Pratique
01/01/2020
Numérique, réseaux sociaux

Diffamation, injures sur les réseaux sociaux : comment agir ?

Internet et les réseaux sociaux offrent un espace favorable à des propos diffamatoires ou injurieux. Ce délit est soumis au régime de la loi sur la liberté de la presse.

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui réprime l’injure et la diffamation, s’applique à tous les supports de communication, y compris électroniques depuis 2004.

1 Le champ des responsabilités
L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit l’injure et la diffamation. La loi du 21 juin 2004 sur la confiance en l’économie numérique a étendu son champ d’application à « tout moyen de communication au public par voie électronique » (site internet, réseaux sociaux). Les allégations publiées sont punissables même si la personne visée n’est pas expressément nommée, dès lors que son identification est rendue possible par les termes employés. 
Le droit de la presse étant particulièrement procédural, la victime doit être rigoureuse dans la rédaction de la citation, laquelle doit, sous peine de nullité, qualifier précisément le fait incriminé et indiquer le texte applicable à la poursuite. Il faudra pour cela impérativement discerner si l’élu visé l’est en qualité de citoyen chargé d’un mandat public (art. 31 de la loi de 1881) ou de simple particulier (art. 32). 

2 Le délai de prescription
Le délai de prescription est de trois mois, à compter de la première publication. S’agissant de publications sur internet, la jurisprudence estime que le point de départ est la date à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau. Attention : même si la publication est toujours en ligne, une action en diffamation n’est plus possible si la date de la première publication remonte à plus de trois mois. 
La Cour de cassation (1) a cependant mis un bémol à cette règle : toute reproduction, dans un écrit rendu public, d’un texte déjà publié, est constitutive d’une publication nouvelle et fait courir un nouveau délai de prescription. Une nouvelle mise à disposition du public d’un contenu précédemment en ligne, volontairement réactivé après avoir été désactivé, constitue une telle reproduction. Il en est de même en cas d’insertion, par l’auteur d’un écrit, d’un lien hypertexte renvoyant directement audit écrit précédemment publié (mais le renvoi doit être direct sur la publication incriminée : un lien vers une adresse générique sur laquelle il faut effectuer des recherches pour retrouver l’article litigieux ne réactive pas le délai de prescription).

3 Apporter une preuve probante
En cas d’injure ou de diffamation sur internet ou sur un réseau social, il est nécessaire de réagir vite, d’autant que les propos peuvent être effacés à tout moment. Pour en conserver la trace et bénéficier d’une preuve probante dans le cadre d’un litige, il est fortement recommandé à la victime d’avoir recours à un huissier de justice qui dressera un constat au moyen de captures d’écran.

4 Caractère public ou privé
La diffamation ou l’injure, lorsqu’elle est « publique », est un délit lourdement sanctionné (lire ci-contre). Mais si elle présente un caractère «privé », elle relève d’une simple contravention, passible de 38 € d’amende. L’injure publique est une injure pouvant être entendue ou lue par un public. Les personnes susceptibles d’être témoins de l’injure peuvent ne pas être liées par une communauté d’intérêt (ex. les membres d’un conseil municipal). L’injure à caractère privé est soit adressée par son auteur à sa victime sans qu’aucune tierce personne ne soit présente (par exemple, dans un SMS), soit prononcée par son auteur devant un cercle restreint de personnes partageant les mêmes intérêts (relation professionnelle ou familiale), en la présence ou en l’absence de la victime. 
Pour les publications sur les réseaux sociaux, l’appréciation se fait au cas par cas, au regard du nombre «d’amis » ayant eu accès aux propos. La diffamation ou l’injure pourra être publique si le nombre d’amis dépasse un cercle restreint, qui reste à la libre appré­ciation du juge. Elle est automatiquement publique si les propos tenus sur Facebook sont en accès libre à tous.     

(1) Décision du 7 février 2017 (n° 15-83.439) et du 2 novembre 2016 (n° 15-87.163).


Références
• Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
• Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

Sanctions
La diffamation et l’injure publique sont punissables 
d’un an d’emprisonnement 
et de 12 000 € d’amende, ou 45 000 € si la victime représente l’autorité publique (élu local) 
ou s’il y a un élément aggravant (racisme…). L’action en justice visera le « directeur de publication », qui est pénalement ­responsable. Le titulaire d’un compte sur un réseau social peut être considéré comme tel, car il dispose du pouvoir de publier et retirer une publication de sa page. Les usagers des réseaux sociaux restent responsables des contenus publiés via leur page ou les groupes qu’ils administrent, y compris par des tiers. L’hébergeur se doit aussi d’agir « promptement » pour retirer les contenus illicites dès qu’il en a connaissance. 
Fabienne NEDEY
n°375 - janvier 2020