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25/11/2024
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Il va falloir " rendre acceptable " l'augmentation du prix de l'eau

Le « mur des investissements » et la raréfaction de la ressource en eau rendent inévitable une forte augmentation du prix de l'eau, qu'il va falloir faire accepter au contribuable comme au législateur : c'est l'une des principales conclusions du forum sur la gestion de l'eau, qui s'est tenu, le 19 novembre.

Le forum sur les enjeux de financement et de gouvernance de l'eau s'est tenu le 19 novembre 2024.
« L’adage de «l’eau paie l’eau » n’a plus de sens ! », a lancé, en ouverture du forum sur la gestion de l’eau, André Flajolet, maire de Saint-Venant (62) et président du comité de bassin Artois-Picardie. En effet, «l’eau est un patrimoine en danger », a-t-il ajouté, entre les 500 milliards d’euros nécessaires à la modernisation du réseau, le changement climatique qui pose le problème du partage d’une ressource en raréfaction, les pollutions croissantes et l’impératif besoin de lier le «petit cycle » de l’eau – la production et distribution de l’eau potable – et son «grand cycle » - le système des pluies et nappes phréatiques.

« Il faut se préparer à une augmentation des coûts de l’eau de 50 à 100 % dans les dix prochaines années », a prédit Régis Taisne, chef de projet Cycle de l’eau à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). D’autant plus qu’avec les efforts récents pour économiser l’eau, «moins de mètres cubes consommés signifie moins de financements : «L’eau paie l’eau »… et la biodiversité, et la GEMAPI, et le déficit de l’État… »

Des besoins de financements importants

En effet, la récente décision du gouvernement, une fois de plus, va dans le sens inverse des besoins en financement du secteur de l’eau, avec une énième ponction de 130 millions d’euros sur la trésorerie des agences de l’eau, prévue dans le projet de loi de finances pour 2025, pour renflouer les comptes de l’État.

À l’heure où il faudrait 6 à 7 milliards d’euros par an pour assurer la modernisation du réseau, dont le rendement moyen est de 80 % mais peut atteindre les 40 % dans certaines communes, «et avec la baisse de 60 % du Fonds vert, c’est un très mauvais signal pour le financement de l’eau », s’est inquiété Bertrand Hauchecorne, maire de Mareau-aux-Prés (45) et référent AMF sur les politiques de l’eau.

Car il existe un autre enjeu important : celui de la dépollution. Comme l’a fait remarquer un maire du Morbihan, Jean-François Marie, président de l’établissement public de bassin Eaux et Vilaine, «en quarante ans, on a perdu 27 % des captages en France pour cause de pollutions diffuses », notamment agricoles. Pour cet élu, «la seule solution pour accompagner nos agriculteurs est que les prélèvements du petit cycle de l’eau accompagnent le grand cycle ».

Un motif d’espoir, a fait remarquer André Flajolet, est que «depuis 2 ans, l’eau est en haut de l’agenda politique ». D’ailleurs, a renchéri Bertrand Hauchecorne, «il y a vingt ans, on n’aurait pas été aussi nombreux à un forum sur l’eau ».

Plus de solidarités entre territoires

Pour Joël Balandraud, vice-président de l’AMF et maire d’Évron (53), ce n’est pas forcément bon signe car l’eau est devenue «un sujet de conflit très dur sur les territoires » car «longtemps, on a eu trop d’eau, et on n’a jamais réfléchi à un rapport raisonnable au sujet », contrairement à des pays comme l’Espagne ou l’Italie, où elle manque depuis longtemps déjà.


Lui reste cependant pour la «liberté » dans l’organisation de sa gouvernance, selon les enjeux et les volontés des territoires concernés. Il a ainsi salué la proposition de loi votée au Sénat, le 17 octobre, qui a ôté le caractère obligatoire du transfert de la compétence eau et assainissement aux communautés de communes au 1er janvier 2026.

Mesure jugée «un peu populiste », au contraire, par Alain Matheron, président de la communauté de communes du Pays Diois qui, en zone de montagne, est confrontée au manque croissant de neige et donc de ressource en eau. Pour lui, il faut une solidarité supra-communale et même «au-delà » des intercommunalités, ce qui rend les ponctions sur les budgets départementaux et des agences de l’eau d’autant plus inquiétantes.

Comme l’a fait remarquer Régis Taisne de la FNCCR, la totalité des communes ayant été en rupture d’approvisionnement au cours des deux dernières années de sécheresse étaient des communes isolées, qui dépendaient de leurs propres forages et n’avaient pas d’interconnexions avec leurs voisines.Pour Dominique Peduzzi, maire de Fresse-sur-Moselle (88), avec la raréfaction de la ressource et l’augmentation des «tensions entre ceux qui ont de l’eau et ceux qui n’en ont pas », il va «falloir anticiper un partage sous contrainte et sous l’égide de la force publique ».

Liberté ou contrainte, le choix ne sera pas facile mais quoi qu’il arrive, «le changement climatique va continuer », a déclaré Bertrand Hauchecorne, et «il faudra de la clairvoyance pour bâtir à long terme ».
 

L’enjeu de la mutualisation
Le syndicat Noréade, qui s’étend sur trois départements dans le Nord de la France, regroupe près de 750 communes, représentées dans la gouvernance par un système de collège électoral qui leur donne une voix chacune afin d’élire 123 délégués. Huit centres de gestion permettent un contact de proximité avec tous les maires, avec des réunions annuelles où sont présentées, devant tous les élus (maires et conseillers municipaux), la stratégie du syndicat et l’augmentation des tarifs, de 10 % cette année, et «qui va continuer », a expliqué Danielle Mametz, maire de Boeseghem (59) et vice-présidente de la FNCCR. Le bon côté de la médaille est que la mutualisation des moyens a permis de construire un réseau d’interconnexion de 200 kilomètres et de «dégager plus de 100 millions d’euros par an pour l’investissement ».

 

Retrouvez la vidéo du forum " Gestion de l’eau : des enjeux  de financement et de gouvernance "

Emmanuel Guillemain d'Echon
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