Interco et territoires
28/11/2024
Intercommunalité Santé

Les Hautes-Alpes misent sur la prévention santé

Les communes et l'hôpital intercommunal de Gap débutent une expérience de « responsabilité populationnelle ».

Initiées en 2023, des réunions entre hospitaliers et libéraux sur l'insuffisance cardiaque permettent de proposer à la population cible un parcours de soins.
Rester en bonne santé et être acteur de sa santé. » Voilà l’objectif de la démarche dite de responsabilité populationnelle ou «respop » qui s’ouvre sur le territoire des Alpes du Sud. Cette  initiative, lancée il y a quelques années par quelques territoires pionniers (lire ci-dessous), a séduit le docteure Emmanuelle Sarlon, médecin de santé publique, présidente de la commission médicale d’établissement du Centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud (CHICAS) à Gap (41 935 habitants, Hautes-Alpes). Elle a convaincu ses collègues de rejoindre l’expérimentation en septembre 2023. «On doit transformer notre système de santé pour que chacun y retrouve sa place et du sens, sur le plan individuel et collectif », explique le médecin. La «respop » permet, selon elle, «de passer d’un système éclaté et coûteux à un système intégré et vertueux ».

Le projet est pragmatique. Les objectifs fixés sont restreints afin d’avancer lentement, mais plus sûrement. Les professionnels ont choisi de s’intéresser à une pathologie, l’insuffisance cardiaque, fort répandue localement. Le territoire ne compte qu’un cardiologue…

La force de l’expérimentation est «justement de rechercher un consensus et une organisation locale, qui tient compte des forces en présence comme des trous dans la raquette », explique le médecin. «On n’invente rien, on ne rajoute pas une couche, on s’appuie sur tout ce qui existe. On améliore la coordination, la bonne connaissance et l’articulation des acteurs locaux. »
 

Relais auprès de la population

C’est ce qui justifie le choix d’un territoire critique, suffisamment vaste. Les professionnels ont choisi d’aller des Hautes-Alpes jusqu’au nord des Alpes-de-Haute-Provence, un bassin de 150 000 à 200 000 habitants, au-delà du périmètre du groupement hospitalier de territoire.  

Dès le départ, la liaison a été faite entre les professionnels de santé hospitaliers et les libéraux, réunis dans les quatre communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) du Gapençais, du Büech Devoluy, du Briançonnais Écrins et du pôle santé Champsaur Valgaudemar. Tous sont parties prenantes depuis les premières réunions de présentation, en novembre 2022, et l’étape de définition du projet de santé, de septembre 2023 à juin 2024.

« De la personne à risque à celle atteinte d’insuffisance cardiaque, nous avons défini les actions pour chacune : depuis la lutte contre la sédentarisation, la malbouffe jusqu’au traitement de l’hypertension qui est l’un des facteurs de risque et qui est, en outre, commun à d’autres pathologies. C’est là où le système va vraiment devenir vertueux », expose le Dr Sarlon. Maintenant que la méthode a été posée, les communes vont plus directement entrer en scène.

L’expérimentation restait jusque-là un peu floue pour elles (hormis les élus impliqués par le biais du comité territorial de santé des Hautes-Alpes). Certaines collectivités ont déjà pu être indirectement concernées quand elles ont participé au renforcement des liens entre professionnels, comme pour la maison médicale de Sisteron, située dans les murs de l’hôpital.

Elles doivent aujourd’hui surtout devenir des relais auprès de la population. Gap, Briançon (10 875 hab., Hautes-Alpes) et Sisteron (7 944 hab., Alpes-de-Haute-Provence) ont déjà engagé leurs services dans des campagnes de dépistage, comme dans l’opération «Cœur des femmes » programmée en janvier 2025. Elles réfléchissent par ailleurs à des actions de prévention au quotidien via leurs écoles, cantines ou centres aérés.

 

La " respop " se déploie
D’inspiration québécoise, la responsabilité populationnelle ou «respop » implique tous les professionnels d’un même territoire pour améliorer la santé des habitants. Cinq territoires testent cette démarche lancée par la Fédération hospitalière de France en 2018.
Le nombre de personnes sensibilisées, dépistées ou suivies, a été multiplié par six, et parfois même par dix ! Un cadre et une méthodologie nationale ont été mis en place que chaque territoire peut décliner et adapter, avec le soutien des agences régionales de santé (ARS). L’ARS PACA finance ainsi, pour deux ans, le chargé de mission «respop » des Alpes du Sud, qui partage son temps entre l’hôpital et les CPTS.
En savoir + : lire notre article " Prévenir plutôt que guérir "

 

 

Par Emmanuelle Stroesser
n°428 - NOVEMBRE 2024