« Tout démarre par un appel de conservateur de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC). C’est l’été 2020 et je travaille – je suis agriculteur. En vue d’une exposition, il aimerait voir un de nos tableaux d’église. Il s’agit pour nous d’une copie XIXe d’un tableau plus renommé, de Botticelli (XVIe), qui est à Florence. Mon interlocuteur l’a repéré dans une base de données.
Trois semaines plus tard, il vient avec un collègue et ils voient le tableau. “ Ne le raccrochez pas, nous sommes là dans huit jours. ” Ils reviennent, trouvent un sceau au dos du tableau.
Ils repartent et, un mois plus tard, je suis rappelé.
“ M. le maire, ce n’est pas une copie, c’est un calque du tableau de Botticelli, peint par ses élèves. ” Le tableau a des parties peintes par le maître lui-même. En plus, il a un équivalent à Birmingham. Un tel tableau dans une pauvre commune de Beauce, je partage sitôt mon étonnement avec le conseil municipal ! »
« Nous sommes en septembre 2020. Il y a la perspective de l’exposition, à Paris, un an plus tard, et en plein Covid-19, les décisions sont plus rapides. Par ailleurs, nombre d’initiatives ont été annulées et les acteurs de la culture ont pas mal de crédits inutilisés. Le tableau – La Vierge à l’enfant - est emporté, avec notre aval, et restauré sans que nous dépensions un euro. Il est classé au titre des Monuments historiques en juin 2021.
Je me sens en confiance, mes interlocuteurs – locaux et franciliens - l’aiment autant que nous. Ma secrétaire de mairie va le voir dans l’atelier de restauration, à Versailles (78). Quand il est accroché, le 10 septembre, au musée Jacquemart-André, le rendu est splendide. Un cartel dit sa provenance. Quelle fierté ! Avec le conseil municipal, nous montons visiter l’exposition. Je ne m’y connais pas en art mais j’y prends goût ! »
« Aujourd’hui, le tableau est revenu à l’église. Après l’exposition en janvier 2021, nous l’avons prêté au musée d’Écouen (95). Cela nous a donné le temps de débattre : doit-il revenir ? Ne serait-il pas mieux dans un musée ? Nous choisissons de le rapatrier : la culture, ce n’est pas que pour les citadins. En 2023, nous installons la vidéosurveillance et une vitrine sécurisée dans l’église.
Le tableau revient en juillet, inauguré en septembre. Depuis, pas une semaine sans une demande de visite ! Un élu ou un bénévole sert de guide. Cela nous ravit. Les visiteurs découvrent au passage notre cité ouvrière agricole ou le musée dans notre mairie. À la rentrée, le château de Chambord nous empruntera le tableau pour deux ans. Je cherche maintenant des fonds pour en faire une copie, afin que la vitrine d’église ne reste pas vide lors du prêt. »