L'actu
22/11/2024
106e Congrès de l'AMF 2024 Santé Vie locale

Santé mentale : l'action des élus empêchée par la crise de la psychiatrie

Engagés auprès de leurs administrés en souffrance, les élus se heurtent à la réalité de la prise en charge médicale.

Frédéric Chéreau, maire de Douai (59) et coprésident de la commission santé de l'AMF, le 20 novembre 2024, lors du forum consacré à la santé mentale.
Les élus locaux acteurs de la santé mentale ? Une évidence, comme l’a expliqué Frédéric Chéreau, maire de Douai (59), co-président de la commission Santé de l’AMF avec Claire Peigné, maire de Morancé (69), présidente de l’Association des maires du Rhône et métropole de Lyon : «nous les maires avons compris, depuis la crise du Covid, que nous nous occupons de santé sans forcément nous en rendre compte et que nous sommes légitimes à traiter cette question », a-t-il souligné lors du forum “Quand la santé mentale se dégrade, comprendre pour agir“, qui s’est tenu le 20 novembre. 
 

Développement des conseils locaux de santé mentale

Parmi les dispositifs à leur disposition pour agir en situation de crise comme en prévention auprès de l’ensemble de la population, les élus sont nombreux à plébisciter les conseils locaux de santé mentale (CLSM, créés par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé), un outil de coordination et de définition de politiques locales. A titre d’exemple, Gilles Gascon, maire de Saint-Priest (69), a présenté son initiative locale de CLSM renforcé, prise après plusieurs crimes «traumatisants » commis sur sa commune sur fond de maladies psychiatriques, un groupe ressources qu’il peut mobiliser en quelques heures en cas de situation de crise.

Daniel Fasquelle, maire du Touquet-Paris-Plage (62), membre du groupe d’experts nommés en octobre dernier par le Premier ministre dans le cadre de la Grande cause nationale 2025 dédiée à la santé mentale, a fait un tour d’horizon des autres leviers d’action des élus, qu’il s’agisse de la facilitation du repérage des personnes vulnérables ou de l’amélioration du cadre de vie, en commençant par le logement. Il a demandé une simplification des dispositifs », qui s’empilent sans fléchage efficient. Un avis partagé par Etienne Pot, médecin de santé publique et délégué interministériel à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement (TND), grand témoin du forum, qui a suggéré de confier aux professionnels impliqués cette simplification.

Daniel Fasquelle a aussi plaidé pour que l’état de la santé mentale des élus et des fonctionnaires territoriaux, «un angle mort », soit davantage prise en compte.  
 

Simplification et attractivité

Les élus et l’ensemble des acteurs en santé mentale se heurtent à deux difficultés distinctes impactant la prise en charge des personnes en souffrance. D’une part, l’empilage des dispositifs, comme l’a souligné le grand témoin du forum, Etienne Pot, médecin de santé publique et délégué interministériel à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement (TND). D’autre part, la crise de la psychiatrie. Le manque de places à l’hôpital comme dans les structures spécialisées du médico-social étant à mettre en rapport avec le manque de psychiatres et la faible attractivité de la filière. 

Antoine Pelissolo, premier adjoint au maire de Créteil (94), psychiatre, chef de service au CHU Henri-Mondor (Créteil), a détaillé les conséquence concrètes de cette crise : des patients, parfois dangereux pour eux-mêmes et pour les autres, qui ne sont pas hospitalisés par manque de lits. Et des patients stabilisés qui restent des mois, voire des années à l’hôpital, faute de places dans des structures de suite du médico-social. Le psychiatre et élu a demandé la création d’unités mobiles pour aller au-devant de la population et ainsi soulager les urgences psychiatriques, et la création d’unités pour malades difficiles (UMD) qui ne sont actuellement qu’au nombre de 10 pour toute la France métropolitaine (530 places). 

La ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, Geneviève Darrieussecq, qui a conclu ce forum, a déclaré comprendre la plainte des élus concernant le manque de psychiatres et de pédopsychiatres et a exprimé le souhait de rendre cette filière médicale plus attractive, en commençant par diversifier les stages les étudiants en formation. Elle veut aussi développer les postes d’infirmier en pratique avancée (IPA) en psychiatrie et santé mentale.

Geneviève Darrieussecq,
ministre de la Santé et de l’Accès aux soins  

" Les élus ont un rôle majeur "
« Vous, élus locaux, pouvez avoir un rôle majeur. Je crois beaucoup aux interactions sociales, partout, en EHPAD comme auprès des jeunes. Aujourd’hui, chacun seul devant son écran. Vous avez des actions à produire et des messages à faire passer. Nous sommes dans une société du soin et nous devons arriver à une société de la prévention.
Pour avancer, il faut faire de la santé un sujet d’aménagement du territoire. Quand on élabore un plan local d’urbanisme (PLU), on pense mobilité, commerces…
Pensons aussi à inclure la structuration de la santé, qu’elle soit préventive ou en termes de lieux de soin. A l’échelle nationale, nous allons aborder la Grande cause 2025 dédiée à la santé mentale, cela nous donne une grande responsabilité à porter en interministériel ».                                                


Revoir la vidéo " Quand la santé mentale se dégrade, comprendre pour agir "

Sophie Le Gall
n°429 - DECEMBRE 2024