Europe
04/09/2024
Europe

Fonds européens : le contrôle des dépenses jugé insuffisant

Selon la Cour des comptes européenne, les contrôles des dépenses effectués par la Commission et les États ne sont pas assez stricts. Elle demande de les renforcer. 

Selon la Cour des comptes européenne (photo), la France dépasse le seuil d'erreur jugé significatif (supérieur à 2%).
Faut-il s’attendre à des règles de contrôle plus efficaces des dépenses engagées au titre des fonds structurels ? Alors que la complexité administrative liée au contrôle de la régularité des fonds fait office de repoussoir pour nombre de bénéficiaires, la Cour des comptes de l’UE, elle, pointe l’insuffisance et l’inefficacité des procédures en place, dans un rapport présenté avant l’été.

« Les contrôles de la Commission européenne (CE) et des États membres sont toujours insuffisants à tous les niveaux (...). Les résultats ne sont pas au rendez-vous », estiment les auteurs du rapport qui porte sur la programmation 2014-2020, tout en reconnaissant que la situation s’améliore par rapport à 2007-2013. Avec une conclusion implacable : la CE et les États «doivent en faire davantage » pour garantir des dépenses conformes aux règles pour la période de programmation en cours (2021-2027).

Complexité règlementaire

Les contrôles des autorités de gestion (les régions, en France) sont une «première ligne de défense » contre les erreurs et, en France comme ailleurs, les bénéficiaires des fonds ont tendance à les considérer trop zélées, ajoutant de la complexité à la complexité. L’avis de la Cour des comptes est tout autre : «leurs contrôles ne permettent pas encore d’atténuer suffisamment le risque d’erreur ».

Et d’enfoncer le clou : «si elle avait fonctionné efficacement, cette première ligne de défense aurait en fait pu, et dû, détecter et corriger » une grande partie des irrégularités (projets inéligibles, non-respect des règles en matière d’aides d’État et des règles nationales et de l’UE sur les marchés publics).

Les autorités d’audit des États ne sont pas non plus épargnées. «Année après année, nos [contrôles] montrent que beaucoup d’entre elles passent à côté d’un grand nombre d’erreurs ». Elles auraient notamment trop tendance à se fier aux déclarations sur l’honneur des bénéficiaires.

Le rapport prend exemple, en France, de deux projets liés à l’utilisation des fonds pour l’emploi des jeunes mais pour lesquels «seules ont été utilisées des déclarations sur l’honneur dont les autorités d’audit n’ont pas contrôlé la fiabilité, même sur la base d’un échantillon. Les contrôles supplémentaires que nous avons opérés afin de déterminer le statut des participants compris dans notre échantillon ont révélé qu’un quart d’entre eux avaient en fait un emploi et ne pouvaient donc pas prétendre au soutien de l’UE », indique ainsi la Cour des comptes.

Inefficacité des sanctions

La France fait partie des pays où les taux d’erreur recalculés par la CE (par rapport aux taux présentés par les autorités d’audit) ont dépassé le seuil d’erreur jugé significatif (supérieur à 2 %). Cela concerne 22 % des dossiers dans l’Hexagone, ce qui fait de la France le 6e pays de l’UE où ce risque est le plus élevé. 

La Cour pointe, enfin, l’inefficacité des sanctions car les corrections financières, en cas d’insuffisances graves dans les contrôles, n’entraînent pas de perte directe de fonds pour les États. « Non seulement l’effet dissuasif des corrections en est réduit, mais cela n’incite pas les États à améliorer leurs systèmes. » 


La décentralisation a-t-elle un impact ?
Le cadre organisationnel des États membres influe sur leur aptitude à prévenir et détecter les erreurs », affirme la Cour des comptes européenne. Elle note que « le risque de divergences dans l’interprétation des règles à différents niveaux augmente avec le nombre d’autorités par programme ». Elle met aussi en avant une corrélation « entre le nombre de programmes dans un État et les niveaux d’erreur constatés par les autorités d’audit (lesquels sont révélateurs des faiblesses dans les travaux des autorités de gestion) », ainsi qu’une « corrélation négative » avec la taille des programmes (le nombre d’erreurs est plus élevé dans les petits programmes).

« Il y a donc lieu de penser que les États membres dont l’administration est décentralisée et où les programmes sont mis en œuvre au niveau régional (par ex. la Belgique, l’Allemagne, la France, l’Espagne et l’Italie) pourraient rencontrer plus de difficultés pour exécuter efficacement leurs programmes », estime la Cour. Un pavé dans la mare à l’heure où les associations d’élus locaux, dont l’AMF, s’insurgent contre un risque de recentralisation des fonds dans la future politique de cohésion. 
 
Par Isabelle Smets
n°426 - SEPTEMBRE 2024