À Annecy (74), face à l’inflation des prix des loyers et des «nuisances » (« les punaises de lit, le bruit… » ) liées à la concentration des meublés de tourisme, «les gens vont plus loin car ils ne peuvent plus se loger » à l’intérieur de la vieille ville, a déploré Sophie Garcia, conseillère municipale déléguée au logement abordable de la «Venise des Alpes » qui a remarqué aussi une certaine «déperdition de la notion de voisinage ».
« Il n’y a pas longtemps, on a frôlé le drame dans un immeuble avec une inondation géante parce qu’il n’y a plus qu’un habitant pour 12 logements… On a des arrêtés de péril qui augmentent, on a des défauts structurels avec des morceaux de façade qui peuvent tomber sur les gens », s’inquiète-t-elle.
À l'île d'Oléron (17), la situation est «catastrophique » avec «60 % à 70 % de résidences secondaires », a dénoncé Michel Parent, président de la communauté de communes de l'île qui a fait condamner Airbnb à lui verser 1,3 million d'euros pour n'avoir pas collecté la taxe de séjour. Dans ce contexte, «les collectivités ne peuvent pas recruter, les entreprises, les maisons de retraites, le service d’aide à domicile non plus… parce que l’on ne peut pas loger ».
« La situation est assez paradoxale », a confirmé Catherine Lhéritier, maire de Valloire-sur-Cisse (41), qui constate que «les locations saisonnières sont générées par une activité économique, le tourisme, mais finissent par être contre productives pour le territoire puisqu’elles entravent le développement économique : le territoire ne pouvant plus loger les gens qui y travaillent ». Dans son département, le Loir-et-Cher, «un tiers des opérateurs de tourisme n'arrive pas à recruter car elles ne peuvent pas loger leurs propres personnels ».
Pour tenter de lutter contre cette situation, les parlementaires ont donc adopté, au début du mois, un texte très attendu par les élus locaux qui accorde désormais des pouvoirs étendus aux maires et ampute la niche fiscale «Airbnb ». «C’est vraiment un outil qu’il nous manquait », s'est réjoui le maire de Vesoul (70) et co-président de la commission Tourisme de l’AMF, Alain Chrétien, qui estime qu’« il s’agit maintenant de se l’approprier, de le faire fonctionner ».
« Les outils existants étaient jusque-là défaillants » puisque «l’on se retrouvait avec des communes qui mettaient en place des quotas, de la compensation, des règles et qui se faisaient systématiquement attaquer et qui bien souvent perdaient à la fin », a rappelé le député Iñaki Echaniz (Pyrénées-Atlantiques), à l’origine du texte avec son homologue Annaïg Le Meur (Finistère).
Loin d’avoir érigé une loi «anti-Airbnb », l’élu basque assure que «le sujet n’est pas d’interdire, mais surtout de réguler pour ne pas en arriver à des situations comme à Barcelone ou à Lisbonne » qui va mettre en place un référendum pour interdire ces meublés de tourisme.
Sujet qui a fait «le plus parler » et sûrement le plus symbolique du texte : la niche fiscale. La fiscalité des meublés de tourisme non classés a finalement été alignée sur la location nue de longue durée avec un abattement qui est passé de 50 % à 30 % (avec un plafond à 15 000 euros).
Seuls les meublés de tourisme classés et les chambres d'hôtes y ont échappé et ont ainsi conservé un abattement plus avantageux de 50 % au lieu de 71 % (avec un plafond abaissé à 77 700 euros).
« Jusqu'à présent, on avait une fiscalité pousse-au-crime. On a corrigé tout ça, mais le travail n'est pas fini », a fait valoir Iñaki Echaniz, qui juge qu’il «faut augmenter l'abattement à 50 % pour les locations de longue durée pour les inciter » et «davantage cadrer » les meublés classés. «C’est trop facile de se classer aujourd’hui et il va y avoir un appel d’air », prévient l’élu basque.
Mais pour les maires, le plus important est qu’ils ont obtenu de nouveaux outils de régulation avec, dorénavant, la possibilité d'abaisser de 120 à 90 jours par an la durée maximale durant laquelle une résidence principale peut être louée en tant que meublé de tourisme.
Outre la possibilité de mettre en place des quotas de locations saisonnières, le «premier pilier » de cette boîte à outils reste la nouvelle autorisation visant à créer des zones réservées uniquement aux résidences principales (dans les communes situées en zones tendues ou possédant plus de 20 % de résidences secondaires).
« On a fait le choix de cranter à 20 % pour donner une existence à ce dispositif mais je fais le souhait que l’on puisse descendre à 15 %, 10 % et 0 % dans les mois ou les années à venir. Pour que les communes puissent dire un jour : “tout ce qui se construit sur mon territoire, c’est de la résidence principale” », a expliqué Iñaki Echaniz. Un dispositif à la main des maires «particulièrement intéressant » car il tient notamment compte de «la grande diversité des situations sur un territoire », s’est félicitée Catherine Lhéritier, qui estime que «c’est bien à l’échelle de la commune qu’il faut régler cette situation ».
Les propriétaires de meublés de tourisme devront, par ailleurs, se déclarer sur un téléservice qui entrera en fonctionnement à partir de 2026.
Pour «éviter l’évaporation du logement » à cause des propriétaires qui ne souhaitent pas rénover leurs biens en location classique, les meublés de tourisme devront, eux aussi, se soumettre à une obligation de DPE - comme les locations classiques -, mais seules les nouvelles locations saisonnières seront soumises au même calendrier d’interdiction de location, les autres ayant obtenu un délai. D'autres évolutions concernent aussi les copropriétés.
« Au gouvernement maintenant de signer les décrets d'application qui seront nécessaires pour que cette loi soit applicable (...) et qu’elle rentre dans le concret », a interpellé Alain Chrétien, alors qu’Iñaki Echaniz a plaidé pour la publication d’un décret définissant les gîtes ruraux afin de leur accorder une «fiscalité spécifique », pour qu’ils ne soient plus assimilés à des meublés de tourisme.
« Il faut qu’on rédige vite ces décrets d’application, mais aussi au plus juste de l’esprit du législateur », a assuré la ministre déléguée chargée de l’Économie du tourisme, Marina Ferrari. Celle-ci a, par ailleurs, indiqué vouloir «favoriser ou avantager la location nue ou de longue durée », travailler «rapidement » à la définition des gîtes ruraux dans le Code du tourisme et revoir le classement en «montant les critères notamment sur la sécurité et la qualité énergétique des biens ».
Elle souhaite aussi «mobiliser du parc pour le rénover à destination des saisonniers ou du logement permanent (...) en aidant les collectivités à s’engager dans la création de SEM et de foncières ». Elle propose, en outre, que les résidences gérées (de tourisme, étudiantes et seniors) ne soient «pas soumises à la réintégration des amortissements dans le calcul de la plus-value », à condition que le bien soit soumis à bail commercial, engagé sous neuf ans. L’objectif étant de les «préserver ».
Reste que pour enrayer la crise actuelle et résoudre la «question difficile » de l’accès au logement à l’année, il faudra certainement aller plus loin : «Cette loi est peut-être une introduction à d’autres textes qui permettront de favoriser ces logements à l’année ou accueillant les saisonniers », a estimé Thierry Repentin, maire de Chambéry (73) et co-président du groupe de travail Logement de l’AMF.
Retrouvez la vidéo du Forum " Le bon niveau de régulation des meublés de tourisme face à la crise du logement "