Devant les députés, le Premier ministre a indiqué qu’il «proposera en décembre, un projet de loi pour renforcer le pouvoir local, un nouvel acte de décentralisation » qui «lui seul permettra de réformer l’Etat au niveau local et d’améliorer le fonctionnement de tous nos services publics ».
Le texte devra selon lui répondre à plusieurs questions : «Qu’est-ce que l’on attend de l’Etat ? (…) Quel doit être le niveau de décision locale ? Qui est responsable de quoi ? ». Sébastien Lecornu proposera «un principe simple, celui de l’identification d’un seul responsable par politique publique. Il s’agira soit d’un ministre, soit d’un préfet, soit d’un élu. Il ne faut pas décentraliser des compétences, il faut décentraliser des responsabilités avec des moyens budgétaires et fiscaux, et des libertés y compris normatives », a-t-il affirmé.
Conscient que la réforme «prendra du temps », le chef du gouvernement veut l’engager «tout de suite. (…) Le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez », a-t-il lancé aux députés.
Sébastien Lecornu confirme le nouvel acte de décentralisation qu’il avait évoqué dans les courriers qu’il avait adressés (avant sa démission, le 6 octobre) aux maires, le 17 septembre, puis notamment aux associations d’élus, le 19 décembre. Dans sa missive aux élus, le chef du gouvernement disait vouloir «mieux définir des champs de compétence propre pour chaque décideur public : l'État central sous l'autorité du gouvernement, l'État local sous l'autorité des préfets et les collectivités territoriales sous l'autorité des élus. » Objectif, «éviter la dilution des responsabilités ».
Dans le second courrier, il demandait notamment aux associations d’élus de lui transmettre «d’ici le 31 octobre 2025 » leurs propositions «sur la nouvelle organisation des compétences et des moyens affectés » dans plusieurs champs d’actions : la santé, les politiques environnementales, l’urbanisme et le logement, les transports et la mobilité, la culture, le tourisme et le sport. Objectifs, «identifier l’échelon le plus pertinent » et «permettre à nos concitoyens de comprendre qui est responsable [et] à qui demander des comptes ».
Dans un courrier de réponse adressé, le 2 octobre, au locataire de Matignon, David Lisnard et André Laignel, président et 1er vice-président délégué de l’AMF, lui ont rappelé «en préalable de tout travail sur le contenu d’une réforme de l’organisation des pouvoirs publics », les «principes structurants de la décentralisation » sur la base desquels la réforme soit selon eux s’engager : «la subsidiarité », «le respect de la clause de compétence générale des communes », «la libre administration des collectivités », leur «autonomie financière et fiscale », «un véritable pouvoir règlementaire local » et «le contrôle des moyens et des normes affectant les collectivités ».
Ils rappellent que l’AMF «propose depuis longtemps un nouvel acte de décentralisation, moins fondé sur un transfert de compétences nouvelles que sur des mesures concrètes de renforcement de la liberté et du pouvoir d’agir » des élus.
David Lisnard et André Laignel invitent d’ores et déjà le Premier ministre à instaurer «un moratoire sur toutes les contraintes nouvelles non financées s’appliquant aux collectivités » et à supprimer «les normes les plus pénalisantes et coûteuses ». Ils l’appellent à faire «cesser toute ponction sur les budgets locaux, dès la prochaine loi de finances ».
Le chef du gouvernement ne répondra pas à ce dernier souhait puisque le projet de loi de finances pour 2026, présenté ce 14 octobre en conseil des ministres, prévoit plusieurs ponctions sur les budgets locaux, au premier rang desquelles une reconduction du dispositif de lissage conjoncturel des ressources fiscales des collectivités (Dilico), à hauteur de 2 milliards d’euros, «dans le but d’associer les collectivités territoriales au rétablissement des comptes publics ».
Le volet «collectivités locales » du PLF pour 2026 sera présenté mercredi 15 octobre devant le Comité des finances locales (CFL), dont le président, André Laignel, estime dans un entretien accordé à Maires de France qu’«on ne peut pas dire aux élus que l’on veut décentraliser et continuer de les étouffer financièrement». Les échanges risquent donc rapidement de se tendre entre le gouvernement et les élus.