Ce budget, établi en quinze jours, n’est pas «parfait, il comporte des injustices ». Des amendements viendront le modifier, sans doute à la marge. Sur le caneva général du projet de loi de finances 2025, en revanche, Michel Barnier est resté ferme, même s’il reconnaît «ne pas être choqué » par la résolution de l’AMF.
Le Premier ministre, ancien élu local, national et européen, souhaite «rétablir la confiance » avec les collectivités. C’est tout le sens de son ministère du «Partenariat avec les territoires », emmené par Catherine Vautrin et composé d’élus et d’anciens élus locaux. «Les mots ont un sens », a-t-il souligné.
Sur le dérapage budgétaire des comptes publics, «il n’est pas juste de montrer du doigt les collectivités. Ce n’est pas vrai, a-t-il clairement dit aux maires. A l’Etat d’assumer sa responsabilité du déficit. Il prend sa part avec plus de 20 milliards d’économies à réaliser ». Mais les collectivités contribueront tout de même… Seules concessions : sur le FCTVA est supprimé l’effet rétroactif de la mesure contributive «pour préserver l’investissement » et parce que les dépenses ont déjà été engagées par les collectivités ; sur le fonds de contribution des plus grandes collectivités, «les sommes prélevées seront redistribuées ! Elles ne serviront pas à la péréquation» ; et la hausse du taux de cotisation employeurs à la CNRACL sera lissée sur quatre ans au lieu de trois. Objectif : revenir à 3% de déficit en 2029.
Cependant, Michel Barnier a «entendu » les maires. Aussi, il va leur accorder davantage de liberté pour agir. Sa volonté est d’en finir avec les lois bavardes et les surtranspositions des normes européennes. Les administrations ne pourront désormais que proposer des lois d’orientation ou des lois-cadres. Une circulaire doit être publiée en ce sens avant la fin de l’année.
Le Conseil national d’évaluation des normes doit devenir un organe de vérification. Les études d’impact des projets de loi devront comporter un volet collectivités. Un chantier d’évaluation et de simplification du stock de normes doit être lancé. Les élus locaux pourront ainsi interpréter eux-mêmes les normes pour atteindre les objectifs fixés par les lois. Michel Barnier a promis de revenir l’an prochain faire le bilan de ces dispositions s’il est invité et… toujours en poste.
Il a confirmé l’arrêt du transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement, sans préciser le calendrier, puisque ce changement doit être entériné par une loi. En matière de zéro artificialisation nette, le gouvernement s’appuiera sur la proposition de loi déjà déposée le 7 novembre par les sénateurs Jean-Baptiste Blanc (Vaucluse) et Guislain Cambier (Nord). Et «nous ferons tout ce qui est possible de faire par voie réglementaire », a assuré le Premier ministre. Il ne devrait plus y avoir de date couperet, seulement des rendez-vous de vérification du respect de la trajectoire vers l’objectif de 2050. Les jardins pavillonnaires ne seront, par exemple, plus comptabilisés comme terrains artificialisés, ce qui permettra de débloquer les projets de construction de logements. Effectivité de la réforme dans le courant du premier semestre 2025. Côté gestion des risques, le chef du gouvernement mise sur les actions de prévention via notamment la tenue d’exercices réguliers. Et a assuré traiter le problème d’assurabilité des collectivités. Sur la sécurité du quotidien, le gouvernement a relancé, au Congrès des maires, le Beauvau des polices municipales (nous y reviendrons ces prochains jours). «Les maires seront associés » aux plans départementaux qui seront présentés en janvier.
Le troisième corpus d’annonces a porté sur la vie quotidienne des maires qui doit être facilitée. «Un statut de l’élu local en bonne et due forme » intégrera le Code général des collectivités territoriales. La proposition de loi Gatel, votée par le Sénat, sera examinée à l’Assemblée nationale en février. Elle reprendra des dispositions de la proposition de loi Violette Spillebout (Nord) et Stéphane Delautrette (Haute-Vienne), déposée le 17 septembre dernier. Michel Barnier a également ouvert la porte à un retour du cumul des mandats de maire/parlementaire, ce qui a réjoui lés élus. Il s’est également dit prêt à faire évoluer la taille des conseils municipaux et à permettre l'extension du scrutin de liste paritaire dans les communes de moins de 1000 habitants.
Le chef du gouvernement a par ailleurs indiqué avoir lancé «France simplification » dès son arrivée à Matignon dont la mission est de débloquer des projets locaux. 50 en auraient déjà bénéficié : œnotourisme à Cognac, autoconsommation sur l’ile d’Oléron, etc. Il a appelé les élus à faire remonter leurs projets bloqués à leur préfet.
Le pouvoir de dérogation des préfets doit être accentué. Ils pourraient déroger à des lois sans qu’il faille repasser par une nouvelle loi pour y arriver. Par ailleurs un prochain décret doit redonner le pouvoir aux préfets de départementaux de mieux coordonner les services de l’Etat déconcentrés.
Les dotations de soutien aux collectivités doivent être fusionnées et les élus n’auraient plus qu’un seul dossier à déposer pour faire leur demande. Les calendriers seraient harmonisés et un guichet unique pour les projets mis en place. La DETR pour les petits villages serait sanctuarisée.
« Vous n’êtes pas des sous-traitants de l’Etat, a redit Michel Barnier aux maires. Vous êtes des partenaires ! » Ne reste plus qu’à passer de la parole aux actes.
Lors d’un point presse tenu à l’issue de l’intervention du Premier ministre, David Lisnard s’est réjoui des intentions affichées par le Premier ministre. «Il faut maintenant confirmer par des actes, a souligné le président de l’AMF. Sur le plan financier et budgétaire, on n’a pas entendu d’éléments précis. Nous attendons des mesures concrètes qui sortiront de la discussion budgétaire en cours au Sénat [qui examinera le projet de loi de finances pour 2025 en séance à partir du 25 novembre]. Nous avons bien conscience que le Premier ministre marche sur des œufs parlementaires ».
Le maire de Cannes (06) maintient la pression en demandant au chef du gouvernement «de ne pas amputer la capacité d’investissement des collectivités sinon il s’agira de mesures récessives ». L’assouplissement futur des modalités d’application du ZAN, annoncée par Michel Barnier, «satisfait les maires car la lutte contre l’artificialisation des sols doit tenir compte des projets locaux ».