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09/04/2025
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Municipales 2026 : pas de crise des vocations à un an du scrutin, selon le CEVIPOF

Interrogés en mars dernier, 42 % des maires se disent prêts à se représenter en mars prochain, 30 % sont indécis et 28 % indiquent qu'ils renoncent, selon les résultats d'une enquête présentée le 8 avril. Des chiffres relativement stables par rapport aux intentions manifestées par les élus sortants en 2019, qui ne révèlent pas une crise de l'engagement, selon le CEVIPOF.

Le taux de réengagement en 2026 est «conforme aux mandats précédents », note Martial Foucault, chercheur au CEVIPOF : « quelque 42 % des maires se déclarent prêts à se représenter » dans moins d'un an, ils étaient «48 % à cinq mois du scrutin » de 2020.
« Il n’y a pas de crise des vocations des maires » : telle est la conclusion de Martial Foucault, chercheur au CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po), à l’occasion de la présentation, le 8 avril, des résultats de l’enquête sur les intentions des maires sortants de se représenter aux prochaines élections municipales de 2026.

Le Centre a mené cette enquête, en partenariat notamment avec l’AMF*, auprès de 34 690 maires, entre le 3 et le 31 mars, et 5 266 d’entre eux ont répondu. 

Le taux de réengagement en 2026 est «conforme aux mandats précédents », note le CEVIPOF : «quelque 42 % des maires se déclarent prêts à se représenter » dans moins d’un an, ils étaient «48 % à cinq mois du scrutin » de 2020, souligne le Centre, en estimant que «la vitalité de la démocratie municipale n’est pas entamée malgré les difficultés rencontrées au cours du mandat actuel ».

A l’opposé, «28 % des maires sont fermement décidés à ne pas se représenter en 2026 », une proportion égale à celle observée lors de la précédente enquête menée en 2019. Enfin, «30 % » des répondants sont «indécis » contre «23 % en octobre 2019 ». 
 

Un niveau de réengagement semblable à celui de 2020

« Loin d’un renoncement généralisé, ces chiffres témoignent surtout d’un climat d’incertitude, accentué par les crises et l’évolution même du rôle du maire », analyse le CEVIPOF. (…) Certains maires gardent la foi quand d’autres, portés par un cumul de lassitude, de solitude, et d’un sentiment d’abandon face à une fonction de plus en plus complexe, se désengagent silencieusement ». 

Cependant, selon Martial Foucault, le nombre de maires sortants qui se portent candidats devrait progressivement tendre vers les 60 %, un niveau de réengagement semblable à celui de 2020. «En dépit des difficultés rencontrées lors du mandat qui s’achève, la volonté de servir prédomine chez les maires », souligne le chercheur.    

« C’est une bonne surprise, a réagi Guy Geoffroy, maire de Combs-la-Ville (77) et vice-président de l’AMF. On craignait un relâchement de l’engagement devant les difficultés mais les élus ont une très forte capacité de résilience », a-t-il souligné en demandant au gouvernement de soutenir cet engagement «notamment en améliorant les conditions d’exercice du mandat ».

« On se bat avec Françoise Gatel [ministre déléguée chargée de la Ruralité] pour faire inscrire le texte sur le statut de l’élu à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale fin mai-début juin », a assuré François Rebsamen, ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, lors de la présentation de l’enquête. 
 

La taille de la commune influe sur le choix…

Les résultats varient sensiblement selon la taille de la commune : plus elle est grande, plus l’intention de se réengager augmente. Si «70 % des maires de communes de plus de 9 000 habitants se déclarent prêts à se représenter », ils sont «seulement 37 % pour les communes de moins de 500 habitants ».

Le quotidien des maires des petites communes, «souvent éloigné des centres de décision, les confronte à des injonctions paradoxales : être à la fois gestionnaire, animateur de territoire, manager, employeur, interface avec l’État, et en présence constante pour les administrés », souligne Martial Foucault. 

Ce rapport de 1 à 2 entre grandes et petites communes se retrouve parmi les maires souhaitant abandonner l’an prochain : «13 % pour les grandes communes contre 30 % pour les moins peuplées ». Un écart significatif «révélateur de moyens inégaux, de charges administratives vécues comme écrasantes, mais aussi d’un isolement plus pesant dans les petites communes », souligne le CEVIPOF.
 

