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17/06/2025
AMF Élections Votre mandat

Municipales 2026 : anticiper le passage de flambeau

Ils ne se représentent pas mais partent sereins. Leur successeur est « désigné » et la continuité assurée. Sans préjuger du résultat des élections, ces élus sortants nous ont confié la façon dont ce choix s'est fait.

Emmanuelle Favre, maire de Saint-Loubès (33, 3e à gauche) ne briguera pas de nouveau mandat. C'est l'un de ses adjoints, Sébastien Roux (1er à gauche), qui se présentera pour la majorité sortante.
Ils sont 28 % des maires fermement décidés à ne pas se représenter en 2026 », selon l’enquête menée entre le 3 et le 31 mars 2025 par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), en partenariat notamment avec l’AMF (lire notre article). Pour certains d’entre eux, cette décision est même mûrement réfléchie et anticipée.

« J’avais averti au début de ce mandat que je ne me représenterai pas après quatre mandats et trente ans d’engagement public, témoigne Guy Colin, maire de Brélès (900 habitants, Finistère). J’avais choisi mes trois adjoints en 2020 en leur demandant de s’investir et de préparer l’avenir. Ce n’est pas évident de prévoir à l’avance mais je leur avais dit qu’il serait souhaitable qu’il y ait une continuité dans la sérénité dans la commune en choisissant des personnes qui seraient prêtes à poursuivre en 2026. »

À Sailly-sur-la-Lys (3 900 habitants, Pas-de-Calais), le maire, Jean-Claude Thorez, 71 ans, a pris sa décision il y a un peu plus d’un an en pensant, lui aussi, à l’après : « Je souhaitais qu’une équipe puisse se présenter, préparer la suite, poursuivre les projets qui ne sont pas terminés. L’idée était d’avoir une continuité avec des anciens et des nouveaux pour travailler ensemble. » 
 

Des successeurs naturels ou désignés 

Les deux maires sortants ont annoncé publiquement leur décision, dès cette année, au cours de leurs vœux. «Un maire qui ne souhaite pas repartir ne doit pas attendre la dernière minute pour le dire », estime Jean-Claude Thorez. «C’est plus simple pour la nouvelle équipe de s’organiser et de se préparer quand on rend la décision publique et assez tôt », opine Guy Colin.

« Il faut laisser la place à de nouvelles idées. » À 72 ans, après 25 ans de mandat, Joseph Barba, maire de Laval-Pradel (1 200 habitants, Gard), a décidé de passer le flambeau à l’un de ses adjoints. Une succession naturelle, pour qu’il devienne, si les électeurs votent en ce sens, le prochain maire. «En tout cas, je le souhaiterais et on fera tout pour que cela se fasse sereinement. Cela fait déjà quelques années qu’il est élu à la mairie et il a toutes les compétences. Il est en train de gravir les échelons comme je l’ai fait. Le mandat de maire, c’est une nouvelle étape. Mais il n’est pas seul, il y a une équipe. » 

Pour la désignation de son successeur à Sailly-sur-la-Lys, Jean-Claude Thorez explique que son adjoint aux finances, Pierre-Luc Ravet, est le seul à s’être proposé parmi les membres de son équipe. «Il faut une tête de liste, un nom à mettre dans l’urne. Mais on a tous envie de travailler ensemble dans des responsabilités totalement partagées, explique le candidat. Ce collectif présent sous Jean-Claude Thorez n’a pas été très difficile à remobiliser pour les élections de mars 2026 qui se profilent parce que la continuité entre nous deux est réelle, et ils me connaissent aussi. Il n’y aura pas de tromperie sur la marchandise ! » 

À Saint-Loubès (10 500 habitants, Gironde), celui qui représentera la majorité sortante s’appelle Sébastien Roux, également adjoint aux finances. Comme en 2020, pour la désignation de la candidate et aujourd’hui maire sortante, Emmanuelle Favre, c’est par un processus interne avec «un vote sans candidat » qu’il a été désigné.

« Avant cela, Emmanuelle Favre nous avait brossé un portrait-robot, expliqué les qualités requises pour être maire. Elle nous a mis en garde aussi sur tout ce que nous n’avions pas appréhendé en 2020 et qu’il faut prendre en compte : le caractère, la disponibilité...», relate Alice Platriez, adjointe au maire. «Nous sommes au moins des binômes ou des trinômes, poursuit-elle. Même si les personnes s’attachent à un nom ou à une personne, nous restons un collectif et nous commençons déjà à travailler la campagne ensemble. »
 

Des candidats «en formation » aux côtés des maires

C’est d’ailleurs en équipe que l’annonce du nouveau candidat a été communiquée à la presse, le 12 mars dernier, mais sans la maire. Emmanuelle Favre est claire : «Tout ce que j’ai appris, je le partagerai volontiers mais il n’est pas souhaitable pour la nouvelle équipe que je sois trop en avant et trop présente. Être en soutien, en conseil, évidemment. C’est important que chacun puisse trouver sa place. »

