Outre la collecte de 300 000 t/par an, il s'agit de diversifier les débouchés et les usages des textiles en France.
Nombre de ceux qui déposent des vêtements usagés dans une borne de collecte pensent aider une personne dans le besoin. Peu ont conscience de participer en réalité à un vaste circuit économique mondialisé. C’est pourquoi, durant le confinement, les sacs de vêtements se sont accumulés sur les trottoirs : fermeture des frontières oblige, la collecte et le tri des textiles se sont arrêtés avec la disparition de toute perspective de valorisation et l’impossibilité de tout stocker dans les centres de tri. Un problème qui perdure au-delà du déconfinement, le marché international se fermant ou s’ouvrant au fil de l’épidémie. En effet, 60 % des 248 000 tonnes collectées annuellement sont réutilisables comme vêtements dont seulement 5 % restent en France. Sur les 40 % restants, recyclables en chiffon ou en isolant, 30 % sont exportés. Enfin, 10 % vont en incinération. « Au total, 85 % de la matière collectée part à l’exportation », précise Alain Claudot, directeur général de l’éco-organisme EcoTLC.
Durant le confinement, des opérations ponctuelles de ramassage ont permis de débarrasser des trottoirs envahis. Depuis, la filière a redémarré petit à petit, avec un soutien supplémentaire de 120 € par tonne sur 40 % des tonnages triés non réutilisables comme vêtements, versé jusqu’à la fin de l’année par EcoTLC, afin d’éviter la mise en incinération. Ce montant s’ajoute aux 82,50 €/t versés en soutien au tri.
La responsabilité la plus visible des collectivités dans le domaine de la collecte des textiles est la délivrance des autorisations temporaires d’occupation de voirie pour les points d’apport volontaire. Ce sont elles qui décident à qui les octroyer et où installer les bornes.
Moderniser le tri
« Les collectivités doivent sélectionner les opérateurs de collecte et de tri selon des critères de qualité de prestation, de traçabilité du déchet, de capacité de valorisation », explique Mehdi Zerroug, président de Federec Textile et PDG du collecteur Ecotextile. Sur les 248 000 tonnes collectées annuellement, seules 160 000 sont triées en France dans 68 centres. Or, l’objectif est de collecter 300 000 t/an, pour lesquelles il manquerait 10 à 15 centres de tri selon Pierre Duponchel, président du Relais-France, qui cite l’exemple du Smictom Vals Aunis à Surgères (17) qui a investi dans un centre « alors que ce n’est pas sa compétence ».
De son côté, Alain Claudot se demande s’il ne vaudrait pas mieux moderniser les centres existants. Les textiles collectés en France sont de mauvaise qualité, « avec une valeur réutilisable très faible pour un coût de traitement élevé », explique-t-il. Trier, caractériser, effilocher un vêtement usagé pour en faire une matière recyclée est coûteux. D’où le poids des exportations motivées par une main-d’œuvre bon marché qui ne peut être compensée que par une modernisation des traitements. « Les collectivités pourraient inciter à investir dans l’automatisation du tri », suggère Pierre Duponchel. « Une réflexion est menée sur la relocalisation de la filière avec les collectivités territoriales dans le cadre de la commission filière textile de la direction générale de la prévention des risques », ajoute Mehdi Zerroug.
« Avec la pandémie et la fabrication de masques et surblouses, on a redécouvert une industrie textile consommant de la matière en France », se réjouit Alain Claudot. D’où un partenariat d’EcoTLC avec des régions comme l’Occitanie afin d’aider à développer une économie circulaire du textile. Il s’agit d’identifier toutes les entreprises travaillant avec du textile, de connaître leurs besoins précis, leur possibilité d’utiliser des fibres recyclées. Puis des ateliers expérimentaux prépareront une matière première adaptée afin d’en connaître les contraintes économiques et techniques. « D’énormes débouchés existent pour le fil et le non tissé tel le feutre pour l’automobile, l’isolant dans le bâtiment en substitution de la laine de verre. Il faut encourager les filateurs et tisseurs français à utiliser une matière première recyclée », conclut Alain Claudot.
Améliorer la qualité
Puisque l’un des problèmes de la filière textile est la mauvaise qualité des vêtements, il faut s’attaquer à l’amont de la chaîne. C’est la conviction de Florence Presson, adjointe à l’économie circulaire à Sceaux (92). En organisant le festival Up’cycling, dont la 1re édition s’est tenue en 2019, elle vise à sensibiliser clients et commerçants à la qualité des matières, à l’origine et à la durabilité des vêtements. Avec un défilé de mode, elle promeut le réemploi et la transformation des vêtements. « Les élus doivent accompagner les changements de comportements des citoyens de manière ludique, avec des actions concrètes », pense l’adjointe.
Martine Kis
n°382 - Septembre 2020