« L’ancienneté élective » et… le bonheur aussi

L’ancienneté dans le mandat pèse également dans le choix des élus : ainsi, «plus le nombre de mandats successifs exercés est élevé, plus le souhait de ne pas se représenter augmente », note Martial Foucault en imputant cette situation à une «fatigue » et à «une lassitude » des élus.

« L’âge critique se situe autour de 65 ans, période charnière entre le besoin de repos ou recul et la poursuite de l’engagement », estime le CEVIPOF alors que la moyenne d’âge des maires est de 60 ans. «Le réengagement se conjugue avec la jeunesse. Les «moins de 35 ans » sont trois fois plus nombreux à vouloir continuer que les «plus de 75 ans » », note le chercheur. 

L’enquête interroge aussi la «dimension subjective » pour sonder les intentions de réengagement. Dont il ressort que «plus les maires voient l’avenir avec confiance, plus leur envie de continuer est présente ». Le CEVIPOF, qui a interrogé les maires sur «le niveau de satisfaction de la vie menée », note que «les maires «heureux » sont presque trois plus nombreux à se déclarer être candidat que les maires «malheureux » ».  
 

Un signal d’alerte concernant les retraités

Si aujourd’hui, près d’un maire sur deux est retraité, «il n’est pas certain que la même sociologie se retrouvera en 2026 », prévient le CEVIPOF.

L’enquête montre que, parmi les maires retraités, «seuls 33 % se déclarent prêts à continuer contre 53 % pour les maires non-retraités ».

Pour Martial Foucault, «ce qui peut être perçu comme un futur signe de rajeunissement de la fonction interroge sur la capacité des citoyens actifs professionnellement à prendre le relais de l’engagement municipal », compte tenu des contraintes fortes liées à la conciliation d’une vie professionnelle et d’un mandat de maire, et alors que le texte prévoyant d’améliorer les conditions d’exercice du mandat, adopté par le Sénat en mars 2024, n’est toujours pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

« Le faible pourcentage de maires retraités à vouloir continuer apparaît comme un signal d’alerte », insiste le CEVIPOF. 
 

Les raisons du renoncement et de l’indécision

« Le manque de ressources financières (17%) et l’exigence trop forte des citoyens (15%) arrivent en tête des motifs avancés par les maires partagés entre le renoncement et l’indécision (58 % des répondants au total).

Le CEVIPOF pointe «un rendez-vous manqué entre la capacité d’agir des maires (…) et le cadre financier leur permettant d’agir », tandis que les violences accrues contre les élus ont renforcé la pression et le manque de reconnaissance ressenties par les élus. 

Cependant, note Martial Foucault, pour beaucoup de maires, «la décision de ne pas se représenter n’est pas nécessairement liée à de l’amertume ou de la rancœur. Elle témoigne tantôt d’une forme de lassitude, tantôt de l’envie de prendre du recul par rapport à une fonction chronophage qui laisse peu de repos et de tranquillité d’esprit », alors qu’en moyenne, «les maires déclarent 32 heures hebdomadaires dévolues à la fonction et 3 semaines de vacances par an ». 

Une enquête menée par Sciences Po et le CNRS, publiée en novembre dernier, révélait déjà la charge mentale et physique importante liée à une fonction jugée chronophage, complexe et stressante par les maires. 
 

Une volonté de servir que l’Etat doit soutenir

« Être utile », «faire œuvre d’intérêt général », «être un bon citoyen » sont les principaux ressorts de l’engagement et du réengagement manifesté par les maires interrogés, comme en a aussi témoigné la journée organisée sur ce thème, le 1er avril, par l’AMF. Le CEVIPOF estime du reste que «la forte confiance des Français à l’endroit de leur maire (…) depuis une quinzaine d’années est le socle de la vitalité démocratique locale ». 

Mais le gouvernement doit soutenir l’engagement des maires. François Rebsamen l’a bien compris. Hier, outre les assurances données sur l’inscription prochaine à l’ordre du jour du Parlement du texte sur le statut de l’élu, le ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation (et ancien maire de Dijon), a rappelé ses priorités : «soutenir financièrement les collectivités, simplifier la gestion des collectivités, faciliter la gouvernance locale, protéger les élus, veiller à l’assurabilité des communes ». Les élus attendent des actes.  

*Enquête réalisée par le CEVIPOF en partenariat avec le ministère de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, l’AMF, l’AMRF, Villes de France, l’APVF, Intercommunalités de France, France Urbaine, les délégations collectivités territoriales et décentralisation du Sénat et de l’Assemblée nationale.


 

Xavier Brivet
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