Si les élus partagent la nécessité de préserver l’objectif de sobriété foncière fixé par le législateur (-50% d’artificialisation d’ici à 2021 et un solde nul en 2050), ils veulent unanimement une remise à plat de la méthode, voire du calendrier de cette réforme, tout en demandant à l’Etat de mieux les accompagner dans son application, en ingénierie et en financement, a rappelé Sylvain Robert, maire de lens (62) et co-président de la Commission aménagement de l’AMF.
Les impensés de la réforme
« Nous devons faire de la haute couture [foncière], il faut desserrer le cadre règlementaire et le calendrier », a résumé Véronique Pouzadoux, maire de Gannat (03) et co-présidente de la Commission aménagement de l’AMF. «L’instabilité législative et règlementaire fixant le cadre du ZAN a beaucoup perturbé les élus dans leur travail de planification foncière, a déploré Laurence Rouède, vice-présidente du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine. Et le législateur n’a pas mesuré l’impact du ZAN sur les projets de réindustrialisation, la production de logements, le développement des énergies renouvelables (ENR), autant d’impensés qui rendent la réforme difficilement applicable ».
Car les élus doivent parfois concilier l’inconciliable : le développent de leur commune et la sobriété foncière. «Nous avons été pris en traitre par le législateur, a pour sa part estimé un maire, lors de la séance de questions-réponses. La loi est arrivée dans le dos des élus et son effet rétroactif [la période de référence pour caler le ZAN est l’année 2021] les a pris de court. Ils se retrouvent mis devant le fait accompli. Il faut modifier cela ».
Un autre «impensé » de la réforme a été négligé : «l’atterrissage du ZAN qui va conduire le maire à annoncer au propriétaire d’un terrain sa perte de valeur après l’avoir rendu inconstructible ou à refuser un permis de construire », a souligné Françoise Rossignol, maire de Dainville (62). Autrement dit, sa surexposition au mécontentement des administrés et, potentiellement, la judiciarisation du ZAN lié à des recours contentieux.
Privilégier la «mise en compatibilité » à la «mise en conformité »
Les élus dénoncent aussi une loi «mathématique et comptable » assortie d’une application «descendante » qui s’impose aux communes sans tenir compte des réalités locales, mais aussi sans accompagnement de l’Etat. «La loi ZAN n’est pas mise en œuvre par les maires mais par les régions via leur sraddet », a déploré Jean-François Vigier, maire de Bures-sur-Yvette (91). «Il faut avoir un objectif théorique que l’Etat porte à la connaissance des élus et que les maires mettent en œuvre les actions pour l’atteindre, en toute liberté et en responsabilité, estime Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse (01), qui a rappelé les propositions formulées par l’AMF en sens. Il faut sortir de la mise en conformité et privilégier la mise en compatibilité ».
Le financement de la réforme et l’adaptation de la fiscalité au ZAN restent aussi à déterminer dans un contexte où la réforme renchérit d’ores et déjà la valeur du foncier. Là encore, l’AMF a formulé une vingtaine de propositions sur le sujet.
Une proposition de loi au Sénat
Le Sénat, qui avait déjà pris l’initiative d’une première loi correctrice du ZAN en 2023, a remis l’ouvrage sur le métier. Devant les maires, Jean-Baptiste Blanc, sénateur du Vaucluse, et Guislain Cambier, sénateur du Nord, ont rappelé les principales dispositions de leur proposition de loi «visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux », déposée le 7 novembre (lire Maire info du 15/11). Et notamment l’abrogation de l'objectif intermédiaire de 2031 qui prévoit de diviser par deux le rythme d'artificialisation. «Ce n’est pas grave si les élus n’ont pas rempli cet objectif en 2031 s’ils ont de bonnes raisons. L’essentiel est de garder le cap de la sobriété en tenant compte des contraintes locales », a souligné Jean-Baptiste Blanc.
Cette modification de l’objectif intermédiaire, qui reste suspendue à l’adoption du texte, n’emporte pas l’adhésion du gouvernement. «Je pense qu’il faut garder un bilan à dix ans sinon les choses resteront floues d’ici à 2050 », a estimé Catherine Vautrin, ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, en rappelant qu’« en vingt ans, la consommation foncière a augmenté quatre fois plus vite que l’évolution démographique. Il faut donc maîtriser cette tendance ».
En revanche, elle est favorable à des évolutions législatives et règlementaires, sans préciser à ce stade si elles passeront par une proposition de loi ou un projet de loi. Elle a semblé notamment ouverte sur une modification de la période de référence, fixée actuellement à 2021, pour caler les objectifs intermédiaires de réduction foncière : «nous pourrions envisager 2024-2034 ou 2025-2035 », a-t-elle indiqué. La ministre n’exclut pas non plus de «sortir les grands projets nationaux de la comptabilisation du ZAN à l’échelle locale, ce qui rendrait du foncier aux collectivités ».
Catherine Vautrin envisage également d’augmenter le fonds dédié à la réhabilitation des friches pour soutenir les projets des élus locaux. «Le gouvernement est d’accord pour assouplir le cadre mais en tenant l’objectif de sobriété foncière », a résumé la ministre. Les bonnes volontés en tout cas ne manque pas pour améliorer les modalités d’application du ZAN. Ainsi, Constance de Pélichy, députée de Loir-et-Cher, a annoncé le lancement, par l’Assemblée nationale, d’une mission d’information sur le sujet. «Notre idée n’est pas de concurrencer le Sénat mais d’apporter notre contribution pour améliorer la réforme », a-t-elle assuré.