En septembre 2024, les inspections générales (finances, affaires sociales, administration) ont produit un rapport avec 11 recommandations pour rétablir l’équilibre financier de la caisse. Mais, devant le Comité des finances locales du 8 octobre 2024, « alors que les élus locaux comme les parlementaires attendaient que le gouvernement reprenne ces mesures, il n’a fait qu’une seule préconisation : celle d’augmenter le taux de cotisation des employeurs territoriaux de 12 points sur trois ans pour passer de 31,65 % à 43,65 % en 2028 », a fait remarquer Stéphane Delautrette.
« Cette solution de facilité est apparue comme une contribution supplémentaire des collectivités locales au redressement des finances publiques ! » Même si l’augmentation finalement retenue a été lissée sur quatre ans au lieu des trois initialement prévus, cette décision pèse fortement sur les budgets locaux » : 1,2 milliard d'euros en 2025. Ce poids supplémentaire pèsera, in fine, 3,9 milliards d'euros par an à compter de 2028.
Pour faire le point sur la situation, la délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale a entendu les différents acteurs concernés au travers de trois tables rondes. La hausse des cotisations employeurs ne résoudra pas les problèmes financiers de la caisse, selon le rapporteur.
Mais le président de la CNRACL, les employeurs publics territoriaux, les organisations syndicales partagent le diagnostic sur les causes multifactorielles de la dégradation financière des comptes de la caisse :
- hausse des effectifs et donc des pensionnés à la suite des lois de décentralisation et de la réduction du temps de travail,
- spécificités de la fonction publique territoriale (espérance de vie des retraités affiliés plus importante que la moyenne nationale, les retraites pour invalidité qui ont bondi de +21 % en dix ans),
- la proportion toujours plus importante de contractuels (un quart des effectifs de la FPT qui ne cotisent pas à la CNRACL),
- recettes de la caisse quasi-totalement assise sur la cotisation contrairement aux autres régimes (financés pour une part non négligeable par l’impôt),
- contribution de solidarité de la caisse aux autres régimes (100 milliards d'euros constants depuis sa création et encore 475 millions d'euros en 2024, ce qui « heurte le bon sens » et apparaît même comme une « injustice », pour Stéphane Delautrette).
De ces différentes tables rondes, le député de la Haute-Vienne en a tiré quelques conclusions car il y a une « urgence manifeste » à prendre des mesures ciblées dès 2026, même si la situation exige par ailleurs « une réponse structurelle ».
À terme, la CNRACL devrait pouvoir bénéficier, comme les autres régimes, d’un socle de fiscalité transférée (proposition n°7 du rapport) qui reste à déterminer.
À court terme, la Caisse nationale d’allocations familiales et le Fonds de solidarité vieillesse pourraient prendre en charge les prestations qui relèvent de leur secteur et que la CNRACL finance, contrairement, là encore, aux autres régimes de retraite : majoration à partir du troisième enfant (gain de près d’1 milliard d'euros pour la CNRACL) (proposition n°3), dépenses associées à la validation des périodes de demi-traitement au titre des congés maladie et la garantie minimale pour les pensionnés pour invalidité lorsque le taux d’invalidité est égal ou supérieur à 60 % (gain de 275 millions d'euros) (proposition n°4 et 5).
En ce qui concerne les contractuels, certains souhaiteraient un rapprochement ou une réunion des contractuels et des titulaires dans un régime commun, mais le rapporteur préfère y renoncer pour cause de très grande complexité opérationnelle. Instaurer une taxe sur la masse salariale des contractuels pour neutraliser le déséquilibre dans la gestion des ressources humaines entre les deux catégories d’agents n’apparaît pas non plus pertinent, selon Stéphane Delautrette : « cela augmenterait les charges pour les employeurs », donc sur les budgets.
En revanche, les cotisations relatives aux 75 000 titulaires travaillant en deçà du seuil de 28 heures hebdomadaires (agents à temps non complet) versées aujourd’hui au régime général et à l’Ircantec pourraient être rapatriées au sein de la CNRACL. Montant estimé de la recette : 290 millions d'euros (proposition n°6).
En tout, ces mesures rapporteraient 1,6 milliard d'euros de recettes à la CNRACL dès la première année, un chiffre supérieur à la seule hausse de trois points des cotisations employeurs (1 milliard d'euros). Qui plus est, ces mesures permettrait d’annuler la hausse de la cotisation employeurs pour l’année 2026, allégeant la charge sur les budgets locaux.
Sur le plan de l’endettement, les députés proposent la reprise totale de la dette par la caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) (proposition n°1).
Concernant les évolutions structurelles, Stéphane Delautrette a affirmé son attachement au caractère paritaire pour la gouvernance de la CNRACL qui devrait toutefois faire l’objet d’une étude. Il recommande également une étude pour connaître le coût du risque invalidité et invite le gouvernement à mettre en œuvre le fonds d’usure professionnelle, préconisé par le rapport de Michel Hiriart, président de la Fédération nationale des centres de gestion. Stéphane Delautrette propose en outre l’instauration d’un compte pénibilité pour les agents.
Les solutions existent. Elles n’attendent plus qu’une mise en œuvre dans les prochains projets de loi de finances. Il serait temps : l’AMF avait appelé, dans un manifeste, à une remise à plat de l’ensemble du système de protection sociale (dont les retraites) à l’automne 2024.