L'actu
29/10/2025
Administration générale Décentralisation Finances

Finances locales : les départements tirent la sonnette d'alarme

Confrontées à la hausse de leurs dépenses contraintes et à une baisse de leurs recettes, une soixantaine de collectivités pourraient se retrouver en difficulté financière à la fin de l'année. Les élus demandent à l'Etat de créer un « fond d'urgence » et de cesser les prélèvements sur leurs budgets.

"L'Etat nous demande de participer au redressement des finances publiques alors qu'il nous impose des dépenses», déplore François Sauvadet, président de Départements de France.
« Je suis en colère et j’adresse au Parlement et au gouvernement une mise en garde : on ne peut pas continuer comme cela », a tonné le président de Départements de France, le 29 octobre, lors d’un point presse. A deux semaines des assises de l’association (à Albi, dans le Tarn, les 13 et 14 novembre), François Sauvadet dénonce les charges imposées et les ponctions opérées par l’Etat sur les budgets des conseils départementaux : «l’Etat nous a imposé plus de 6 milliards d’euros (Mds€) de dépenses supplémentaires alors que nous avons perdu 8,5 Mds€ de recettes » au cours de ces dernières années, a résumé le président du département de la Côte-d’Or. 

Côté dépenses, Départements de France estime à «5,5 Mds€ » les dépenses imposées par l’Etat aux collectivités «sans concertation » entre 2022 et 2024 (augmentation des charges de personnels liée à celle du point d’indice, revalorisation du RSA…).

S’y ajoutent, en 2025, «597 millions d’euros (M€) de dépenses financées par les départements mais issues de décisions de l’Etat » : augmentation de la cotisation des employeurs départementaux à la CNRACL (« +300 M€»), «extension du Ségur de la santé » (« + 170 M€ ») et «revalorisation légale du RSA » (« +127 M€ »). 

Baisse des droits de mutation et ponctions

Côté recettes, les départements ont notamment fait face, entre 2022 et 2024, à une baisse sensible des droits de mutation à titre onéreux (DMTO, «- 4,75 Mds€ ») et à la non-indexation des dotations de l’Etat sur l’inflation («- 1,5 Md€ »).

A cela s’ajoutent cette année des ponctions réalisées par le gouvernement sur leurs recettes dans le cadre de leur participation au redressement des comptes publics (« 220 M€ » au titre du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités - Dilico - et «626 M€ » liés au gel de la TVA).

« C’est inacceptable ! L’Etat nous demande de participer au redressement des finances publiques alors qu’il nous impose des dépenses », déplore François Sauvadet en précisant que «les départements ne représentent que 1% de l’endettement public ». 

La colère de l’élu ne devrait pas retomber puisque l’exécutif reconduit notamment le Dilico en 2026, qui devrait se traduire par un effort de «280 M€ » pour les départements. 

Une soixantaine de départements en difficulté

L’effet de ciseau entre les dépenses et les recettes conduit à une situation inquiétante : «14 départements étaient en difficulté financière en 2024, ils devraient être entre 50 et 60 à la fin de cette année », estime François Sauvadet. Il souligne les conséquences directes de cette situation qui se traduit, selon ses estimations, par «une baisse de 10 % des investissements des départements et de l’aide aux communes ».

Dans ce contexte, Départements de France demande à l’Etat la création, l’an prochain, «d’un fond d’urgence et de soutien de 600 M€ » pour les collectivités qui ne peuvent plus faire face à leurs dépenses obligatoires. 

François Sauvadet souligne en effet la hausse des dépenses «non pilotables » des conseils départementaux liées aux versements des allocations individuelles de solidarité (AIS) - RSA, PCH et APA – dont le montant, cette année, «atteint 22,9 Mds€ avec un reste à charge pour les départements de 13,8 Mds€ » compte tenu des compensations insuffisantes versées par l’Etat.

Le président de Départements de France souligne aussi le niveau élevé des dépenses d’aide sociale à l’enfance (ASE) – «11 milliards d’euros avec une participation de l’Etat de 3 % » - liée en partie «au doublement de la prise en charge des enfants de 0 à 4 ans, cette année » par les collectivités.

« Les dépenses sociales représentent aujourd’hui 70 % de nos dépenses de fonctionnement contre 54 % il y a dix ans, illustre-t-il. Nous devons faire face à un "tsunami" de dépenses ».

En dépit du contexte budgétaire tendu, le président de Départements de France ne désespère pas de convaincre le Premier ministre de créer le fond d’urgence en 2026 et «de parvenir à un effort partagé sur les dépenses sociales ». Invité à participer à leur assises, mi-novembre, Sébastien Lecornu, avec lequel François Sauvadet n’a eu «aucun contact depuis sa nomination » à Matignon, est attendu de pied ferme par les élus départementaux.  
 

Xavier Brivet
n° -