Pourtant, les communes n’ont jamais autant dépensé en matière de sécurité : 2,5 milliards d’euros, selon le vice-président délégué de l’AMF, André Laignel. Un coût supporté mais non compensé puisque la compétence appartient à l’État. L’ancien ministre Nicolas Daragon, maire de Valence (26), souligne que les effectifs atteignent aujourd’hui «28000 policiers municipaux et 12000 sont recrutement ». Peu à peu les effectifs et les dépenses augmentent.
Mais, certains édiles ont le sentiment que les effectifs de gendarmerie ou de police nationale ne répondent pas au besoin : «Nous avons pris 2000 habitants en 20 ans (aujourd’hui 8000 habitants) et les effectifs de gendarmerie n’ont pas été réévalués », s’est par exemple plaint le maire de Questembert (56), Boris Lemaire ! Jean-Paul Jeandon, co-président de la commission sécurité de l’AMF, maire de Cergy (95) appuie : «Il faudrait que la police nationale et la gendarmerie aient plus d’effectifs. Le deal [entre l’État et les communes] doit être de recruter des deux côtés. On nous dit d’investir dans la sécurité, mais on nous ponctionne financièrement : il y a une grande contradiction ! »
Il existe également de grandes disparités entre les territoires, entre les 4500 communes dotées d’une police municipale et les autres, notamment les petites rurales qui n’ont pas les moyens d’en avoir ou qui se situent dans un flux comme celles du département de l’Eure. Ou entre deux grandes villes comme Fronton entre Toulouse et Montauban (7000 habitants) qui subit «le mercato car nous n’avons pas le même régime indemnitaire, nous ne sommes pas attractifs. Nous n’avons pas les moyens de mettre des caméras partout », déplore son maire Hugo Cavagnac. Pourtant, ce sont bien les forces de sécurité nationale qui demandent régulièrement aux maires de s’équiper en vidéoprotection : «l’intérêt dépasse largement les frontières communales, c’est de l’intérêt général », fait-il remarquer.
« Il ne faut pas que le régalien abandonne les petites communes. Il doit accompagner les intercommunalités qui mutualisent leur police municipale. Il ne faut pas non plus que les moyens du Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance (FIPD) [qui apporte des subventions, NDLR] baisse », martèle Jean-Paul Jeandon.
En face, les représentants des forces de sécurité nationale plaident pour une coopération renforcée entre élus et police/gendarmerie. Mais leurs réponses ne trompent pas. Le général de corps d’armée Lionel Lavergne, dont la mission est de «maintenir des gendarmes partout », avoue «ne pas avoir d’effectifs supplémentaires » pour répondre par exemple au maire de Questembert et «essaie de pallier par des réservistes »…. Le même prévient les maires : «il ne peut pas y avoir de gendarmes sans caserne ! Il faut aider la gendarmerie et leurs familles », citant l’exemple du maire de Saint-Émilion (33), Bernard Lauret qui «se bat pour sa caserne » ou invite à nouer des partenariats public/privé pour trouver des solutions.
Les maires se disent pourtant tout disposés à coopérer avec les forces de sécurité intérieure et les procureurs de la République via de multiples instances comme les conseils locaux ou intercommunaux de prévention de la délinquance (CLSPD – CISPD), les groupes de partenariat opérationnels (GPO), les groupements locaux de la délinquance (GLTD)… «C’est avant tout une histoire d’hommes pour travailler main dans la main. Il est important de se connaître, de se faire confiance », estime Sandrine Janiaud-Larcher, maire de Delle (90).
La plupart reconnait également qu’il est intéressant, voire nécessaire pour certains, d’élargir les compétences des polices municipales et des gardes champêtres pour augmenter leur opérationnalité. Mais la grande question, dont la réponse restera dans les mains de chaque maire, sera de trouver la solution pour que «le centre de gravité des polices municipales ne penche pas trop vers l’État » et que celles-ci restent dans les mains des maires et ne se substituent pas à la police et à la gendarmerie…