À Beauvau, point de longs discours politiques au pupitre qui avaient émaillé le premier opus, les échanges s’opéraient cette fois-ci autour de tables composées d’élus, de ministères, de policiers municipaux, de techniciens, en présence de la presse. Dès l’entame, la ministre des Collectivités locales, Dominique Faure, avait pris soin de désamorcer quelques malentendus : « Il ne s’agit pas de se substituer à la commission consultative des polices municipales, ni au dialogue social » entre employeurs territoriaux et policiers municipaux, a-t-elle précisé, mais plutôt de « répondre aux demandes des policiers municipaux, des maires, des concitoyens » et de « faire évoluer des textes qui ont connu peu d’évolutions ces dernières années. La police municipale est la police de la tranquillité publique, la police du quotidien. Elle est une composante essentielle du continuum de sécurité, mais au service des maires. »
Plus concrètes, les discussions lors de ce second épisode ont permis de dégager un certain consensus autour du maintien de la liberté du maire d’avoir ou non une police municipale et de fixer les orientations qu’il souhaite donner à sa police municipale. « Nous sommes dans le champ de la libre administration des collectivités territoriales. Le choix appartiendra aux maires. Évidemment » , a appuyé la ministre au terme des échanges. Ce point constitue d’ailleurs un « principe incontournable » pour l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, comme pour d’autres associations d’élus comme France urbaine. Autre limite rappelée par Rafika Rezgui, maire de Chilly Mazarin (91) et vice-présidente de l’AMF : « La police municipale n’est pas une police supplétive pour remplacer la police nationale ».
« Notre mission est de donner aux maires les moyens pour aller où ils veulent » , assure Dominique Faure. Ces moyens, les élus devraient les retrouver dans la fameuse « boîte à outils » que ce Beauvau a la responsabilité de construire. Une boîte à outils, maintes fois évoquée par les participants, et dans laquelle les maires iraient piocher ce dont ils ont besoin pour mettre en œuvre la feuille de route qu’ils auront fixée à leur police municipale. À chaque doctrine, ses outils en quelque sorte (autorisations, interdictions données aux policiers municipaux par exemple).
L’enjeu va être maintenant de déterminer ces règles et de les baliser. Sur le plan juridique, il s’agit par exemple de simplifier peut-être un certain nombre de procédures (pour pourvoir utiliser les amendes forfaitaires délictuelles), de permettre l’accès à certains fichiers (système d’immatriculation des véhicules, système national des permis de conduire, fichier des véhicules assurés, fichier des objets et véhicules signalés pour les plus cités), d’autoriser certains actes aujourd’hui interdits aux policiers municipaux (contrôler l’identité d’un individu, possibilité de demander à un individu d’ouvrir son sac...).
L’objectif est de simplifier, de faciliter et de rendre plus efficace les interventions sur le terrain, d’être davantage dans l’opérationnalité en levant les freins que peuvent rencontrer les policiers municipaux, ne serait-ce que, par exemple, pour pouvoir simplement faire respecter les arrêtés du maire. Actuellement, ils sont parfois dans l’impossibilité juridique de le faire.
La question de l’« OPJisation » des policiers municipaux apparaît moins conflictuelle à l’issue de cette seconde rencontre car il ne s’agirait pas d’attribuer toutes les compétences d’officier de police judiciaire, mais seulement certaines à l’instar de ce peuvent déjà effectuer les gardes champêtres (comme le pouvoir de mener des auditions).
Le maire, lui-même OPJ, n’a d’ailleurs pas non plus toutes les compétences d’un véritable OPJ qui nécessitent des connaissances juridiques très précises pour établir des procédures sans vice. Idem pour la question du rapport au procureur : certains maires refusent que leurs policiers municipaux soient placés sous l’autorité hiérarchique du procureur de la République.
En revanche, ils admettent plus facilement un éventuel contrôle du procureur (qui existe déjà pour certains actes des maires et des gardes champêtres).
Sur le volet de la carrière des agents, la nécessité de mieux reconnaître et de mieux valoriser les policiers municipaux et les gardes champêtres fait lui aussi consensus. La principale revendication de ces agents porte sur la retraite (âge de départ, revalorisation dans le calcul de la pension…). Le sujet ne semble pas faire débat. Le maire de Saint-Laurent-du-Var (06), Joseph Segura, secrétaire général adjoint de l’AMF, a ainsi assumé : « il est temps d’agir sur la question de la retraite ! » . La reconnaissance symbolique (remise de médailles, place dans le protocole…) a également émergé des discussions d’une façon assez unanime.
Le déroulement de carrière depuis le concours jusqu’à l’éventuelle reconversion en passant par la formation (continue, sur l’armement…) devrait évoluer. La tentation est d’harmoniser un certain nombre de points avec la police nationale (épreuves écrites au concours, facilitation des passerelles pour intégrer plus rapidement d’anciens gendarmes ou policiers nationaux…).
Des limites claires ont cependant été posées : les policiers municipaux sont avant tout des agents territoriaux et doivent donc rester dans le giron de la fonction publique territoriale (si l’idée d’une spécification de leur statut circule, elle semblerait s’inscrire tout de même dans ce cadre général) ; autre limite qui découle de la première : la formation des policiers municipaux et des gardes champêtres doit rester dispensée par le CNFPT, même si certaines améliorations pourraient être apportées.
Le prochain rendez-vous est prévu dès le 27 mai à la Grande Motte (34), sous le même format tables-rondes et sur les mêmes thèmes (agent et missions). Une troisième se dessine pour juillet dans la région lyonnaise et une quatrième en septembre-octobre. Avec pour objectif d’écrire une feuille de route assez précise d’ici la fin de l’année.