Europe
28/11/2024
AMF Europe Finances

Fonds européens : révolution en vue pour leur gouvernance ?

Les propositions ne seront présentées qu'en 2025. Mais des documents internes à la Commission européenne font craindre une recentralisation totale de la gestion des fonds structurels.

Christophe Rouillon, co-président de la commission Europe de l'AMF, s'oppose à la gestion centralisée des aides européennes.
L’affaire a fait grand bruit à Bruxelles ces dernières semaines. Des documents de travail de la Commission européenne ont fuité dans la presse, qui laissent entrevoir la perspective d’un remaniement complet du futur budget pluriannuel de l’Union européenne.

Si ces idées dépassent le stade de la réflexion et se retrouvent dans les propositions que l’exécutif européen doit présenter en 2025, elles annoncent un bouleversement total de la gouvernance de la politique de cohésion et de la politique agricole commune (PAC) après 2027. Avec, comme mots d’ordre, recentralisation et conditionnalité. Et, en filigrane, l’invisibilisation des régions.

Ce ballon d’essai, qui émane de la direction générale du budget de la Commission européenne, signerait la fin des programmes opérationnels régionaux. Les fonds accolés à la politique de cohésion (dont le Feder et le Fonds social) et à la PAC seraient dépensés dans le cadre d’un seul plan national par État.
 

Le rôle des régions remis en cause ?

Chacun de ces plans, auxquels serait rattachée une seule enveloppe nationale, seraient déclinés en priorités sectorielles (transport, énergie, agriculture, social...). Les paiements seraient alors conditionnés à la mise en place de réformes et d’objectifs liés à chacune des priorités sectorielles. Bref, un modèle inspiré par la gouvernance du plan de relance post-Covid, dont les autorités locales et régionales ont, à de multiples reprises, dénoncé le caractère centralisé qui leur donne le sentiment d’être mises hors-jeu (lire ci-dessous).

Au Comité européen des régions (CdR), réuni en session plénière début octobre, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe. Elle va à l’encontre des déclarations de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui, devant le Parlement européen en juillet, soulignait le besoin d’une «politique de cohésion et de croissance renforcée, centrée sur les régions », et «conçue en partenariat avec les autorités nationales, régionales et locales ».

Les documents qui ont fuité annoncent une tout autre couleur.

Un plan national avec des chapitres de financement déclinés par secteur s’opposerait, en effet, à une approche territoriale. Et l’idée même du programme unique, pour chaque État, signifierait probablement qu’il n’y aurait plus de négociations directes entre la Commission et les régions, un des éléments clés de la gouvernance à plusieurs niveaux, craint-on au Comité européen des régions. Ce serait aussi la fin du rôle des régions en tant qu’autorités de gestion qui seraient rétrogradées au rang de simples bénéficiaires, au mieux d’« organes intermédiaires ».

À Bruxelles, le président du Comité européen des régions, n’y est pas allé par quatre chemins : «À partir d’aujourd’hui, j’appelle les régions et les villes d’Europe à se lever et à prendre position contre une proposition qui, si elle est vraie, implique que nous serons exclus, mis à l’écart, contournés », a exhorté Vasco Alves Cordeiro.

 

L’exemple du plan de relance européen
Pour rédiger ses idées sur la structure du futur budget européen, la direction générale du budget de la Commission européenne s’est clairement inspirée de la gouvernance du plan de relance européen et de son principal instrument : la Facilité pour la reprise et résilience (FRR). Celui-ci fonctionne sur la base de demandes de remboursement présentées par les États en fonction de l’atteinte de cibles et objectifs prédéfinis.
Un instrument dont la gestion centralisée «peut mettre en péril la cohésion économique, sociale et territoriale de l’Europe », alerte le Comité européen des régions dans un avis adopté le 8 octobre.
Rédigé par Christophe Rouillon, maire de Coulaines (72) et co-président de la commission Europe de l’AMF, cet avis rappelle le peu, voire l’absence d’implication des collectivités dans la mise en œuvre de cet instrument à 670 milliards d'euros (dont 40 milliards d'euros pour la France). Les États, dit-il, «ont souvent décidé seuls sans tenir compte des priorités locales ».
Ce fonctionnement va à l’encontre des préconisations de l’AMF dans sa contribution adressée, en octobre, aux eurodéputés, en faveur de la subsidiarité et de la reconnaissance du rôle des collectivités.

 

 

Par Isabelle Smets
n°428 - NOVEMBRE 2024