Les communes sont le premier recours et, souvent, le dernier espoir de nos concitoyens face à un État distant et déliquescent. Les maires incarnent la proximité face à des administrations déshumanisées. La mairie est le dernier guichet auquel s’adressent les habitants pour résoudre leurs problèmes, quand ils ont épuisé leurs démarches ailleurs, à tous les âges de la vie.
Alors oui, heureusement que la France peut compter sur cette extraordinaire «armée de campagne » que constituent les 498 000 élus locaux, ces «petites mains » de la République qui se consacrent à leur commune et à leurs concitoyens.
La commune est un amortisseur social, avec le département. Depuis 2020 particulièrement, les élus et les agents municipaux ont aidé l’État et leurs administrés à faire face aux multiples crises sanitaires, économiques, sociales, écologiques.
L’État est freiné par une haute administration dont les agents ont l’impression d’être les sachants. Les principes constitutionnels de libre administration et d’autonomie financière et fiscale ne sont pas respectés. L’exécutif a nationalisé la fiscalité locale – suppression de la taxe d’habitation, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) –, imposé aux collectivités une baisse de leurs dotations. Aujourd’hui, il remet quasiment en cause leur liberté d’investir en pointant leur besoin de financement qui aggraverait le déficit des comptes publics ! Une fable !
Depuis des mois, ils n’avaient plus d’interlocuteur. Ils sont confrontés à une série d’incertitudes sur le montant des dotations de l’État, sur celui de ses subventions d’investissement et d’équipement, sur la compensation des suppressions de fiscalité locale. Comment construire un budget municipal dans ces conditions ? Le maire est actuellement comme un commandant de bord qui aurait perdu ses instruments de navigation…
Parce qu’elles représentent 70 % de l’investissement civil public dont la moitié pour le bloc communal. Elles sont donc essentielles pour la relance de l’activité et la croissance dans tous les secteurs d’activités. Encore faut-il que l’État ne se désengage pas comme il le fait, par exemple, s’agissant du fonds vert : ce dernier, essentiel pour soutenir les investissements colossaux que les collectivités doivent engager dans la transition écologique, serait amputé de 60 %, soit 1,5 milliard d’euros cette année ! Le zéro artificialisation nette (ZAN), imposé aux élus, est aussi un frein au développement économique. Il est urgent d’assouplir son application comme l’AMF le demande. Car les maires n’ont déjà plus de retour fiscal sur leurs efforts pour accueillir les entreprises. Avec le ZAN, c’est la double lame !
Si l’État n’augmente pas urgemment les capacités de financement des collectivités, nous risquons une récession qui commence dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Il peut encore le faire pour 2025. Les maires ont plein de projets, ils imaginent l’évolution de leur commune à dix ans. Aujourd’hui, ils ne sont pas capables de l’imaginer à six mois ! Cela risque de freiner beaucoup d’initiatives. Il faut soutenir leurs efforts car la relance repose sur eux.
L’État doit arrêter les injonctions contradictoires : demander aux collectivités de maîtriser leurs dépenses tout en leur en infligeant de nouvelles – la hausse du point d’indice, la création du service public de la petite enfance, le plan crèches, la rénovation du bâti scolaire… – et tout en leur demandant d’investir. Dans ma commune d’Issoudun, j’ai ouvert 18 nouvelles places en crèches et créé 7 emplois : suis-je un mauvais maire car j’engage une telle dépense ? Faut-il que je renonce pour être un bon maire ?
L’AMF demande une indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation. Cette dotation est de l’argent que l’État doit aux collectivités. Elle ne doit plus baisser en euros constants. L’exécutif doit aussi augmenter les crédits de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et ceux de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) qui pourraient être regroupées en une seule dotation avec les règles applicables à la DETR. Au chapitre fiscal, nous devons collectivement réfléchir à la création d’un nouvel impôt local. L’AMF propose la création d’une contribution territoriale universelle.
« Le pessimisme de l’intelligence oblige à l’optimisme de l’action », a dit le philosophe italien Antonio Gramsci… Il n’y a pas d’obstacle que l’on ne puisse franchir. Il est urgent de rendre une part du pouvoir aux citoyens et aux élus qui les représentent.
L’AMF a fait de multiples propositions pour approfondir les libertés locales à partir d’un principe simple : la subsidiarité. Cela suppose de la confiance entre l’exécutif et les collectivités. Ces dernières années, au mieux, l’État nous a écoutés mais il ne nous a pas entendus.
Les maires ont pourtant montré leur rôle essentiel face à toutes les crises, aux côtés de l’État. Ce dernier doit les considérer comme des partenaires. J’espère que le prochain gouvernement aura le courage politique et une majorité pour engager le chantier crucial d’un nouvel acte de décentralisation. L’AMF est évidemment disponible pour ce faire. Si la France ne choisit pas cette voie, elle s’enfoncera de plus en plus dans le déclin.
J’espère que non. Gageons que le prochain mandat ne sera pas celui de la continuité des nombreuses crises survenues depuis quatre ans et demi. Nous devons aussi faire aboutir la réforme du statut de l’élu avant la fin de l’année 2025 pour améliorer les conditions d’exercice du mandat en apportant de meilleures garanties sociales, juridiques, financières à celles et ceux qui s’engagent. Là encore, l’AMF porte des propositions.