L'actu
26/11/2024
106e Congrès de l'AMF 2024 Environnement Finances

Transition écologique : le casse-tête du financement

Face à des besoins d'investissement qui ne cessent de grimper et à un recul important du soutien de l'Etat, des solutions existent et d'autres restent à mettre en place, a montré le forum organisé le 20 novembre. Dans un contexte très difficile, communes et EPCI doivent « faire bloc » grâce notamment aux fonds de concours.

Le forum "Finances intercommunales, coopérer avec les communes pour mieux agir au service de la transition écologique" s'est déroulé le 20 novembre 2024.
Pour financer les investissements des collectivités sur la transition écologique, il faudrait au moins 19 Md€ par an entre 2024 et 2030, soit 11 Md€ annuels supplémentaires, et cela aux deux tiers à la charge du bloc communal, selon I4CE (Institut de l’économie pour le climat). «C’est un mur d'investissements alors que nous avons déjà augmenté de plus de 40% nos efforts depuis 2017 », s’est alarmé Jean-François Vigier, maire de Bures-sur-Yvette (91) et coprésident de la commission Transition écologique de l’AMF, lors du forum organisé le 20 novembre qu’il coprésidait avec Stéphanie Guiraud-Chaumeil, maire d’Albi (81), présidente de la CA de l’Albigeois et coprésidente de la commission Intercommunalité de l’AMF. 
 

« Les contradictions de l’État »

L’urgence climatique concerne aussi son financement. D’autant plus dans le contexte de coupes drastiques pour les collectivités prévues dans le projet de loi de finances pour 2025. Le pire scénario au moment où les besoins d’investissement s’envolent. 

Pas question pour autant de baisser les bras. Telle aura été la tonalité du forum. «Plus que jamais, communes et intercommunalités doivent faire bloc, a insisté Stéphanie Guiraud-Chaumeil. Il faut faire des choix ensemble et accepter qu’il n’y aura plus forcément des équipements dans chaque commune ».  

Dénonçant un gouvernement pour qui «la transition écologique n’est pas une priorité alors que la France ne remplit pas les objectifs de l’accord de Paris de 2015, «même si les collectivités font le job au niveau local », Nicolas Mayer-Rossignol, maire et président de la métropole de Rouen (76), a pointé «la contradiction de l’Etat [qui] nous demande d’investir massivement sur la transition écologique mais, en même temps, de ne pas faire de déficit et de ne pas dépasser un certain taux d’endettement ». 
 

Évolution nécessaire des règles budgétaires et comptables

« Beaucoup de communes et d’EPCI ont déjà engagé des politiques vertueuses de transition écologique ». Guy Benarroche, sénateur des Bouches-du-Rhône et coauteurs d’un rapport sénatorial sur le sujet (novembre 2023), a voulu apporter une note d’optimisme. «Nous proposons une boite à outils pour toutes les collectivités. Ayant auditionné plus de 50 élus locaux, nous avons voulu être le porte-parole des réussites et des bonnes pratiques déjà menées ». Et de plaider pour «passer de la logique des pionniers à celle de la massification ». 

Parmi les 24 recommandations du rapport, le sénateur plaide pour faire évoluer les règles budgétaires et comptables afin de les rendre plus favorables à la transition écologique. Notamment pour alléger la section de fonctionnement des collectivités, isoler une dette «verte » ou tenir compte des «coûts évités ». «La création d’un réseau de chaleur va générer des économies importantes avec donc un retour sur l’investissement public, a illustré Nicolas Mayer-Rossignol. Il faut pouvoir en tenir compte ». 

Guy Benarroche souhaite aussi sortir les dépenses de transition écologique de l’encadrement des dépenses de fonctionnement ou faciliter les investissements à long terme. Partisan de la dette verte, il met en avant la capacité de désendettement du bloc communal. Un avis partagé par Jean-François Vigier pour qui «l’endettement sur une période plus longue répond aux enjeux climatiques et devrait bénéficier de taux plus bas ». Sur ce sujet, Stéphanie Guiraud-Chaumeil reste sceptique : «cela demeure de la dette qu’il faudra bien rembourser un jour ». 
 

L’accompagnement des fonds de concours

« L’AMF demande que la feuille de route de la transition écologique ne soit pas verticale et s’adapte à la diversité des territoires, a rappelé Jean-François Vigier. Il faut donc nous donner plus de liberté et de moyens ». Sur le même registre, la maire d’Albi a demandé plus de différenciation passant par «un contrat de confiance avec les préfets pour trouver des solutions locales qui correspondent à nos besoins ».

Au sein du bloc communal, l’outil des pactes financiers et fiscaux reste majeur. Marie Ducamin, maire de Saint-Jacques-de-la-Lande et vice-présidente aux finances de Rennes Métropole (35), a insisté sur le rôle clé de l’EPCI dans l’aide au financement et à l'ingénierie des projets portés par les communes. Son fonds de concours s’élève à 22,5 M€ sur trois ans (2024-2026), avec un bonus pour les projets écologiques. «171 projets communaux ont ainsi pu être soutenus entre 2019 et 2023 », a souligné l’élue. A cela s’ajoute une dotation de solidarité communautaire (DSC) généreuse de 36 M€ par an. « Ces deux dispositifs pèsent sur nos finances mais nous espérons que le contexte financier ne nous obligera pas à devoir les baisser », a souligné Marie Ducamin.

La métropole de Rouen (76) met aussi le paquet sur l’investissement avec les 48 M€ de son fonds de concours sur la période 2021-2025. «Le subventionnement passe de 25 à 50% pour les projets verts, a souligné Nicolas Mayer-Rossignol. La coopération intercommunale a un effet d’accélérateur. Face à l’urgence climatique, on ne peut plus se permettre les guéguerres communes/interco ».
 

Revoir la vidéo du forum " Finances intercommunales, coopérer avec les communes pour mieux agir au service de la transition écologique "

Philippe Pottiée-Sperry
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