Avant de parler d’usage, il convient de définir ce que l’on nomme IA. La commission européenne a défini, en 2018, les IA comme «des systèmes qui expriment un comportement intelligent en analysant leur environnement, en prenant des décisions et, en atteignant des objectifs spécifiques avec une certaine forme d’autonomie ». Si l’on parle «d’intelligence », c’est que ces systèmes simulent des capacités cognitives humaines telles que raisonner, analyser, apprendre, percevoir, traduire....
La plupart des IA sont cependant monotâches et ne savent faire que ce qu’elles ont appris. Elles sont, par exemple, capables d’extraire des informations et de classifier les données avec des algorithmes dit de machine learning, parmi les plus anciens à être utilisés. L’usage du «deep learning » (apprentissage profond) a ensuite permis aux IA d’apprendre par elles-mêmes et de manipuler des jeux de données plus complexes.
Enfin, les IA génératives (IAG), comme chatGPT, le chat de Mistral, Gemini ou Albert (l’IA de l’État), sont capables de créer du contenu, voire des images et des vidéos. Ce contenu ne vient pas de nulle part : les IAG ont été nourries de centaines de milliards de documents issus d’internet, de forums ou d’encyclopédies. Attention, ces IAG fonctionnent selon une approche probabiliste et sont susceptibles de créer du contenu erroné – on parle d’hallucination – ou biaisé. Ces biais peuvent être culturels, liés à la prééminence de contenus anglosaxons dans leur phase d’apprentissage ou imputables à l’usage de contenus biaisés (contenus racistes, sexistes…).
L’un des usages les plus courants de l’IA est la détection de phénomènes à partir de données ou d’images. À Tourette-sur-Loup (06), la commune s’est équipée de caméras capables de détecter un départ de feu à 15 km. Un premier test effectué durant l’été a permis d’éviter huit incendies, les alertes étant envoyées directement sur le smartphone du maire qui est également pompier volontaire. La particularité de ces caméras ? Utiliser l’IA pour comparer deux images prises dans un intervalle très court et détecter un éventuel panache de fumée.
Dans le Val-d’Oise, l’IA a été mobilisée par la communauté de communes de Carnelle Pays-de-France pour détecter les dépôts d’ordures sauvages. Le projet, piloté par le Syndicat mixte Val-d’Oise numérique, utilise une solution qui détecte les «anomalies de pixel ». Des pixels blancs ou oranges au milieu du vert de la forêt ont ainsi une grande chance d’être du plâtre ou de la brique. Ce repérage permet aux gendarmes d’organiser des planques et a conduit le département à repenser ses points d’apport volontaires. Ce type de technologie est également utilisé par les services fiscaux pour repérer les piscines non déclarées.
Attention : l’analyse d’image est autorisée sous réserve de ne pas chercher à identifier des personnes. La loi du 19 mai 2023 relative aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 a cependant créé un cadre expérimental pour les caméras utilisant l’IA afin de détecter des comportements comme un mouvement de foule ou repérer des colis abandonnés.
Les IA sont aussi de précieux outils pour modéliser le réel et prévoir l’avenir, une fonctionnalité essentielle à l’heure du changement climatique. L’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) utilise, par exemple, l’IA pour simuler les effets du changement climatique sur la forêt et prédire les attaques de scolytes. Elle lui sert aussi à cartographier l’artificialisation des sols, ces données étant restituées aux communes pour le suivi de leurs engagements dans le cadre du zéro artificialisation nette (ZAN).
À Troyes (10), l’IA est mobilisée pour lutter contre les îlots de chaleur. Le système repose sur des images satellitaires, croisées avec des données terrain, pour identifier le niveau de couverture végétale, la densité urbaine et la nature des sols. À partir de là, la ville a pu cartographier les îlots de fraîcheur et de chaleur pour l’aider à prioriser les zones à traiter, choisir les bons revêtements et intégrer ces exigences aux documents d’urbanisme. L’IA est également utilisée pour lutter contre le gaspillage alimentaire dans les cantines scolaires en prévoyant précisément les quantités à produire à partir d’historiques de données, de la saison ou de la météo.
L’avènement de l’IA générative (IAG) ouvre des perspectives intéressantes pour les services administratifs. À Issy-les-Moulineaux (92), un chatbot (agent conversationnel) utilisant l’IAG, nourri des contenus du site internet municipal, permet aux habitants d’accéder à des informations concises et sourcées sur l’ensemble des services. Une question sur les aides à la rénovation énergétique listera ainsi toutes les aides de la ville, de l’État, avec des liens vers des ressources en ligne. À Plaisir (78), c’est un «callbot » (assistant vocal) qui a été mis en place pour soulager le standard téléphonique des questions récurrentes (état civil, horaires) et offrir un accueil des usagers 7 jours sur 7.
L’IAG s’invite aussi dans les services administratifs pour aider à la rédaction des actes administratifs voire élaborer le premier jet du discours d’un élu. À La Haye (76), le maire utilise une solution permettant de trouver des exemples de délibérations ou d’arrêtés parmi 1,5 million d’actes de collectivités. Un résumé des décisions, avec la source, est proposé ainsi qu’une aide à la rédaction. Cette technologie peut aussi être mobilisée pour améliorer la qualité des réponses aux mails des usagers. C’est la vocation première d’Albert, l’IA de l’État testée par 200 agents dans les France services. Les premiers tests se révèlent positifs avec des réponses plus complètes et plus rapides. Albert est une IA «souveraine » que l’État souhaite concentrer sur la réalisation de «tâches rébarbatives » et la «simplification ». Albert est développé sous forme de logiciel libre et accessible aux collectivités. Son installation exige cependant des compétences informatiques.