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03/02/2025
Administration générale Citoyenneté Numérique, réseaux sociaux Politique de la ville Service public

Rezé redéfinit son espace France services

La structure municipale est sursollicitée. Après une période de crise, la commune (43 000 habitants, Loire-Atlantique) en a revu l'organisation.

Dossiers complexes, personnel en burn-out, manque de moyens..., la maison des services reçoit désormais en partie sur rendez-vous.
En février 2024, la presse locale relayait les difficultés rencontrées par l’espace France services portée par la ville de Rezé, commune toute proche de Nantes, ouverte en 2022. Les faits rapportés sont alarmants : «personnel en burn-out », «cadence non tenue »…

La ville prend alors la décision de fermer le service pendant une semaine avant de rouvrir sur de nouvelles bases. «La France services a tout de suite dû faire face à une affluence très importante, plus de 1 000 personnes par mois pour quatre agents (2 agents France services, 1 agent d’accueil et 1 conseiller numérique), retrace Loïc Chusseau, premier adjoint au maire de Rezé chargé du pôle solidarités-inclusion. Ceci explique, notamment, du fait que c’est la seule France services du territoire Sud Loire, alors que le territoire Nord Loire en compte pas moins de trois ! Sans surprise, presque la moitié du public accueilli à Rezé est domicilié dans les communes voisines. Cette situation démontre qu’il y a quelque chose à revoir du côté des règles d’implantation des France services. »
 

Limitations des interventions

Située en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV du Château), la structure est massivement sollicitée par des personnes jeunes (44 % des usagers ont entre 25 et 47 ans), cumulant diverses problématiques sociales, dont un taux de chômage conséquent. Enfin, localisée dans le même bâtiment qu’un centre socio-culturel, la France services voyait en plus venir à elle le public de cette association. Avec de telles caractéristiques, Rezé vient illustrer les cas critiques soulignés dans le rapport de la Cour des comptes, publié le 4 septembre 2024, sur le programme France services. L’institution estime en effet que 15 à 20 % de ces espaces sont saturés et 3 à 4 % «sur-saturés », notamment dans les quartiers prioritaires.  

« Nous avons commencé par revoir les horaires : nous avons cessé d’ouvrir du mardi au samedi, comme le centre socioculturel, pour nous recaler sur le lundi-vendredi, ce qui permet aux agents d’être sur le même rythme que leurs collègues en mairie. Désormais, le public peut venir sur rendez-vous le matin, afin d’approfondir les requêtes plus complexes et de ralentir le flux continu, et en accès libre l’après-midi, précise l’élu. Toujours concernant les agents, l’équipe a été renouvelée même si nous avons des difficultés à recruter et devons faire appel à des contractuels. »

Une confirmation de ce que relève la Cour des comptes sur le taux de rotation du personnel des France services presque deux fois plus élevé que dans les collectivités locales. Au quotidien, les agents tentent, démarche complexe, de limiter leur intervention à leurs missions propres. «La vraie difficulté est bien là. Les accueils des services publics disparaissent, la France services devient le seul lieu ouvert. Et nos partenaires contractuels (Finances publiques, Allocations familiales, France Travail, Assurance retraite, Assurance maladie…) ne jouent pas le jeu en n’assurant pas assez de permanences », analyse Loïc Chusseau.

Et d’ajouter : «Nos agents sont aussi très sollicités sur des démarches qui relèvent de la préfecture. L’État devrait veiller à ce que les France services ne soient pas ainsi détournées de leur objet et abonder significativement la part de son subventionnement ».
 

Renforcer les moyens pour recruter

Le budget de la France services de Rezé est de 165 000 € (hors bâtiment et maintenance informatique), avec 100 000 € incombant à la ville et 40 000 € à l’État, auxquels s’ajoutent 25 000 € toujours de l’État, fléchés sur la prise en charge du poste de conseiller numérique. Pour soutenir ces structures en difficulté, la Cour des comptes préconise une subvention forfaitaire supplémentaire.

Malgré ces différents obstacles, l’élu reste optimiste sur l’avenir de la structure s’appuyant sur le constat que les habitants, qui ont participé au choix du nom – la Maison des services – et à son aménagement, se sont appropriés l’espace.
 

Déploiement et avenir des France Services
En 2024, on dénombre plus de 2 840 France services (antennes comprises) réparties sur le territoire, 100 % se situant à moins de 30 minutes de transport pour les usagers, selon l’État. Ces espaces sont portés par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Le gouvernement Attal avait affiché l’ambition d’atteindre 3 000 espaces France services d’ici à 2027.
Le coût du programme est évalué par la Cour des comptes à «environ 350 millions d'euros » pour 2024. L’État supporte en moyenne, selon les porteurs de projet, un tiers de ce coût. www.ccomptes.fr (rubrique «Publications »).

 

Par Sophie Le Gall
n°431 - FEVRIER 2025