Joseph Barba, lui, n’a pas encore dévoilé le nom de son successeur, ce qu’il compte faire en juin dans le journal de la commune qui sort deux fois par an. «Nous avons aussi, tout au long de l’année, des festivités, comme la Fête des mères qui a eu lieu le 25 mai. J’explique que c’est mon dernier coup, la dernière fois que je prends le micro en tant que maire. Ça se fait simplement et tranquillement. Mon «successeur » prend le train en marche, il est plus jeune et il est parfaitement conscient des difficultés de la fonction mais il s’adapte et je ne suis pas inquiet. » Et le maire de confier que, comme lui, c’est un enfant du village qui est à ses côtés pratiquement tous les jours et avec lequel il partage le même état d’esprit.

« Beaucoup d’habitants me demandaient si je continuais ou pas pour un troisième mandat, et je me devais donc de le dire, raconte Gérard Roy, maire de Roullet-Saint-Estèphe (4 300 habitants, Charente). J’avais fait savoir que je le ferai en mars, d’où l’article qui est sorti dans la presse (NDLR : la Charente Libre, le 13 mars). » Un article pour présenter ce «successeur » qu’il a désigné (lire ci-dessous) mais aussi pour préciser qu’il n’arrête pas tout à fait puisqu’il est également vice-président de l’agglomération et sera sur la future liste «en position pour être élu à l’agglomération et représenter la commune ».

Mais le temps est d’abord celui de l’accompagnement du candidat. « Je l’associe de plus en plus aux choix importants, partage avec lui les raisonnements qui conduisent à telle ou telle action, la démarche de construction qui guide tel ou tel choix. Il est à mes côtés aussi pour voir comment je réponds à certaines questions à la presse ou aux habitants, la prise de parole en public. Il est à l’aise mais il est toujours bon de suivre une formation pour apprendre les techniques de communication, les pièges à éviter. » 

À Sailly-sur-la-Lys depuis 2014, Jean-Claude ­Thorez et Pierre-Luc Ravet travaillent « en synergie » et expliquent former un binôme. « Je suis en formation continue, glisse l’adjoint et futur candidat. J’ai déjà une certaine connaissance des sujets et maintenant, Jean-Claude Thorez m’amène plus dans une fonction future de représentation, d’échanges avec les habitants. J’étais plutôt un élu de dossiers et il va falloir que je sorte de ma zone de confort. » Et, aussi, faire sans le maire qui souhaite complètement arrêter. « Mais je suis quelqu’un de très présent dans la commune, dans l’associatif et je serai toujours là », rassure le maire sortant. 
 

Scrutin de liste pour 2026
La loi du 21 mai 2025 généralise, en mars 2026, le scrutin de liste paritaire dans toutes les communes (lire p. 46), autrement dit dans les 24 734 communes de moins de 1 000 habitants où s’appliquait, jusqu’à présent, le ­scrutin majoritaire plurinominal à deux tours, avec possibilité de panachage. Le conseil municipal pourra compter 5 membres (au lieu de 7) dans les communes de moins de 100 habitants, 9 membres (au lieu de 11) dans celles de 100 à 499 habitants et 13 membres (au lieu de 15) dans celles de 500 à 999 habitants. Les élus siégeant à l’intercommunalité continueront d’être désignés dans l’ordre du tableau au moment de l’élection du maire et des adjoints. 

 

TÉMOIGNAGE
Gérard Roy, maire de Roullet-Saint-Estèphe (4 300 habitants, Charente)
« Un nom est ressorti à la majorité, c’était aussi mon choix »
" Il faut savoir passer la main et accompagner la personne que l’on pressent. J’ai consulté les membres de mon équipe, individuellement, en leur demandant qui ils verraient parmi les adjoints pour se présenter et, peut-être, devenir le maire de la commune, le plus consensuel, celui qui a, selon eux, les compétences les plus appropriées. Un nom est ressorti à la très grande majorité : Emmanuel Pichon [l’un de ses adjoints].
Il se trouve que c’était mon choix personnel. Je voulais qu’il soit coopté et j’ai la chance qu’il y ait eu assez naturellement ce consensus. Je reconnais que c’est le point le plus difficile et la manière dont le maire a conduit son équipe qui y est aussi pour quelque chose.
Le principal intéressé, qui est en activité, m’a dit : «pourquoi pas mais je souhaite que tu m’accompagnes dans cette transition ». Une condition est importante pour moi : que la liste reste apolitique pour ne pas perdre une certaine sérénité. Je sais qu’il va me demander mon avis, qu’il est libre de le suivre ou non, mais je souhaite qu’il tranche à la fin car c’est lui qui va gérer l’équipe pendant six ans. »

 

Par Estelle Chevassu
n°435 - JUIN 2025