En somme, ça phosphore autour des assurances des collectivités, mais avec quels résultats et quelle utilité à court terme ? Selon les différents rapports, et en l’état actuel du droit de la commande publique, les collectivités peuvent déjà faire évoluer leurs pratiques. « 75 % des contrats d’assurance sont actuellement passés selon la procédure d’appel d’offres ouvert », fait remarquer Alain Chrétien. Or, le Code de la commande publique présente des procédures de marchés publics qui restent «peu utilisées par les collectivités », constate-t-il. Il en va par exemple de la négociation pour laquelle plusieurs procédures existent, notamment en fonction du montant estimé du marché et du contexte local de la collectivité (lire notre article). «La spécificité des marchés d’assurance suppose, pour bien couvrir le profil de risque de l’acheteur et l’ensemble des risques à assurer, une adaptation de l’offre des compagnies d’assurances.
Par définition, ces risques ne sont pas standards et l’acheteur doit pouvoir bénéficier des propositions d’offres optimisées par des professionnels du secteur, afin de personnaliser du mieux possible l’offre à son besoin spécifique », indique le rapport Husson. Chaque collectivité est unique par les risques auxquels elle est exposée.
Vidéo sur les problèmes assurantiels rencontrés par les collectivités territoriales, le le 7 février 2024, au Sénat (Source : Public Sénat)
En conséquence, pour obtenir une offre adaptée, elle a intérêt à échanger avec les candidats (en amont du marché, lors d’une phase de sourcing pour se renseigner sur les possibles candidats, sur le fonctionnement du secteur…, et lors de la procédure avec une phase de négociation).
Le rapport Chrétien/Dagès ajoute la possibilité de recourir aux réserves (lors de la conclusion du contrat) et aux avenants (après la signature du contrat). Il encourage aussi «à laisser davantage de délais aux candidats pour que ceux-ci aient le temps de répondre convenablement à la demande ».
Face à la crainte des collectivités de se voir entraînées dans des contentieux, les rapports misent sur la pédagogie. Le Sénat a produit un guide pratique pour la passation des marchés publics d’assurance et qui donne déjà un bel aperçu pour se lancer. La direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie et des Finances, qui pilote la réglementation en matière de commande publique, pourrait aussi réactualiser son guide sur les marchés publics d’assurance qui date de… 2008 «afin de sécuriser les procédures de négociation », relève Alain Chrétien.
Autre consensus issu des rapports : le patrimoine reste mal inventorié. Selon les réponses de la consultation en ligne du Sénat, lancée par la mission Husson, 30 % des collectivités ne connaissent pas leur patrimoine précisément. Pour celles ayant réalisé un inventaire détaillé, 25 % déclarent ne pas le mettre à jour régulièrement. En cause, les erreurs d’écriture comptable dans les actifs immobilisés (entrées dans le patrimoine comme pour les sorties), valorisations approximatives, etc.
L’expérimentation nationale sur la certification des comptes des collectivités, dont le bilan a été fait en 2023, a révélé «des lacunes majeures, avance Alain Chrétien. L’incapacité d’une partie des collectivités à recenser et suivre leurs immobilisations explique une partie des difficultés de contractualisation d’assurance des collectivités, estime-t-il. Celles qui ne disposent pas d’un inventaire d’immobilisations car elles ne détiennent pas un inventaire physique à jour se retrouvent incapables de formuler une expression de besoin d’assurance satisfaisante lors de la contractualisation. »
Qui plus est, il existe plusieurs méthodes pour valoriser le patrimoine dans la comptabilité publique, ce qui ne facilite pas le suivi et ne correspond pas aux valeurs retenues par les assureurs (valeur d’usage ou valeur à neuf). Ultime difficulté, certains patrimoines comme les monuments historiques, les espaces naturels sont valorisés «par convention à une valeur nulle mais constituent néanmoins des actifs essentiels pour les collectivités », relate Alain Chrétien.
Dès lors, comment les collectivités peuvent-elles améliorer la connaissance de leur patrimoine ? Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès proposent qu’elles utilisent pour cela les données cadastrales, tout en ajoutant qu’elles auraient besoin d’être «complétées pour fournir une information harmonisée aux assureurs ». Le rapport Husson préconise de «préciser l’état du bien en termes de vétusté et de respect des normes de sécurité ». Pour connaître l’exposition de son patrimoine aux risques naturels, le rapport Chrétien-Dagès invite à croiser des données administratives existantes relatives aux catastrophes naturelles, aux risques d’inondation, au retrait-gonflement des argiles, aux mouvements de terrains.
S’acculturer aux risques, cela signifie le connaître, le gérer via la protection et la prévention. Les rapports invitent à cartographier les risques, à mettre en place différents observatoires et référentiels et à mieux associer les assureurs par exemple lors des concertations relatives aux nouveaux contrats de ville pour les quartiers prioritaires, aux plans de prévention de la délinquance ou encore dans les contrats locaux de sécurité. Avant de voir des changements réglementaires et législatifs, que les rapports recommandent (lire ci-dessous), les collectivités ont donc à leur disposition quelques moyens de court terme pour changer leurs pratiques et leur approche.