d’intermodalité Grand Est), dont la finalité est d’accompagner financièrement les communes dans leur politique de déplacement. Soit en réalisant des pôles d’échanges dans les villes moyennes ou les bourgs structurants, soit en développant des services de mobilité : garages à vélos, aménagements de parkings, implantation d’un loueur de voitures partagées, développement de l’électro-mobilité…« Ces pôles d’interconnexion multimodaux permettent de désenclaver les territoires les plus ruraux. L’aménagement du territoire consiste à repenser tous les modes de déplacement de manière globale », rappelle Jean Rottner.
Parallèlement, le Grand Est a pris plusieurs mesures pour rationaliser les coûts de fonctionnement du TER. Cela s’est traduit par la suppression de certains guichets en gare ou la réduction de leur amplitude horaire. « En échange, nous avons optimisé le réseau de distribution des titres de transport. Nous avons noué des partenariats avec les buralistes et installé des distributeurs de billets », explique Jean Rottner.
Pour accroître la performance du train par rapport à la voiture, des arrêts ont été supprimés sur certaines lignes en heure de pointe.
Cette recherche d’optimisation ne se traduira pas pour autant par la fermeture des petites lignes. Au contraire. Le Grand-Est a prévu un plan de sauvetage qui porte sur une dizaine de lignes en difficulté. L’idée : les régénérer ou les rouvrir. Pour cela, cette collectivité va jouer la carte de l’ouverture à la concurrence (lire p. 26).
Un premier lot concernera sept lignes transfrontalières. La raison ? Répondre aux 170 000 personnes qui franchissent chaque jour la frontière pour aller travailler. « Nous avons acheté pour 375 millions d’euros de matériel roulant et nous assumons les investissements en lien avec les trois Länder allemands qui nous jouxtent. Sur trente ans, ils nous rembourseront au prorata des kilomètres parcourus sur leur territoire. » Un deuxième lot concernera la ligne entre Nancy, Vittel et Contrexéville, actuellement fermée. Ce marché intègrera la régénération de l’infrastructure, sa maintenance, son financement et l’exploitation ferroviaire. La ligne entre Épinal, Saint-Dié et Strasbourg sera, pour sa part, mise en appel d’offres, mais le contrat ne portera que sur l’exploitation du service.
Jean Rottner souhaiterait même aller plus loin en passant un contrat avec l’État pour sécuriser sur le long terme les financements inhérents à l’entretien et à la modernisation des infrastructures. « Aujourd’hui, les collectivités territoriales investissent à la place de l’État », constate-t-il, en faisant référence aux travaux réalisés sur la ligne entre Épinal et Belfort ou encore à la modernisation de l’étoile ferroviaire de Mulhouse. « Six mois avant le début des travaux, l’État nous a informé qu’il n’y aurait pas d’engagement de sa part faute de financement… Nous ne pouvons plus dépendre de son bon vouloir. » C’est pourquoi le président du Grand Est ne rejette pas l’idée que la région devienne propriétaire des infrastructures ferroviaires régionales. « Cela nous permettrait de prendre des décisions qui ne seraient pas fondées sur le modèle unique de la SNCF. Nous pourrions ainsi réaliser des économies en matière de maintenance et de fonctionnement. » Néanmoins, avant de franchir le pas, Jean Rottner veut des garanties. « Il faut tout d’abord que l’État engage une remise à niveau des infrastructures. À la suite de quoi, nous pourrons discuter des responsabilités qui pourraient être données aux régions pour assurer leur maintenance ».
En attendant, la régénération des dessertes fines du Grand Est a été estimée entre 800 millions d’euros et 1 milliard d’euros. «Cet investissement est décisif pour répondre aux attentes des citoyens en matière de transition énergétique des mobilités. Surtout à l’heure où il y a une appétence pour le train. » Dans cette région, la fréquentation des TER (170 000 voyageurs par jour) a progressé de près de 4 % entre 2017 et 2018.
(1) www.ccomptes.fr/fr/documents/50398