Si ces idées dépassent le stade de la réflexion et se retrouvent dans les propositions que l’exécutif européen doit présenter en 2025, elles annoncent un bouleversement total de la gouvernance de la politique de cohésion et de la politique agricole commune (PAC) après 2027. Avec, comme mots d’ordre, recentralisation et conditionnalité. Et, en filigrane, l’invisibilisation des régions.
Ce ballon d’essai, qui émane de la direction générale du budget de la Commission européenne, signerait la fin des programmes opérationnels régionaux. Les fonds accolés à la politique de cohésion (dont le Feder et le Fonds social) et à la PAC seraient dépensés dans le cadre d’un seul plan national par État.
Chacun de ces plans, auxquels serait rattachée une seule enveloppe nationale, seraient déclinés en priorités sectorielles (transport, énergie, agriculture, social...). Les paiements seraient alors conditionnés à la mise en place de réformes et d’objectifs liés à chacune des priorités sectorielles. Bref, un modèle inspiré par la gouvernance du plan de relance post-Covid, dont les autorités locales et régionales ont, à de multiples reprises, dénoncé le caractère centralisé qui leur donne le sentiment d’être mises hors-jeu (lire ci-dessous).
Au Comité européen des régions (CdR), réuni en session plénière début octobre, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe. Elle va à l’encontre des déclarations de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui, devant le Parlement européen en juillet, soulignait le besoin d’une «politique de cohésion et de croissance renforcée, centrée sur les régions », et «conçue en partenariat avec les autorités nationales, régionales et locales ».
Les documents qui ont fuité annoncent une tout autre couleur.
Un plan national avec des chapitres de financement déclinés par secteur s’opposerait, en effet, à une approche territoriale. Et l’idée même du programme unique, pour chaque État, signifierait probablement qu’il n’y aurait plus de négociations directes entre la Commission et les régions, un des éléments clés de la gouvernance à plusieurs niveaux, craint-on au Comité européen des régions. Ce serait aussi la fin du rôle des régions en tant qu’autorités de gestion qui seraient rétrogradées au rang de simples bénéficiaires, au mieux d’« organes intermédiaires ».
À Bruxelles, le président du Comité européen des régions, n’y est pas allé par quatre chemins : «À partir d’aujourd’hui, j’appelle les régions et les villes d’Europe à se lever et à prendre position contre une proposition qui, si elle est vraie, implique que nous serons exclus, mis à l’écart, contournés », a exhorté Vasco Alves Cordeiro.