L'ADSL va définitivement disparaître en France d'ici à 2030 avec la fermeture du réseau cuivre opérée par l’opérateur historique Orange. La fibre va devenir la nouvelle infrastructure de référence et devrait couvrir l’entièreté du territoire d’ci à 2025, dans le cadre du Plan France très haut débit. Si le chantier avance, tout ne se passe pas toujours comme prévu dans les territoires et il reste beaucoup à faire afin de ne laisser personne sur le bord de la route. «Neuf locaux sur dix en France, aujourd’hui, peuvent avoir la fibre, a souligné Ghislain Heude, directeur «Fibre, infrastructures et territoires » de l’Arcep. Et évidemment, ce qui reste à faire à la fin est plus difficile ».
Il y a d’abord les retards de déploiement. Un adjoint au maire de Saint-Etienne (42) a rapporté que dans certains hameaux autour de la métropole, la fibre est attendue depuis quatre ans : «Pour nous élus, c’est inacceptable. On ne peut pas dire d’un côté «le cuivre va claquer» et, de l’autre, «la fibre va arriver ». Dans les territoires d’Outre-mer, notamment à Mayotte, les retards sont encore plus lourds. Hadel Laou Madi, directeur général des services de la commune de Bouéni, indique que la fibre est déployée «à moins de 10 % » sur l’île.
Autre sujet d’inquiétude pour les maires : les raccordements complexes en zone privée. Des travaux sont en effet parfois nécessaires chez les particuliers et ils peuvent être particulièrement coûteux. Les opérateurs ne souhaitent pas les prendre en charge. Les citoyens n’ont d’autre choix que de payer ces travaux ou de renoncer à avoir une connexion.
Si la solution des technologies alternatives a été soulevée par le secrétaire général d’Orange, Nicolas Guérin, passer par satellite ou par un abonnement mobile n’est pas une solution acceptable pour les maires. Pour Frédérique Charpenel, maire de Soustons (40), ce sont «des réponses que nous ne pouvons pas donner aux citoyens ». Michel Sauvade a rappelé que le 100% fibre est l’objectif souhaité par l’AMF et les autres associations d’élus : «Ça n’est pas négociable ».
Avec la fermeture du réseau ADSL, les élus «héritent » de la lourde tâche d’expliquer aux administrés que la fibre sera le nouveau réseau de demain, et qu’il faudra l’adopter avant que le réseau cuivre ne soit fermé. «On ne peut pas tout faire », a estimé Frédérique Charpenel. «La communication il n’y a que le maire qui la fait aujourd’hui, déplore Daniel Valéro, maire de Genas (69). Résultat : les administrés pensent que ce sont les maires qui sont à l’initiative de l’arrêt du cuivre. Cette absence de communication, pour un maire est très difficile à vivre. »
Sur cette question, l’État et les opérateurs se renvoient la balle. Alors que l’AMF demande, depuis plusieurs années, qu’une communication neutre soit mise en place, le gouvernement, représenté par le ministre délégué à l’Industrie, Marc Ferracci, estime avoir déjà fait sa part et «passe le bébé aux opérateurs ».
Du côté d’InfraNum- fédération qui représente l’ensemble de la filière avec les opérateurs, constructeurs intégrateurs, équipementiers, etc. –, on ne souhaite pas laisser les choses telles qu'elles sont. Son président, Philippe le Grand, explique à Maire info que les acteurs espéraient que cette communication prenne la même dimension que celle qui avait existé pour la TNT. «Malheureusement ce n’est pas le cas, alors la filière a décidé de s’organiser pour réaliser cette communication grand public qui débutera à partir de l’année prochaine ».
Malgré les inquiétudes des maires, la remise en question du côté de l’État ne semble pas être à l’agenda en ce qui concerne le déploiement de la fibre. «On peut s’appuyer sur la méthode c’est-à-dire sur le triptyque qui lie l’État, les collectivités et les opérateurs, a indiqué le ministre Marc Ferracci. L’État a beaucoup investi sur le plan réglementaire et budgétaire. On ne doit pas remettre en question une méthode qui a fonctionné. »
Un paramètre a cependant changé depuis le lancement du plan France très haut débit en 2013, et les maires l’ont bien remarqué. L’objectif du 100 % fibre s’est, petit à petit, métamorphosé en un objectif de raccordements à la demande. Le ministre parle «d’une logique de 100 % de ceux qui le souhaitent ». Si on ne peut pas forcer la main aux concitoyens, il ne faudrait pas que ces derniers se retrouvent sans solution une fois que l’ADSL aura complètement disparu. Car le réseau cuivre, aujourd'hui, fournit la télévision et le téléphone fixe et les maires remarquent que c'est une information qui n'est pas claire pour tout le monde.
Le ministre délégué à l’Industrie a évoqué l’enveloppe de 16 millions d'euros prévue dans le projet de loi de finances pour 2025 pour les raccordements à la fibre complexes sur la partie privative du réseau. Cette aide sera expérimentée dans les communes ayant entamé l'arrêt du cuivre sur demande, et à destination des foyers modestes.
Aucun financement supplémentaire n’est prévu du côté de l’État, au contraire. L’Etat prévoit l’an prochain de réduire de quasiment la moitié les crédits alloués au plan France très haut débit. Les territoires d’Outre-mer vont être les premiers impactés par ces coupes budgétaires. A Mayotte, la subvention de l’État passera de 50 à 13 millions d’euros. Si le ministre a invité les acteurs à «faire le dernier kilomètre ensemble », les associations d’élus veilleront à ce que ces décisions politiques ne mènent pas à une aggravation de la fracture numérique entre les territoires.
Revoir la vidéo " Achever la couverture numérique du territoire, encore un effort ! "