« Nous sommes élus sur des idées pour faire vivre la commune. Pas sur le fait d’être maire-employeur. On se prend cela de plein fouet, surtout lorsque l’on ne connaît pas la fonction publique territoriale, explique Christophe Iacobbi, maire d’Allons (04, 130 hab.), pourtant fonctionnaire territorial de profession. Certains collègues mettent presque un mandat à faire tourner la machine. Ce n’est pas évident. » Murielle Fabre conseille d’ailleurs aux nouveaux maires de se former dès le début du mandat à la FPT. «Il est dommage qu’un maire puisse être empêché par méconnaissance de ce levier ! »
Avant les élections, pour Christophe Iacobbi, il est «utile que le candidat ou quelqu’un de son équipe prenne le temps de réfléchir à ce qu’il va se passer après l’élection : comment gérer la commune, avec quelles délégations, les premières délibérations… Cela fixe le cadre de fonctionnement de la commune et va donner la force au maire de pouvoir agir. »
Une équipe municipale arrive parfois avec des idées préconçues, des a priori aussi bien sur les agents que sur les façons de faire et de diriger la commune. Or dans les toutes petites communes, le secrétaire général de mairie (SGM) est la seule personne sur laquelle elle pourra s’appuyer. «Nous sommes la mémoire de la commune, nous faisons le tampon entre les administrés et la nouvelle équipe municipale », acquiesce l’un d’eux. Le secrétaire général de mairie (dans les communes jusqu’à 3 500 habitants) ou le directeur général des services (dans les communes à partir de 2 000 habitants) a «un rôle clé de pivot dans les relations entre les élus et les agents de la mairie. C’est la tête des agents, la tête de toute l’organisation administrative de la mairie », illustre Jérémy Girault, maire de Savennières (49, 1 400 hab.).
L’enjeu est donc de créer les conditions pour pouvoir travailler ensemble, au service de la collectivité. «C’est de l’humain », avertit Christophe Iacobbi. Il s’agit de construire une relation de confiance. D’aucuns vont jusqu’à parler de «couple » pour décrire le fonctionnement de ce binôme «si particulier et qui n’existe pas en dehors de la fonction publique territoriale », fait remarquer Murielle Fabre.
Ce genre de relations ne se décrète pas. Il est donc important de ne pas faire de faux-pas dès la première rencontre, le lendemain des élections. Cela d’autant que le SGM/DGS a, lui aussi, sa personnalité, plus ou moins d’expérience, ses méthodes de travail, ses habitudes.
En outre, ces agents travaillent depuis des mois dans la plus grande retenue en raison du devoir de réserve et de neutralité auquel ils sont soumis pendant la campagne électorale (depuis le 1er septembre 2025 pour les municipales 2026). Cette période peut être source de fatigue, de stress pour ne pas commettre d’impair. S’ils ont un devoir de réserve et de neutralité, les SGM et DGS doivent toutefois fournir les informations que peuvent demander élus, candidats, administrés. Tout en respectant un cadre strict. Maîtriser toutes ces subtilités suppose un grand contrôle sur soi-même.
Aux élections municipales proprement dites, s’ajoute, qui plus est en 2026, la mise en œuvre du scrutin de liste paritaire dans les communes de moins de 1 000 habitants (lire notre article). La préparation mobilise déjà beaucoup de candidats et d’agents. Les SGM risquent, eux, d’être sursollicités par les candidats. En cas de nouvelle équipe, «nous ne connaissons pas les personnes. Il y a toujours une angoisse, notamment chez les plus jeunes [recrutés dans la profession depuis 2020], car nous ne savons pas avec qui nous allons travailler, ni comment [la collaboration] va fonctionner », ajoute une SGM expérimentée.
Tout mandat commence donc par une phase essentielle de découverte et de construction du binôme maire/SGM ou maire/DGS. La consistance de la relation dépendra, bien évidemment, de la situation : nouvelle équipe, reconduction de l’équipe sortante, personnalités des uns et des autres… Certains réflexes (entretien de méthode et de cadrage en début de mandat) et outils peuvent aider à partir sur de bonnes bases.
L’Association départementale des maires et des présidents d’intercommunalité d’Ille-et-Vilaine (AMF 35) a signé, le 25 avril dernier, une charte de bonne collaboration entre maire et secrétaire général de mairie avec l’association des secrétaires généraux de mairie du département (SGM 35) et le centre de gestion. Le document liste les rôles et les responsabilités du maire, du SGM, du «duo », détaille les points de leur collaboration et leur mode de fonctionnement. «Nous conseillons aux maires et aux SGM de prendre un temps pour expliquer ce qu’ils attendent de leur binôme, comment ils fonctionnent afin de bien comprendre comment ils vont pouvoir collaborer pour que le fonctionnement de la mairie soit fluide », éclaire Marielle Muret-Baudouin, maire de Noyal-sur-Vilaine (6 250 hab.) et présidente de l’AMF 35.
L’association départementale sensibilisera les maires élus en 2026 lors de ses traditionnelles Universités des maires qui seront organisées rapidement après les élections. La charte de bonne collaboration leur sera présentée et remise. L’association SGM 35 y sera présente, mais elle a déjà commencé, avec le centre de gestion, à présenter la charte aux SGM du territoire.
Charge ensuite aux élus et aux SGM d’ouvrir la discussion avec leur binôme pour signer la charte. «Il peut parfois être difficile d’aborder le sujet. La charte est un outil sur lequel s’appuyer pour entamer une discussion, encourage Marielle Muret-Baudouin. Lors de chaque entretien annuel, nous conseillons également que chacun ressorte le document afin qu’il puisse faire le point sur tous les aspects de la collaboration. Au cours d’un mandat, nous sommes tous un peu débordés, c’est l’occasion de corriger certaines choses. »